Il est 18 h 45, l’expérience ne commence que dans quinze minutes et déjà, plusieurs groupes sont devant le bar, mi-excités, mi-angoissés. Ledit bar se nomme “Perpette”, il est en plein cœur de Paris et vous en avez forcément entendu parler puisque le pari est osé : le bar propose une expérience immersive en zonzon, avec combinaison, mugshot et acteurs dans la peau de directeur, geôlier ou condamné. En tant que fan devant l’Éternelle d’Orange Is the New Black, aka la série qui a renta mon abonnement Netflix à elle seule, j’étais obligée de jouer le jeu. Je rejoins mes deux acolytes, qui elles aussi rêvent de vivre le temps d’une soirée comme Piper, Crazy Eyes ou Stella (Ruby Rose, le crush de la moitié des spectatrices malgré un temps d’écran aussi long que celui de Zendaya dans Dune premier du nom).
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Je les retrouve stressées et nerveuses à l’idée qu’on leur crie dessus ou que le côté prison soit trop présent et dérangeant (je les avais un peu prankées en leur faisant croire qu’on allait être martyrisées par les gardiens, my bad). Toutefois, leur sentiment est légitime : ici et là, sur X/Twitter et TikTok, certains individus critiquaient le concept, le trouvant border, bourgeois et juste bon à tourner en dérision la dure réalité du milieu carcéral, à raison, mais il n’en est rien, car il s’agit bien là d’un bar immersif avec des comédiens. Un peu comme une pièce de théâtre où le spectateur a son rôle à jouer. À aucun moment, vous ne vous croyez dans une vraie prison “glamourisée” mais plutôt comme dans un simulacre léché et second degré car inspiré par la pop culture.
Addiction : Dua Lipa et nom de gang : “So coquette”
Un jeune geôlier qui tire la gueule arrive et nous fait signer la carte des menus pour choisir nos “soupes”. Il s’agit en réalité de cocktails, avec ou sans alcool, et carrément délicieux – attention toutefois, ceux alcoolisés sont plutôt chargés — puis on nous file nos fameuses combis orange, kink pour toutes femmes queer ou curieuses fan de Jenji Kohan et présentes dans la salle. Ce soir-là, on compte à peine trois hommes contre une vingtaine de jolies garces : girl power. Ma tenue est dix fois trop grande pour moi, j’ai un entrejambe taillé pour le man spreading problématique – je suis sûre que ça fait partie du bizutage, mais ça me va. Ensuite, c’est parti pour s’installer dans sa cellule, toutes adaptées à la taille des groupes. Nous ne sommes que trois, mais avec un espace assez confortable bien que modeste avec un banc moelleux et une petite table pour remplir nos fiches de présentation. “Nom de gang” (on a choisi “so coquette“, paye ta street crédibilité), “Signe distinctif”, “Motif d’incarcération”… l’immersion est là mais reste peu réaliste et donc absolument pas malaisante. Dans la case “Addictions”, j’avoue tout : j’écris “Dua Lipa et le vin blanc”. La première citée filera un rictus à un des comédiens, qui a bien failli sortir de son rôle quelques instants face à cette fantaisie. C’est ça, l’effet “Houdini”, que voulez-vous.
Moi-même dans ma tenue d’Alex Vause, plutôt à l’aise finalement (© Konbini)
S’ensuit alors l’expérience véritable : pendant que des serveurs, non costumés, nous apportent breuvages et tapas, nous assistons à quelques scènes de théâtre où directeur, gardien et prisonnier simulent des confrontations et plans d’évasion. Le captif, nommé “La Fourmi”, tape l’incruste dans chaque cellule et parle aux visiteurs. Je n’échappe pas à la règle et il m’ordonne de chourer un livre rouge avec de la dynamite à l’intérieur. J’y arriverai un peu plus tard en étant convoquée dans le bureau du dirlo, non sans mal, et c’est à peu près les seules interactions que j’aurai avec ces comédiens qui peinent à improviser au gré de nos réponses farfelues. Non, on n’est pas dans le Manoir de Paris mais tout de même, on aurait aimé un peu plus d’initiatives de leur part, même si les plus réservés des visiteurs apprécieront.
Concours de tractions et twerks improvisés
Encore une fois, l’atmosphère carcérale s’inspire plus des fictions américaines et n’est vraiment pas glauque comme je le craignais. Une musique rétro passe dans les enceintes, d’abord country (mais pas de Beyoncé, hélas), puis du Jane Birkin. On retrouve des petits dessins kitsch ici et là en déco. L’une des cellules a des faux WC qui servent en réalité de table basse. Surtout, aucune cage n’est fermée.
Côté ambiance, c’est clairement du côté des autres visiteurs (et surtout visiteuses) qu’il faut se tourner et dire merci. Le groupe à notre droite n’a pas bu que de l’eau et fait le show, criant et nous offrant un concours de tractions, certes cliché mais ô combien régressif. Une autre cellule improvise des battles de twerks. Bref, la sororité est de partout et j’ai davantage l’impression de m’être incrustée dans un enterrement de vie de jeune fille costumé. Après une heure trente pile, la Fourmi, le Michael Scofield local, lance son plan d’évasion. Les lumières passent au rouge puis s’éteignent, nous n’avons qu’une poignée de secondes pour nous défaire de nos combis, récupérer nos affaires et nous casser avec lui. “C’est un coup à oublier quelque chose, ça”, pense à voix haute ma sage codétenue. Elle n’a pas tort. Reste qu’on sort toutes amusées mais qu’on reste sur notre faim, car on espérait des acteurs plus bavards et présents. D’autant plus que la condamnation n’est pas donnée : comptez 49,50 euros par tête. C’est un jugement qui a un prix, on aurait mieux fait de prendre un avocat !
Expérience immersive pour 1 personne (2 boissons au choix et 1 planche de tartinables végétariens) au 13 Rue Dussoubs, Paris 2. Article rédigé dans le cadre d’une invitation par Perpette.