Pourquoi la BBC est dans la sauce après avoir suspendu son chroniqueur vedette Gary Lineker ?

Pourquoi la BBC est dans la sauce après avoir suspendu son chroniqueur vedette Gary Lineker ?

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© Susannah Ireland / AFP

On vous résume l’affaire Gary Lineker et les conséquences pour la BBC de la suspension de son animateur vedette après sa critique publique du gouvernement.

Que se passe-t-il à la BBC ? Le géant de l’audiovisuel britannique est sous pression après le tollé suscité par la suspension de Gary Lineker, l’affaire ravivant à la fois le débat sur l’impartialité du groupe et les critiques concernant sa direction. Aucune sortie de crise ne semblait en vue dimanche, deux jours après la tempête déclenchée par l’annonce de la suspension de l’ancien footballeur et présentateur star de la très populaire émission Match of the Day.

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Mais retournement de situation ce lundi. On a appris dans le Guardian et par Gary Lineker lui-même sur Twitter qu’il devrait revenir à la présentation sur BBC Sport. “J’ai hâte de revenir sur le siège de Match of the Day ce samedi”, a-t-il tweeté ce matin. Et d’enchaîner : “Aussi difficiles qu’étaient ces derniers jours, c’est incomparable avec le fait de fuir son pays à cause des persécutions ou de la guerre pour trouver refuge dans un pays lointain.”

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À l’origine, un tweet virulent de Lineker contre le gouvernement

Gary Lineker, 62 ans, avait été mis à pied vendredi après avoir critiqué le projet de loi du gouvernement conservateur visant à empêcher les migrants arrivant par la Manche de demander l’asile au Royaume-Uni. Sur Twitter, où il compte 8,8 millions d’abonnés, il avait dénoncé “une politique cruelle à destination des plus vulnérables, dans un langage qui n’est pas sans rappeler celui qui a été utilisé par l’Allemagne dans les années 1930”. Le texte, qui vise selon le gouvernement à mettre fin à l’arrivée illégale de migrants par la Manche, a été dénoncé par l’ONU qui a accusé Londres de vouloir “mettre fin au droit d’asile”.

Gary Lineker, surnommé “Mr Nice” pour son comportement irréprochable tout au long de sa carrière — il n’a jamais écopé d’un seul carton jaune —, a l’habitude d’exprimer ses positions politiques progressistes, notamment pour l’accueil des réfugiés.

L’ancien attaquant aux 48 buts sous le maillot de l’Angleterre n’avait pas réagi publiquement à sa suspension mais avait répété cette semaine qu’il assumait complètement ses propos. Samedi, il est allé à Leicester, sa ville natale, où il a commencé sa carrière professionnelle, pour le match des Foxes contre Chelsea en Premier League.

Quelles conséquences pour la chaîne ?

La programmation sportive de la BBC a été chamboulée pour la deuxième journée de suite après la défection de nombreux consultants et commentateurs, “solidaires” de M. Lineker. Samedi, plusieurs émissions de football ont été annulées à la dernière minute, forçant la BBC à s’excuser auprès des téléspectateurs.

“Black-out à BBC Sport”, titrait dimanche le Sunday Express alors que l’affaire faisait encore la une de tous les journaux, dans un contexte de débat très crispé sur l’immigration et de critiques récurrentes de la part de la droite britannique sur une prétendue partialité de la BBC.

Sous pression, le directeur général du groupe, Tim Davie, a lui refusé “absolument” de démissionner. Il a affirmé qu’il souhaitait “régler la situation dans le calme” et que “Gary revienne à l’antenne”. Il “adore Match of the Day, mais il ne reviendra jamais sur ses propos”, a pour sa part affirmé dans le Sunday Mirror le fils du footballeur, George Lineker.

En attendant, les audiences ont explosé samedi pour l’incontournable Match of the Day, qui a été diffusé dans un format réduit, sans présentateur ni consultants. Plus de 2,5 millions de téléspectateurs ont regardé l’émission, quasi 500 000 de plus que la semaine précédente selon la BBC.

Un débat politique avant tout

Dimanche matin, le ministre britannique des Finances Jeremy Hunt a affirmé qu’il voulait que “la BBC conserve sa réputation d’indépendance et d’impartialité”. “Lorsque vous m’interviewez, les gens doivent savoir que vous le faites au nom du public, et non pour des raisons politiques”, a-t-il dit.

La BBC est régulièrement attaquée par les conservateurs qui l’accusent notamment d’avoir couvert le Brexit de manière biaisée et de s’intéresser aux élites urbaines plus qu’aux classes populaires. Le gouvernement a gelé l’année dernière pour deux ans la redevance.

L’opposition reproche de son côté à la BBC d’avoir plié face à la pression du pouvoir en suspendant M. Lineker. Les critiques se multiplient aussi contre la nomination en 2021, sur conseil du gouvernement, de Richard Sharp à la présidence de la BBC. Cet ancien banquier, soutien financier connu du parti conservateur, aurait, peu avant sa prise de poste, joué les entremetteurs pour aider son ami et ancien Premier ministre Boris Johnson à obtenir un prêt de 800 000 livres (900 000 euros).

“Je pense que le président de la BBC, Richard Sharp, devrait démissionner”, a ainsi estimé Ed Davey, le leader des Lib-Dem. “Le gouvernement conservateur sape la BBC depuis plusieurs années, notamment par ses nominations.”