“Quand on est arrivé ici en 1999, on n’avait rien” : Alexandre Couillon, le pugnace chef de La Marine à Noirmoutier (Vendée), qui vient de décrocher son 3e macaron au guide Michelin, a bâti son succès sur une cuisine simple, inspirée des produits de son île. Avec lui aux fourneaux et son épouse Céline en salle, “c’est l’histoire d’un couple. Pour nous, c’est une histoire à deux“, a réagi le chef, accompagné de sa femme sur scène au moment de revêtir sa veste. “On est heureux mais le travail n’est pas fini. On a encore beaucoup de choses à raconter et à faire.”
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Le restaurant du couple est une invitation à un voyage : “Non seulement il faut aller sur une île mais, une fois sur l’île, il faut aller sur la pointe de l’île”, raconte le patron du Guide, Gwendal Poullennec. La cuisine y est “sincère et éclatante“, avec une “vraie vibration”. Dénuées de superflu, les créations du chef sont guidées par les saisons et par l’instant, ainsi que par les produits locaux. “Le chef de demain, c’est quelqu’un qui connaît son territoire”, assurait Alexandre Couillon à l’AFP en 2016. Prophétique ? Le millésime 2023 fait la part belle aux régions, avec 37 promotions (sur les 44) pour des restaurants répartis sur l’ensemble du territoire français, or Île-de-France.
Tout commence en 1999, lorsque, âgé de 23 ans, le chef reprend le restaurant saisonnier de ses parents avec Céline, rencontrée au lycée hôtelier de Noirmoutier. “On a commencé, on avait du nappage rose avec un tissu écossais dessous, des couverts de self, des chaises en paille”, confiait-il à l’AFP. Un décor bien loin de l’actuel, très épuré.
Ni truffes, ni caviar
Armé d’un “nom de famille difficile à porter” et de quelques lignes de CV, l’enfant de Noirmoutier – né le 9 décembre 1975 au Sénégal d’un père pêcheur à la crevette et d’une mère couturière, tous deux natifs de l’île – décide d’ouvrir La Marine à l’année, dans ce bout du monde peuplé de résidences secondaires et dépourvu de tables gastronomiques. “La première année, on a fait un zéro couvert un soir de juillet“, se souvenait-il.
Sa première étoile au Michelin arrive en 2007, avant une deuxième six ans plus tard. Fin 2016, Alexandre Couillon est sacré cuisinier de l’année par l’édition 2017 du guide Gault et Millau, après 17 ans de “hargne et [de] pugnacité”. À l’international, sa renommée tient davantage à sa participation à la série documentaire Chef’s Table diffusée sur Netflix. Un fait rare pour un Français. Malgré les distinctions, “je reste un artisan. Je veux me lever le matin avec toujours le même plaisir d’aller travailler”, assurait-il.
“Dans l’assiette, les goûts sont percutants et audacieux, les cuissons – souvent à la braise – millimétrées, et la qualité des produits exceptionnelle”, loue le Michelin, qui cite le maquereau à la braise, betterave et écume de persil et le dessert sarrasin croquant, mousse de caramel, agrumes confits. Une cuisine “simple”, de “conviction”, privilégiant les circuits courts. Dans l’assiette, “pas de snobisme, ni truffes, ni caviar”. Que des plats élaborés avec des produits de proximité.
Son poisson, pêché dans l’Atlantique, le chef va le chercher directement au port, juste devant son restaurant. Les huîtres sont choisies chez un ostréiculteur de l’île, la volaille est vendéenne et les légumes sont cultivés dans son jardin, en agriculture raisonnée et en biodynamie. Seuls les agrumes sont envoyés de la région de Perpignan. Son produit phare est une huître noire pochée dans un bouillon de lard de Colonnata et d’encornets, “visuellement choquante”. Elle est nommée Erika d’après la marée noire qui a touché les côtes vendéennes l’année suivant son installation.
“C’est un pied de nez car, s’il y a une nouvelle catastrophe naturelle comme celle-ci, ça nous enterre, notre cuisine étant baignée à 100 % des coquillages et des produits marins”, expliquait-il. En 2016, le chef assurait “signer tous les plats” et “déléguer difficilement”. Sa troisième étoile changera-t-elle la donne ? L’avenir le dira.