Depuis le milieu des années 1980, il est LA voix du basket en France. Avec ses expressions devenues mythiques, son phrasé reconnaissable entre mille et son accent bien outre-Atlantique, George Eddy a marqué des générations d’amateurs de la balle orange avec ses commentaires de matches NBA (entre autres) sur Canal+.
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Ce dimanche, le journaliste basket le plus connu de France sera à l’AccorHotels Arena pour l’étape parisienne de la tournée des spectaculaires Harlem Globetrotters. On a profité de cette occasion pour discuter “b-ball” avec Mister George Eddy, mais aussi de sa prolifique carrière. Entretien.
Konbini Sports | Que représentent les Harlem Globetrotters pour toi ?
George Eddy | C’est une équipe avec une histoire très intéressante. Elle était considérée comme la meilleure au monde, dans les années 1940, quand les joueurs noirs étaient interdits dans la NBA. Les Globetrotters ont été obligés de former une équipe à part avec des joueurs de couleur et ils ont battu deux années de suite les champions NBA [Minneapolis Lakers, ndlr]. Aujourd’hui, on est plus sur du spectacle, scénarisé, aussi théâtral que sportif. Et ça plaît toujours autant, surtout au jeune public. C’est un show où toutes les générations peuvent se retrouver, ce qui est assez rare de nos jours.
© Harlem Globetrotters
On peut être un fan de basket traditionnel et aimer les shows calibrés, scénarisés et très grand public des Harlem Globetrotters ?
J’ai découvert le basket à l’âge de 8 ans en regardant les Harlem Globetrotters chez un voisin, en Floride. Ils m’ont donné la passion pour ce sport, avant que je ne découvre la NBA. En voyant ces athlètes réaliser des dunks incroyables. Ça plaît, c’est un peu comme Disney. C’est excellent pour faire connaître le basket aux plus jeunes, qui pourront s’y intéresser plus sérieusement.
De ta carrière de joueur à celle de journaliste, tu es un témoin privilégié de l’évolution du basket en France. Quel regard portes-tu sur les transformations de ce sport dans l’Hexagone ?
Depuis le début de ma carrière à Canal+, il y a 37 ans, j’ai vu le basket grandir et croître à tous les niveaux : marketing, popularité, qualité des joueurs, notamment ceux qui vont en NBA, les salles remplies dans des villes moyennes où le basket devance le foot (Pau, Cholet, Limoges…). Et ça continue. Pour les JO de 2024 à Paris, où l’équipe de France va viser l’or, je suis certain que tous les matches seront quasiment à guichets fermés.
© Harlem Globetrotters
“On a autant de chance que les USA de devenir champions olympiques en 2024”
Tu es confiant dans le fait que les Bleus remportent l’or aux JO de Paris 2024 ?
Lors des derniers Jeux, on a battu Team USA lors du premier match, ce qui était déjà un exploit. On les a déjà battus en quart de finale de la Coupe du monde en 2019. Et en finale des JO, on perd de peu. Ils ne nous ont pas dominés. On a autant de chances qu’eux de devenir champions olympiques en 2024, à la maison et avec la grosse équipe, parce que tous les gros joueurs voudront faire partie de l’aventure. Donc, j’ai confiance.
Parlons de ta carrière de journaliste sportif, longue de 37 ans, tu l’as dit. À ses débuts, comment était le jeune commentateur George Eddy ?
Quand je commence à Canal+, je n’ai pas de formation journalistique ou très peu, j’ai tout appris sur le tas. Mais je connaissais très bien la NBA, j’étais passionné et j’avais quelques qualités de communication héritées de ma mère, très volubile et communicative. Ç’a été un gros boulot d’apprentissage avec Charles Biétry, Michel Denisot, Pierre Lescure et Philippe Gildas. J’étais à la meilleure école de journalisme possible.
Je voulais tout absorber, tout apprendre, progresser et faire carrière. Mais quand je repense à mon premier match, j’avais un trac pas possible. Avec Biétry, on n’était pas du tout à l’aise, tout était nouveau, à construire et à faire découvrir à notre public. Heureusement, ils ont vu que j’avais du potentiel, donc ils m’ont donné le temps et les outils pour progresser, ce qui m’a permis de faire une très longue carrière.
On parlait plus tôt de l’expansion du basket en France. Avant, j’étais le seul journaliste qui vivait vraiment du basket, aujourd’hui, il y a des dizaines de médias : sur Internet, beIN Sports, RMC, le site de la Ligue de basket, avec des commentateurs pour chaque match. Les opportunités sont beaucoup plus nombreuses maintenant que quand j’ai débuté.
“J’ai importé l’expression ‘Money Time'”
Avec ton style de commentaire si particulier, tu as conscience d’avoir marqué plusieurs générations de téléspectateurs et de mordus de basket ?
J’ai commenté énormément de matches, et pendant des années, on avait tous les championnats sur Canal+, donc même si les gens ne m’aimaient pas, ils n’avaient pas le choix de m’écouter commenter [rires]. Quand j’étais jeune, j’étais un fou furieux des commentateurs américains de la NBA, comme Chick Hearn chez les Lakers. Je leur ai piqué des phrases, mais aussi le côté enthousiaste et lyrique. J’ai essayé de prendre le meilleur de chacun pour créer mon propre style.
Comment trouvais-tu toutes ces phrases qui sont devenues mythiques ? C’était préparé ou tu te laissais porter par le moment ?
Dans le football américain, John Madden faisait beaucoup d’onomatopées : “BIM ! BAM ! BOUM ! BANG !” Ce n’étaient pas des vrais mots, mais il avait toujours un truc à dire et il le disait avec enthousiasme. J’ai piqué ça chez lui, et le public français a apprécié. Pour les expressions, j’ai pioché dans celles typiques du basket américain, ça a plu au public, et depuis, c’est entré dans le jargon du basket français. Sur Wikipédia, il est écrit que j’ai importé l’expression “Money Time”. J’en suis très fier.
De tes premiers matches à la télé dans les années 1960 à aujourd’hui, tu as vu près de soixante ans d’évolution de la NBA. Tu es plutôt nostalgique ou emballé par l’époque actuelle ?
Je suis le basket NBA depuis les années 1960, je me considère presque comme un historien. Depuis vingt ans, la Ligue et le basket en général évoluent très positivement. Je sus plutôt ébahi par les qualités techniques et athlétiques des joueurs d’aujourd’hui. Je ne suis pas nostalgique des années 1990 en dehors des épopées de Michael Jordan. Il était tellement beau à voir jouer, il était fort en attaque et en défense, fort physiquement et mentalement. Les Chicago Bulls étaient au summum du basket durant cette décennie.
“Je suis toujours autant passionné”
Mais le jeu très défensif voire violent des Bad Boys de Detroit, des New York Knicks et du Miami Heat de Pat Riley n’était pas du tout ma tasse de thé. Pour moi, le basket, c’est le mouvement, le collectif, l’adresse, les passes décisives, les contres, les dunks… C’est spectaculaire sans être violent. C’est pour ça que je préfère le jeu aujourd’hui, même si la recherche du tir à 3 points peut devenir caricaturale.
Mais quand c’est bien fait, ça donne les Golden State Warriors, qui ont peut-être joué le plus beau basket de l’histoire de ce sport. Entre 2015 et 2019 (5 finales et 3 titres), cette équipe était le summum absolu, symbolisé par Stephen Curry, mon joueur préféré avec Michael Jordan. Il a donné une place plus importante au tir à 3 points. Il shoote de plus en plus loin, comme Damian Lillard ou Trae Young, et je trouve ça fabuleux qu’on puisse prendre des tirs avec autant d’adresse à 10 ou 12 mètres du panier.
Parfois, tu n’es pas fatigué de suivre le basket avec toutes les rencontres qu’il y a et la profusion d’images ?
Je suis toujours autant passionné, mais je peux comprendre qu’avoir trop de matches proposés sur Internet et à la télévision dilue l’importance de chacun d’eux. Maintenant, je suis beaucoup plus excité par les playoffs, les matches couperets aux JO et les rencontres à enjeu. Ça m’intéresse plus que la saison régulière, où il y a trop de matches. Et souvent, même les joueurs ne sont pas motivés parce qu’il y a trop de rencontres. La profusion réduit la dimension événementielle, que nous avions surtout dans les années 1990. On commentait ou regardait un ou deux matches par semaine, c’était un événement. Mais on n’est pas obligés de tout voir.
“Il faut passer par la case défaite pour soulever le trophée”
Pour finir, ton pronostic sur les playoffs NBA : qui vois-tu aller au bout ?
Les Phoenix Suns sont les grands favoris, sans aucun doute. Ils ont dominé la saison régulière, ils ont été en finale l’année dernière, qu’ils ont menée 2-0 [défaite 4-2 face aux Milwaukee Bucks, ndlr]. Dans l’histoire de la NBA, quinze fois une équipe ayant perdu l’année précédente gagne l’année suivante. Il faut passer par la case défaite pour soulever le trophée.
Mais les Suns ne sont pas seuls. Face à eux, on pourrait bien retrouver Milwaukee, les champions en titre. Ils sont presque aussi favoris. Les Golden State Warriors ont su renaître avec leur basket spectaculaire — encore une autre équipe qui peut aller au bout. Les gens parlent aussi des Brooklyn Nets, des Boston Celtics et des Sixers de Philadelphie, des gros calibres qui peuvent aussi rêver du sacre. Et pourquoi pas les Utah Jazz de Rudy Gobert ? Ils ont fait de bonnes saisons régulières, ils ont besoin maintenant de concrétiser en playoffs.
Les prochaines dates des Harlem Globetrotters en France :
26/04 : Le Havre
27/04 : Le Mans
28/04 : Brest
29/04 : Rennes
30/04 : Cognac
02/05 : Toulouse
03/05 : Narbonne
04/05 : Nîmes
05/05 : Aix-En-Provence
06/05 : Antibes