Comme souvent, alors que l’heure du déjeuner approche, c’est du côté du Vieux-Port qu’on peut facilement croiser le chef Lionel Lévy, une étoile au Michelin et aux commandes des cuisines de l’Intercontinental, célèbre hôtel perché en plein cœur du Panier. Nous, c’est en face du marché aux poissons et à l’entrée de la Canebière que nous lui avons donné rendez-vous pour une petite balade – il paraît qu’à Marseille, il vaut mieux éviter de brusquer les habitudes.
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Le programme de la journée n’est pas très clair. Il ne fait pas vraiment beau, les vendeurs du Vieux-Port sont en train de plier bagage et ce n’est pas encore tout à fait l’heure de rentrer au restaurant pour préparer le service du midi. “On va aller boire un petit blanc, non ?”, lance-t-il, avant d’anticiper notre réponse et d’ouvrir la marche sur la Canebière. La destination est une adresse emblématique de la ville, à la fois écailler, restaurant et comptoir à vins bien faits, La Boîte à sardines.
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Autour d’un verre de Petit salé, un vin produit et vinifié à quelques kilomètres de Marseille, le gérant nous montre ses rougets frais du matin, nous ouvre quelques huîtres et crie un coup pour nous faire goûter, avant de partir, les boulettes aux sardines. Lionel Lévy regarde l’heure et accélère le pas : ses deux restaurants, Les Fenêtres (brasserie) et Alcyone (son étoilé), n’attendent pas.
“Je crains dégun”
Ce midi, le chef, qui se présente comme un Marseillais d’adoption et qui est passé par les cuisines de Ducasse, Fréchon ou Camdeborde, a un plan bien précis nous concernant. Il veut nous faire découvrir son univers, son équipe et sa cuisine, à commencer par sa pissaladière. Oui, une pissaladière. À Marseille. À bien tendre l’oreille, on croirait entendre les Niçois râler d’ici, depuis la terrasse de l’Intercontinental qui fait face à la Bonne Mère, perchée sur l’autre rive du Vieux-Port.
“C’est un hommage à Gérard Garrigues, mon premier patron, qui faisait dans le temps une tarte de poisson sur une galette de pomme de terre. À vrai dire, la tradition modernisée m’a toujours attiré”, dit-il. S’attaquer à un plat aussi ancré dans le patrimoine gastronomique niçois, sujet à mille et uns débats, demeure toutefois un choix audacieux, mais Lionel Lévy tempère. “Je crains dégun”, sourit-il.
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En cuisine, il arrête alors subitement une préparation pour monter une de ses pissaladières de A à Z, devant nos yeux. Les gestes sont précis, même s’il assure conserver une large part d’improvisation dans sa cuisine. “Je fais rarement de tests pour mes recettes. Pour cette pissaladière, comme pour mes autres plats, je préfère prendre des risques et cuisiner à l’envie. Il y a ainsi plus de spontanéité, mais peut-être parfois un peu moins de régularité.”
Des eaux de Marseille aux Cévennes
Pour la recette, Lionel Lévy s’est toutefois fixé un protocole et une liste d’ingrédients à laquelle il ne déroge jamais. Des pommes de terre agria, des oignons doux des Cévennes pour le confit, des câpres de Pantelleria, des tomates de Provence. Et bien sûr, “des anchois et sardines de Marseille”.
“La difficulté pour une pissaladière, c’est de ne pas tomber dans le cliché de la tarte ou du sablé. Il faut faire attention à l’équilibre oignons/anchois. L’avantage, c’est que c’est un goût que beaucoup de monde apprécie.”
Le résultat est, en toute franchise, une réussite. Si la pissaladière a aussi fière allure, c’est qu’elle donne toute sa place aux différents ingrédients qui viennent l’accompagner et qu’une attention toute particulière est apportée à sa composition esthétique. Quant à savoir si les Niçois valident sa recette, Lionel Lévy n’a aucun doute. “On n’a pas eu de retours particuliers de leur part, c’est qu’ils ont dû tous adorer”, sourit-il.
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