Les tirs au but, une loterie ? La formule fait grincer de plus en plus de dents au sein du football français, quelque peu lassé d’empiler les désillusions dans cet exercice. Entre ceux qui y voient un exercice purement mental et ceux qui estiment qu’il en résulte une grande partie de hasard, l’approche fait jaser. Surtout quand dans le même temps, des clubs comme Liverpool tentent d’améliorer leur rendement aux penalties à grand renfort de neuroscientifiques.
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Si le sujet est aujourd’hui sur la table, c’est aussi et surtout parce que la France, ses clubs et ses sélections, ont surtout collectionné les revers aux tirs au but à travers l’Histoire. Retour sur les séances de tirs au but marquantes qui ont déchiré le cœur de nos supporters.
#10. APOEL-OL (2012, 8e de finale de Ligue des champions)
C’est peut-être ce soir de mars 2012 que s’est définitivement amorcé le déclin de l’OL sur la scène européenne. Très régulièrement placé dans la course à la Ligue des champions depuis quelques saisons, l’OL est alors très largement favori de sa double confrontation avec le club chypriote, invité surprise des 8es de finale. La courte victoire obtenue à Gerland à l’aller ne suffit pas pour l’OL, battu 0-1 au retour et poussé jusqu’à la séance de tirs au but. Avec à la clé, une énorme désillusion, puisque les échecs de Lacazette et Michel Bastos précipitent leur élimination. Il faudra attendre 2015 pour revoir l’OL en Ligue des champions et 2019 pour les retrouver à nouveau en 8e de finale en C1.
#9. Auxerre-Dortmund (1993, demi-finale de Coupe de l’UEFA)
Porte-étendard du football français dans les années 1990, l’AJA de Guy Roux a plusieurs fois flirté avec le dernier carré des Coupes d’Europe. Durant cette période, son bourreau favori s’appelle le Borussia Dortmund. Si beaucoup se souviennent avec émotion du but refusé à Lilian Laslandes en 1997, Auxerre avait été encore plus proche d’éliminer les Allemands en demi-finale quatre ans plus tôt. Battus 0-2 à l’aller, les Auxerrois avaient refait leur retard à l’Abbé-Deschamps (2-0), avant de s’incliner aux tirs au but (5-6) sur un échec du regretté Stéphane Mahé.
#8. France – République tchèque (1996, demi-finale de l’Euro)
Deux ans après avoir suivi le Mondial depuis la télé, les Bleus sont de retour dans une grande compétition à l’occasion de l’Euro en Angleterre. Un tournoi qui doit permettre aux joueurs d’Aimé Jacquet d’affirmer leurs ambitions alors que se profile la Coupe du monde 1998 en France. Après une qualification, déjà aux tirs au but face aux redoutables Néerlandais, les Bleus butent sur la République tchèque, à nouveau aux tirs au but (0-0, 5-6 t.a.b), en demie. Le jeune Reynald Pedros, valeur montante du foot français et sacré champion de France avec Nantes un an auparavant, est le seul tireur à ne pas marquer sa tentative.
#7. Australie-France (2023, quart de finale de la Coupe du monde)
Non, le manque de réussite des Français aux tirs au but n’est pas une spécificité masculine. Quelques mois après avoir vu les Bleus perdre la finale du Mondial contre l’Argentine, les filles d’Hervé Renard voient elles aussi leur Coupe du monde s’arrêter au terme d’une séance perdue, en quart de finale contre le pays organisateur, l’Australie (0-0, 6-7 t.a.b). Malgré le coup de poker tenté par le staff avec l’entrée de Solène Durand dans les buts à la 120e minute, la séance s’éternise (10 tirs de chaque côté) et finit par tourner à l’avantage des Australiennes.
#6. France-Suisse (2021, 8e de finale de l’Euro)
Quelques mois avant de perdre la Coupe du monde aux tirs au but, les Bleus de Deschamps avaient déjà montré leur fébrilité dans cet exercice en prenant la porte dès les 8es de finale de l’Euro 2020 face à la Suisse. Au terme d’un match spectaculaire durant lequel Hugo Lloris aura stoppé un penalty de Ricardo Rodriguez (55e), les Français mènent encore 3-1 à la 81e minute avant d’être repris sur le fil par la Nati (3-3). Kylian Mbappé, 5e frappeur français, est le seul à ne pas convertir son tir au but (4-5).
#5. PSV Eindhoven – OL (2005, quart de finale de Ligue des champions)
Si la plupart des supporters lyonnais ont surtout en mémoire le penalty qui n’aura jamais été sifflé durant ce match (sur le Brésilien Nilmar), il nous rappelle aussi qu’après cette situation litigieuse et jugée défavorablement pour les Gones, l’OL et le PSV ont joué une place en demi-finale contre le Milan (futur vainqueur) lors d’une séance de tirs au but. Encore une fois, l’épilogue est fatal aux Français, avec deux échecs d’Abidal et d’Essien qui ouvrent la voie aux Néerlandais. Les deux clubs se retrouveront en 8e de finale l’année suivante, avec un succès sans appel des Lyonnais (1-0, 4-0).
#4. Étoile rouge Belgrade – OM (1991, finale de Ligue des champions)
Un an après la désillusion de la “main de Vata” et alors qu’aucun club français n’a joué de finale de C1 depuis Saint-Étienne en 1976, l’OM dispute la première finale européenne de son histoire contre l’Étoile rouge de Belgrade, club phare d’une Yougoslavie qui n’a pas encore été morcelée par la guerre des Balkans. Au terme d’un match fermé (0-0), les Olympiens finissent par céder aux tirs au but (3-5) après l’échec initial de Manuel Amoros. Ils finiront par soulever la Coupe aux grandes oreilles deux années plus tard.
#3. France-Argentine (2022, finale de la Coupe du monde)
Parce qu’il s’agit de l’issue d’une des plus grandes finales de l’Histoire de la Coupe du monde (et que la plaie est peut-être encore un peu ouverte, on ne sait pas), l’épilogue de ce France-Argentine figure à coup sûr en bonne position des traumatismes du football français en matière de tirs au but. Autant il peut subsister quelques regrets de ne pas avoir braqué le trophée sur l’action finale de Randal Kolo Muani, autant la séance est largement dominée par l’Albiceleste et par son gardien, Emiliano “Dibu” Martínez, lequel prend l’ascendant sur les tireurs français pendant que Lloris doit s’incliner sur les quatre tirs argentins.
#2. Italie-France (2006, finale de la Coupe du monde)
Pour le coup, et avec le recul, la séance perdue par les Bleus, déjà en finale de Coupe du monde en 2006 face à l’Italie, laisse un goût plus amer encore. Car dans l’absolu, et sans compter que l’approche mentale de la séance soit compliquée par l’exclusion de Zinédine Zidane durant la prolongation, c’est une histoire de centimètres qui a permis de déterminer le gagnant. Quelques centimètres, c’est ce qu’il a manqué à David Trezeguet pour tromper Gigi Buffon, le ballon du Turinois ricochant sur le dessous de la barre avant de s’écraser juste devant la ligne. Le seul échec d’une série maîtrisée par l’ensemble des autres tireurs.
#1. France-RFA (1982, demi-finale de la Coupe du monde)
Plus de 40 ans plus tard, le dénouement de ce France-RFA demeure le traumatisme originel d’une équipe française aux tirs au but et le cauchemar de toute une génération de fans français de foot. Alors que les 120 minutes de match ont déjà offert un spectacle grandiose, entre tension, dramaturgie et retournements de situation (3-3), les tirs au but décident de l’issue d’une rencontre de Coupe du monde pour la première fois de l’Histoire. Et ce sont les Français qui finissent par capituler face à l’impitoyable Mannschaft, avec Didier Six et Maxime Bossis mis en échec par Harald Schumacher, et qui endossent le costume de héros malheureux de cette demi-finale. De par son scénario, les sentiments générés mais aussi son issue, cette demi-finale figure parmi les chefs-d’œuvre de l’Histoire du Mondial.