Comme chaque fin d’année, l’approche des fêtes est également synonyme de l’arrivée du très attendu palmarès du Fooding. Cette année, le guide a référencé et sacré pas moins de 400 nouvelles adresses (restaurants, bars, caves, commerces, chambres), mais il s’est surtout fixé un cadre et une ligne de conduite précise : mettre en valeur des établissements et des personnes que l’on n’a pas l’habitude de voir, dans les médias et les stories Instagram, “déconnectés de toute forme d’ego, de marketing ou de business”. Qu’est-ce que cela dit de la gastronomie d’aujourd’hui et demain ? Pour répondre à cette question cruciale et terriblement contemporaine, nous sommes allés poser quelques questions à Christine Doublet, directrice adjointe du Fooding, et Elisabeth Debourse, rédactrice en cheffe du guide.
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Konbini | En quoi ce palmarès et ce nouveau cru 2024 sont-ils particulièrement novateurs et uniques ?
Christine Doublet | Dans une époque obsédée par l’image, ce palmarès, quant à lui, met en lumière des restaurateur·rice·s, chef·fe·s, sommelier·ère·s, mixologues qui sont déconnecté·e·s de toute forme d’ego, de marketing ou de business. Ils et elles sont dans une sincérité absolue. Seize prix et autant de parcours personnels, intimes, de couples ou d’amitiés, le tout avec un mélange de cultures, d’influences, de genres : Palégrié Chez l’Henri, Manat, Mam from Hanoï, Cheval d’Or, Maison Ailhon, Razzia, Café Brochier.
Quelles différences, ou points communs, trouve-t-on avec les palmarès passés ?
Christine Doublet | Il y a une continuité avec les palmarès des dernières années, notamment post-Covid, où les grandes villes ne sont plus forcément un passage obligé pour les restaurateur·rice·s. Cette année, le palmarès rebat encore les cartes de géographie, avec des endroits peu touristiques comme le Vercors, l’Ardèche ou encore Saint-Étienne, Annecy, Perpignan… Marseille a toujours la cote : on dénombre trois prix à Marseille parmi toutes les ouvertures (et cinq prix à Paris).
Est-ce que la sélection des tables, restaurants et hôtels, a été compliquée à réaliser ?
Christine Doublet | Beaucoup de ces adresses sont bien planqué·e·s, sous les radars, donc cela a demandé un travail de fourmi dans toute la France à nos enquêteur·rice·s. Mais c’est aussi le rôle du Fooding, de guider vers des adresses pas vues partout, d’avoir un temps d’avance. Ceci dit, la sélection n’a pas été dure, car ces 16 adresses étaient plus que réjouissantes toutes à leur manière.
© Atelier Hourra
Qu’est-ce que ça dit de la gastronomie d’aujourd’hui ?
Christine Doublet | Ce cru 2024 est empreint d’une grande douceur, d’une gentillesse sincère IRL. La gastronomie aujourd’hui et l’époque n’auraient-elles pas urgemment besoin de ça ? En tout cas, c’est ce qu’on a ressenti dans toutes ces adresses, du service, au menu, en passant par le décor et l’esprit d’équipe… Une grande humanité se dégage de ces personnalités et de ces lieux. Il y a une forme de simplicité noble dans ces adresses, qui n’est jamais simpliste : les assiettes sont précises et inattendues (Manat). On note aussi que le végétal et les propositions sans alcool ne sont plus en option (Cheval d’Or, Dada Café), et prennent joyeusement et pleinement leurs places non pas comme des alternatives, mais comme parties intégrantes, structurantes des menus (Datil, Café Brochier, Razzia). Enfin, il y a une vraie proximité avec l’environnement : je pense à ces adresses de jour où on peut prendre un café dès le petit matin, des menus du midi, des lieux inclusifs ouverts aux villageois·es comme aux gens de passages, aux fins gourmets comme aux plus novices (Maison Ailhon, Atelier Renata, Palégrié Chez l’Henri).
Combien de nouvelles adresses compte le guide Fooding 2024 ?
Christine Doublet | Dans ce guide il y a 400 nouvelles adresses partout en France dans toutes nos catégories (restaurants, chambres, commerces de bouches, bars, caves) et 16 prix. Toutes les nouveautés de l’année donc, et pour les plus anciennes adresses, toujours référencées dans le Guide, elles sont accessibles sur lefooding.com et sur notre application.
Le guide propose, cette année encore, une grosse partie “magazine”, c’était important pour vous ?
Elisabeth Debourse | Il faut dire que le thème qu’on s’était fixé, l’image dans la food, était particulièrement inspirant ! On peut le traiter sous plein de prismes différents, mais qui sont tout ce qui nous anime dans la bouffe, au-delà de l’assiette : la socio, l’économie, l’histoire et les cultures, notamment alternatives. On ne se donne pas vraiment de limite par rapport à la place que doit occuper le magazine versus le guide, on veille surtout à publier un sommaire cohérent et pertinent, des articles pas lus partout et écrits par des personnes qu’on estime depuis longtemps comme de plus jeunes pousses. Il faut que le journalisme food se renouvelle ! De manière générale, on sait que tous ces sujets nous nourrissent collectivement, dans notre travail au Fooding, donc ils ont simplement la place qu’ils méritent.
En récompensant des restaurants peu mis en lumière, vous vous êtes heurtés à des difficultés ?
Christine Doublet | La quasi totalité des adresses primées n’a pas pu envoyer de photo d’elles pour illustrer le guide. Pour la Meilleure Table, Palégrié Chez l’Henri, j’ai dû envoyer à Aline Zalko (qui a illustré la partie palmarès dans le guide) une capture d’écran d’un coin de de vidéo où on apercevait la sommelière Chrystel Barnier car elle n’a aucune photo d’elle, et dit d’ailleurs qu’elle “aime l’ombre”. Pour la plupart des primé·e·s, iels n’ont pas d’attaché·e de presse ou de community manager. Autre exemple, Luke Dolphin (Pluviose) a ouvert un compte Instagram car son établissement est dans une allée cachée de Saint-Jean-de-Luz et personne ne savait comment accéder à son resto, il a donc créé ce compte vraiment pour donner ses infos pratiques (et il n’a d’ailleurs posté que 6 photos depuis !)
© Choque
Le guide Fooding sera disponible en kiosques, librairies et sur la boutique en ligne du Fooding. Sortie nationale le jeudi 23 novembre 2023.