Depuis quatre ans, la jeune cheffe Cheynese Khachame publie ses recettes véganes sur ses réseaux sociaux, et est devenue une référence en la matière. Mais si elle peut compter sur une communauté fidèle et bienveillante, elle se heurte aussi, trop souvent, à un flot d’insultes, de menaces et d’attaques. Dans un récent post, elle a pris la parole pour dénoncer ce harcèlement intolérable. Konbini est allé la rencontrer.
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Konbini | Salut Cheynese, pour commencer, peux-tu te présenter ?
Cheynese Khachame | J’ai tout juste 21 ans et je suis une cheffe passionnée et autrice culinaire. D’origine marocaine et portugaise, je considère mes racines comme une richesse que j’aime explorer dans mes plats, même si on me connaît plus pour mon attrait de la gastronomie asiatique. J’ai commencé mon parcours à 20 ans, déterminée à réussir par mes propres moyens, et aujourd’hui, je crée des menus qui racontent une histoire, celle d’une jeunesse indépendante et ambitieuse. Je crois profondément que la cuisine peut rassembler, et c’est avec cet amour que je partage mes créations, pour inspirer et donner du sens à chaque assiette
Peux-tu nous décrire ton travail ?
Depuis quatre ans maintenant, car j’ai commencé au lycée, je réalise des vidéos recettes véganes que je poste sur les réseaux sociaux. Ça a pris rapidement, alors à 18 ans à peine je me suis lancée dans l’écriture de mon premier livre, puis de mon second l’année passée. Je suis également cheffe autodidacte, et souvent en résidence dans divers restaurants ou lieux de vie pour proposer des menus personnalisés, éphémères et uniques.
La nourriture végane est un sujet important pour toi ?
Je suis végane depuis quatre ans, depuis mes débuts sur les réseaux.
Comment s’est construit ce choix ?
Je n’ai jamais été sensibilisée au véganisme. Il faut dire que j’ai travaillé une grande partie de mon adolescence dans les kebabs de mon père et à l’époque tu mangeais juste ce que l’on te posait sur la table sans te poser de questions. J’ai toujours été très curieuse, mais encore plus pendant mes études de graphisme où justement on nous poussait à toujours nous poser des questions et à être très curieux. C’est à ce moment de ma vie que je me suis demandé ce qu’il y avait réellement dans mon assiette. Après m’être renseignée sur la condition animale, et j’en passe, je me suis dit “et pourquoi pas changer de régime alimentaire ?”.
Tu as récemment montré sur ton compte Instagram les commentaires et les insultes que tu reçois, parfois très violents. C’est fréquent ?
Tout dépend, je dirais que c’est plus fort à certaines périodes qu’à d’autres, mais heureusement ce n’est pas tout le temps.
Qu’est-ce qu’on te reproche ?
Tant de choses. Un jour trop maigre, un jour trop pâle, l’autre trop bronzée, trop femme, pas assez, maquillée, pas maquillée, poilue, pas poilue, être végane, faire semblant de l’être, être malade, être maghrébine, avoir des tatouages, décliner des recettes en végan comme les rillettes… J’ai été critiquée sur tellement de sujets différents… Sur les réseaux sociaux, quoi que tu fasses, les gens auront toujours un truc à dire.
Qu’est-ce qui se cache derrière ce harcèlement, selon toi ?
J’ai vraiment du mal à penser que les personnes qui commentent me veulent du mal… Je veux dire… Ce serait fou, quand même ! Je pense surtout qu’à partir du moment où on est sur les réseaux sociaux derrière un écran, les gens se lâchent totalement, il n’y a plus aucune barrière, aucune gêne et aucune règle.
Comment expliques-tu cette virulence ? Est-ce dû à toi ? au véganisme ?
Je pense ne pas avoir de réelle réponse à cette question, et je n’accepterai jamais ce genre de propos vis-à-vis de ma personne. Je sais que je ne le mérite pas et ça me suffit. Cela dit, l’exposition est une des raisons. J’ai l’impression que plus tu t’exposes, plus les gens pensent que tu leur dois quelque chose, que tu es obligé de tout accepter et de te plier à leurs exigences… Par exemple, ce qui ressort beaucoup, c’est le fameux “Tu t’exposes, alors tu es obligée d’accepter la critique”. C’est le jeu, comme beaucoup disent, mais je ne suis pas d’accord.
Dans ton post, tu dis : “Après tout, ce n’est que de la cuisine…”…
Bien sûr, je dis ça pour accentuer le fait que les commentaires sont totalement ridicules. Je fais une vidéo de recette et on m’insulte, me menace et me rabaisse car la recette ne plaît pas ou parce que ce n’est pas dans leurs attentes. Je trouve ça ridicule, on parle de cuisine, on ne joue pas nos vies…
Est-ce que tu reçois du soutien tout de même ?
Énormément, les gens sont super réactifs et bienveillants. Je dois dire que je ne réponds même plus aux commentaires, la plupart du temps les autres répondent à ma place et me défendent, je n’ai pas l’énergie pour répondre à tout le monde mais ça me va droit au cœur.
Et sinon, quelles sont tes trois adresses véganes, ou végétariennes, préférées à Paris ?
C’est devenu si compliqué de bien manger végan à Paris, je m’ennuie tellement ! Je n’ai pas d’adresses 100 % véganes préférées, c’est dur de dire qu’un restaurant est bon, mais je peux dire que je trouve de bons plats dans certains restaurants qui d’ailleurs sont souvent des bouis-bouis. Mais mon top 3 des meilleurs plats végétariens de Paris, bon, sans prétention, que je pourrais manger sans m’en lasser serait – attention, c’est des pépites… :
- Le bol de riz gluant, parsemé de you tiao sauté et légèrement assaisonné de Best Tofu. Ça ne paye pas de mine, ça ne m’est pas familier, ne m’attire pas particulièrement, et pourtant c’est ce que je préfère là-bas ! À commander avec un verre de lait de soja tiède et un you tiao.
- Les pâtes du bonheur chez Horiz. Ce sont d’énormes gâteaux de riz gluant sauté, au wok (qui donne ce goût si unique !) avec divers légumes. Un régal à manger brûlant avec du tempeh aux dix épices.
- Le loc lac végan de Chez Yu, un plat gras, goûtu et reproduit à la perfection. C’est impressionnant : la première fois que je l’ai mangé, je pensais que l’on avait fait une erreur dans ma commande.
Pour suivre ses aventures (et ses recettes), c’est par ici.