Pourquoi le compte TikTok des Jeux paralympiques n’est pas au goût de tout le monde ?

Pourquoi le compte TikTok des Jeux paralympiques n’est pas au goût de tout le monde ?

Image :

© Jens Büttner/picture alliance/Getty Images

photo de profil

Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Le compte TikTok officiel des Jeux paralympiques déborde d’humour, mais pour certain·e·s, il n’est pas forcément de bon goût.

La Toile se déchire pour savoir si, oui ou non, la ligne éditoriale du compte TikTok officiel des Jeux paralympiques est respectueuse envers les athlètes des Jeux paralympiques. Les vues se chiffrent en centaines de milliers, sinon en millions, et les commentaires explosent. On se demande s’il est bon de normaliser le handicap à travers un humour qui demande beaucoup d’autodérision, ou si c’est absolument indécent de faire ces blagues et, surtout, qui est le CM responsable.

À voir aussi sur Konbini

Certain·e·s athlètes n’ont pas apprécié cet humour qui ridiculise leurs performances par le montage, le son, le texte affiché ou des musiques tendances. Dans une pastille, un athlète malvoyant cherche son vélo à tâtons. Une musique de piano tourne en fond car ces mouvements peuvent rappeler ceux des pianistes. Dans une autre, un footballeur, malvoyant également, marque un but. En fond, une musique humoristique d’une voix d’enfant fredonnant maladroitement une chanson électro. Les zooms viennent parfois accentuer le malaise. Plus loin, des avec un enfant

@paralympics

Dancing through defenders 🕺

♬ original sound - paralympics

Dans une autre vidéo, ce n’est pas tant la direction du contenu qui pose problème mais plutôt les réactions qu’elle attise. Un joueur paraplégique brésilien marque lors d’une épreuve de volley-ball et se redresse légèrement pour célébrer sa victoire avec son équipe. “Quel coup !”, crie le commentateur et dit le texte affiché. Toutefois, les commentaires ne se font pas attendre : “Il s’est rappelé qu’il devait faire semblant ou quoi ? J’ai cru qu’il allait se lever”. Une vidéo montre un nageur sans bras sur le titre “Just Keep Swimming” du Monde de Nemo, qui se prend ensuite le mur de la piscine sur un effet sonore cartoonesque. Une autre pastille met la chanson “Right Foot Creep” sur l’extrait d’un athlète de saut en longueur unijambiste.

Les internautes et athlètes en situation de handicap reprochent un contenu un peu trop comique, issu d’un regard validiste qui ne valoriserait pas suffisamment leurs exploits sportifs et ne se limiterait qu’à amuser la galerie. C’est le cas de cette joueuse de basket qui se prend une balle en pleine tête lors d’un match et tombe de son fauteuil roulant. Cela demande aux personnes concernées un grand sens de l’autodérision pour rire de ces mises en scène.

@paralympics

Para Triathlon is swim, bike and air piano. 🎹

♬ original sound - paralympics

Différence de traitement

Ce qui dérange, c’est la différence de traitement entre les athlètes valides et porteur·se·s d’un handicap. On ne montre que le glamour des athlètes valides et leurs prouesses, mais jamais leurs dégringolades, leurs gamelles, leurs gestes maladroits. Il suffit de jeter un œil au compte des Jeux olympiques pour comprendre que la tonalité est tout de suite plus neutre, sérieuse et héroïque – les vidéos marchent, par conséquent, beaucoup moins alors que le compte est trois fois plus suivi, à savoir 15 millions d’abonné·e·s contre 4,6.

Ouest France rapporte la réaction de la snowboardeuse paralympique états-unienne Brenna Huckaby, qui trouve ce compte “condescendant” et “irrespectueux”, mais aussi celle de David Lysaght, paracavalier, qui parle de “dénigrement” qui “encourage les moqueries” que les personnes atteintes d’un handicap “subissent déjà” au quotidien.

Qui est derrière ce compte ? On ne le sait pas exactement mais selon Betches, il s’agirait de “quatre jeunes de 20 à 30 ans, dont trois sont eux-mêmes en situation de handicap et dont deux sont d’anciens athlètes paralympiques”. Le comité organisationnel des Jeux paralympiques assume cette stratégie de diffusion. Elle servirait, selon lui, à normaliser le handicap par le rire et à le faire accepter auprès d’un jeune public – les statistiques attestent du succès du compte, mais peut-être pour les mauvaises raisons. Certain·e·s para-athlètes sont en accord avec cette vision, à l’instar d’Émeline Pierre, nageuse de l’équipe de France, rapporte Ouest France “Si les gens arrivent à prendre ça à la rigolade, peut-être qu’ils arriveront à nous voir de façon un peu plus normale.”