C’est les larmes aux yeux et dans les sanglots que l’annonce a été faite sur Instagram. Dans une vidéo touchante, Claire Vallée, jeune cheffe à la tête du restaurant ONA, détaille les raisons qui l’ont poussée à fermer les portes de son établissement fraîchement étoilé, situé dans le bassin d’Arcachon. “ONA, c’est demain qui est arrivé trop tôt”, confie-t-elle. C’est un message d’espoir que je souhaitais vous transmettre aujourd’hui. Bien sûr, quelques larmes viennent tacher, ici et là, l’encre de mes mots. Mais je reste convaincue, comme l’écrivait si justement Paul Éluard, qu’il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous. Et vous fûtes de loin le plus beau”.
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ONA, pour Origine Non Animale, était un restaurant unique en son genre, et premier établissement vegan français à obtenir l’étoile Michelin. Un ovni dans la gastronomie française et le symbole, peut-être, d’un changement de paradigme dans la grille de lecture des guides culinaires traditionnels. “À l’époque je n’avais que quelques malheureux sous en poche mais déjà l’audacieuse prétention de vouloir dépoussiérer la tradition”, écrit-elle.
“Quand on souhaite faire bouger les lignes il n’y a pas trente-six moyens, il faut s’attaquer au sacro-saint. Et en France, c’est bien la nourriture qui fait loi. ONA fut la réponse à cette question : peut-on manger écologiquement et éthiquement sans perdre le plaisir : OUI. ONA pouvait naître”. La cheffe finit : “Il ne reste qu’à écrire ce nouveau chapitre et j’y crois, aussi fort que j’ai cru en ONA, VOUS. L’Humain et la vie sont incroyables de résilience.”
“On ne peut plus demander aux gens de rester jusqu’à minuit pour faire du service.”
Mais quelle est la raison d’une telle fermeture ? Dans une interview à Actu.fr, elle s’est livrée sur ses difficultés à recruter dans le bassin d’Arcachon, où le restaurant est installé. “Après le Covid, j’avais tout réadapté : on ne servait plus le midi ; on faisait que cinq menus par semaine, le soir ; des salaires revus à la hausse ; dix semaines de vacances. Et même avec ça, c’était compliqué en raison du manque et du prix des logements sur le bassin d’Arcachon. Je recevais des CV de gens motivés mais on n’avait pas de solution pour les loger, regrette-t-elle. J’ai fait agence immobilière pendant presque deux ans (sic). J’ai essayé de trouver des solutions, on a fait des demandes auprès du Maire…”
Mais le problème semble plus large, et donc plus inquiétant pour la cheffe. “Depuis le Covid, il y a un manque de motivation dans l’hôtellerie-restauration. Le secteur a perdu plus de 237 000 employés pendant la crise sanitaire. Les gens ne veulent plus bosser le soir, faire des horaires à rallonge. Je le comprends. Il va falloir reconscientiser, revaloriser la restauration d’une autre façon. On ne peut plus demander aux gens de rester jusqu’à minuit pour faire du service.”
Si elle a déjà des pistes pour rebondir, elle exclut pour le moment de rouvrir un restaurant traditionnel. Un modèle en lequel elle ne croit plus et pour lequel elle se montre pour le moins pessimiste. “Je ne pense pas que je réouvrirai un restaurant comme on l’entend. Les restaurants actuels sont désuets. Ils sont voués à disparaître à cause de l’approvisionnement, de la main-d’œuvre, des coûts de l’énergie… Par contre, on peut travailler de plein d’autres manières. Le restaurant de l’avenir, ce n’est peut-être pas un restaurant entre quatre murs. À quoi ressemblerait le restaurant de demain ? Je n’en ai aucune idée pour le moment.”