Le jeudi 21 mars, l’émission Envoyé spécial consacrait un reportage à la cheffe Manon Fleury, que l’on suit depuis un moment et qui vient tout juste de décrocher l’étoile pour son restaurant Datil, une table ouverte il y a seulement quelques mois. Un reportage qui revenait alors sur le parcours de la cheffe, ancienne sportive de haut niveau dans l’escrime, ayant fait ses classes dans des tables dont on ne fait plus la renommée : Astrance, La Marine, Ze Kitchen Galerie, Blue Hill at Stone Barns…
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L’émission s’intéressait aussi, et surtout, à sa philosophie en cuisine et à la manière dont elle a pensé et réfléchi la géométrie, la réalité et les contours de son tout premier restaurant. Une vision moderne, à rebours des pratiques violentes et abusives qui ont longtemps hanté les cuisines de restaurants, qu’elle définissait dans un long entretien par l’envie de fonder un lieu qui embrasserait les enjeux multiples et complexes du monde de la restauration “pour les canaliser et les éviter”. “Avoir son propre établissement, c’est avoir la chance de pouvoir défendre plus facilement des valeurs, d’aller plus facilement au bout de ses idées, de porter des engagements, endosser une responsabilité sur les messages que l’on veut incarner dans le restaurant”, nous confiait-elle.
“Mes précédentes expériences nous ont permis d’avoir du recul pour savoir ce qu’on voulait et ce qu’on ne voulait pas reproduire ou construire. Un restaurant qui soit vecteur de valeurs, que l’on pose avec l’équipe, un modèle nouveau, qu’on se pose des questions sur ce que l’on peut faire à notre échelle pour être plus vertueux, améliorer les choses, essayer de changer les mentalités.”
© Pauline Gouablin
Avalanche de commentaires négatifs
Dans le reportage d’Envoyé spécial consacré à sa trajectoire unique et inspirante, la cheffe insistait alors sur son engagement et son combat dans la prévention contre les violences dans l’hôtellerie et la restauration, ainsi que sur la place et la représentation des femmes en cuisine. Celle qui incarne et porte depuis quelques années ces questions cruciales assumait alors une forme de “discrimination positive en cuisine” pour expliquer la présence majoritaire de cuisinières dans sa brigade. Une présence qui, en réalité, a surtout été bâtie par ses prises de position et la portée médiatique de son engagement qui ont amené, ces derniers mois et années, de nombreuses cheffes en devenir à vouloir à tout prix rejoindre son projet et ainsi embrasser son sillon et cette aventure vertueuse.
Mais cette réalité a évidemment déplu à quelques téléspectateurs et internautes, tombés nez à nez avec un extrait de l’émission diffusé sur X/Twitter. Dans la foulée de la mise en ligne de la séquence, les commentaires se sont enchaînés, multipliés et accentués pour dénoncer cette philosophie et cette manière de construire sa brigade. Outre les commentaires diffamants ou insultants, de nombreux internautes sont également allés inonder d’avis en ligne négatifs le restaurant de Manon Fleury, Datil, sans évidemment jamais y avoir mis les pieds. Depuis quelques heures, Google semble avoir fait le ménage dans les avis et avoir réduit au mieux les effets de ce raid numérique lâche et misogyne, mais il en restera des traces. Signe qu’en 2024, le chemin est encore long et qu’il reste encore énormément de travail avant de voir les mentalités évoluer vers des modèles plus égalitaires, plus ouverts, plus respectueux.
La rédaction de Konbini tient aujourd’hui à renouveler son soutien, total et entier, à la cheffe Manon Fleury, aux équipes de Datil, et à celles et ceux qui construisent, dans la douleur et face aux obstacles, leur propre définition du restaurant de demain, inclusif et vertueux.
