Cela va peut-être vous surprendre mais même si j’aime la mode, tout particulièrement celle qu’on peut qualifier de “streetwear”, je n’ai jamais fait de drop Supreme ou attendu des heures devant une boutique de sneakers afin de mettre la main sur une petite paire de YEEZY ou de Nike x Off-White. Puis, il faut dire que je n’ai pas non plus été hypée par une collaboration depuis un petit moment (si ce n’est tout ce que fait le label CLOT, éventuellement, ou les propositions toujours bien senties de New Balance). Et voilà que débarque sans crier gare le feat le plus punk et kawai de l’année : la marque british de skate PALACE s’associe avec la marque british et luxe Vivienne Westwood. Les vrais le savent, la collection sortait à midi sur le site ainsi que dans certaines boutiques le 6 septembre dernier, ou comment débuter la rentrée en se ruinant comme jamais. Hasard du calendrier, j’étais à Londres et je comptais bien ne pas me priver.
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Honnêtement, ça serait vous mentir que de vous dire que j’ai tout compris au fonctionnement, étant encore une fois néophyte des drops de grosses collaborations. J’ai évidemment vu ces vidéos virales de file d’attente à rallonge, provoquant parfois des bagarres, devant les boutiques Supreme. Heureusement, le chic londonien m’épargne ce genre d’altercations. J’arrive environ trois heures avant l’ouverture, autant que pour un concert. Il y a déjà pas mal de monde, peut-être une cinquantaine d’individus, mais c’est OK, je m’attendais à pire. Je me glisse entre un ado qui mesure environ deux mètres et porte un hoodie PALACE. Derrière moi, un quarantenaire déboule, hyper-bavard.
Il m’explique tout de son accent le plus british : les premiers arrivés ont eu des bracelets et pourront donc rentrer les premiers dans la boutique. “Mais il ne restera plus rien pour nous ?” Il rit, “Je ne sais pas si le nombre d’items acheté est limité mais vu les prix, à mon avis, ils ne pourront pas tout dévaliser.” Je suis trop sotte. Allez savoir pourquoi, j’ai cru que les habituels prix des items PALACE s’appliqueraient. Sauf que non, forcément, on sera plus proche des prix Vivienne Westwood. Je n’avais pas prévu ça et je regarde sur les sites d’estimations : 150 euros le T-shirt, plus ou moins cent balles de plus pour un hoodie. Bon, ce ne sont que des estimations officieuses, et au pire je prendrai moins que prévu… de toute façon, j’étais surtout venue pour un T-shirt et un petit charm en forme de peluche d’ours so kawai à accrocher à mon sac.
Pas de doute, je suis au bon endroit @Konbini
Faux départ et prix qui piquent
La foule grossit, les minutes sont longues dans ce froid, bien plus délicat qu’à Paris car d’une part il est tôt, d’autre part il y a beaucoup de vent. J’ai faim et la sécu nous demande sans cesse de nous déplacer pour ne pas gêner une voie de garage. Me voilà planquée du côté des poubelles, merci l’odeur bien punk. De plus en plus, les heureux détenteurs de bracelets arrivent. D’un côté, je suis envieuse, mais aussi heureuse, excitée. J’aime le côté challenge de devoir me battre pour choper une jolie pièce. Aussi, je me sens comme à la Fashion Week. Les gens sont beaux et tellement bien sapés, tous pourvus de pièces d’archive de la marque au fameux orbe, colliers de perles, sapes de maisons pointues comme ISSEY MIYAKE ou plus street comme Stüssy. Évidemment, il y a aussi des fans du manga Nana, reconnaissables entre mille avec leur manteau léopard, leurs piercings par farandole et leur cravate lâchement nouée autour du cou.
Puis il y a moi, avec mon outfit de PNJ, supportant toujours moins le froid. Surtout, j’entends peu parler anglais. Ça cause beaucoup chinois, un peu coréen, quelques mots de français (!) ou alors anglais, oui, mais avec l’accent des US. Je comprends vite que je suis surtout entourée de resellers, des personnes qui revendront tout ça quatre fois le prix sur StockX (spoiler : on peut retrouver les sweats à 500/600 euros à l’heure de l’écriture de ce texte). Qu’on se le dise, je les déteste, mais c’est un autre débat. Enfin, nous sommes au bord de l’ouverture des portes. Et de l’accès à la vente en ligne. Le grand gaillard devant moi tombe des nues : il a prévu un budget max de 200 balles pour un hoodie, pensant comme moi que les prix PALACE plus accessibles s’appliqueraient. Il n’a pas les moyens, et abandonne donc la file d’attente.
Screen Stock X
Pour être honnête, je suis trop concentrée sur l’eShop pour le remarquer d’emblée : je refresh en boucle dans l’espoir d’avoir une pièce, mais tout est sold out. Je ne veux pas acheter n’importe quoi par excitation puis le regretter. Je ne mise que sur le T-shirt qui me donne envie. Je suis vicieuse : je fais mine de ne pas être sur mon tél, j’ai mis la luminosité au plus bas, je ne veux pas que les gens derrière moi me voient et traquent le haut que je convoite. Et là, miracle : le T-shirt est dispo, plus qu’un seul, mais en plus de cela, à ma taille !
Hop, je le mets dans le panier et lance l’achat, les doigts tremblant par une adrénaline étrange. J’ai l’impression d’acheter du crack (enfin je crois, je n’en ai jamais pris, la dr*gue c’est mal m’voyez). Et là, coup de théâtre ! Ma carte est refusée, l’achat semble suspect selon ma banque. Sérieusement ? Je règle ça en deux minutes sur l’application, le temps de me manifester non pas à Paris mais bien à Londres mais je flippe. Je me dis que je vais perdre ma chance. En effet, le T-shirt est parti. Tant pis. Je refresh encore une ou deux fois… et le revoilà. Cette fois-ci, c’est la bonne, je fonce. Et c’est tout bon. Le T-shirt hors de prix que je vais tellement saigner que les gens penseront que je n’ai pas d’autre haut (faudra bien le renta, le petit) est à moi. Je quitte silencieusement la file, sans bruit, rictus au coin des lèvres. J’ai réussi mon pari sans même rentrer dans la boutique. Certains diront alors que j’ai attendu pour rien, et ils auront raison. Je n’ai définitivement plus l’âge pour ces bêtises, même si la fashion adrénaline est plus douce que n’importe quelle injection de botox.