Mais comment Mauro Colagreco a-t-il imaginé cette étonnante boisson sans alcool ?

Mais comment Mauro Colagreco a-t-il imaginé cette étonnante boisson sans alcool ?

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© Tempera

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Par Robin Panfili

Publié le

La boisson Tempera a été pensée et élaborée par le chef triplement étoilé Mauro Colagreco. Et on avait envie d’en connaître les coulisses.

Ce n’est pas la première fois que l’on vous parle du Mirazur, l’un des meilleurs restaurants du monde. Ce n’est pas non plus la première fois que l’on vous parle de Mauro Colagreco, le chef à la tête de cet établissement. Mais on ne vous avait encore jamais parlé de sa dernière création, pensée avec Tempera : une gamme d’assemblages sans alcool et six références imaginées par le chef en personne, un travail sur des alternatives sans alcool et sans raisin, proposant un “blanc minéral”, un “blanc liquoreux”, un “rosé”, et deux “pétillants”. Ce sont des “références aux profils aromatiques uniques pour une infinité d’accords”, expliquent Arielle Bove de Tempera et Mauro Colagreco. Pour en savoir davantage, on est allés leur poser quelques questions.

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Comment le projet est-il né ?

Mauro Colagreco | Le projet Tempera a démarré en 2022. Cela faisait quelque temps déjà que j’explorais, au Mirazur, des possibilités d’accords sans alcool avec des plats, pour offrir une expérience différente aux personnes qui venaient découvrir ma cuisine. Très vite, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une vraie demande pour des boissons de ce type : des assemblages raffinés, complexes, dans lesquels on se permet de jouer pour atteindre un équilibre des saveurs entre fleurs, plantes, épices et fruits. L’occasion de concrétiser ce projet est venue à travers un vrai travail de recherche de nos équipes et la rencontre avec Arielle.

Arielle Bove | Je me suis lancée dans l’aventure Tempera à l’été 2022. Passionnée de thé, j’étais déjà sensible aux accords inédits que l’on peut faire entre des boissons sans alcool et des plats, même aux plus belles tables. Quand Mauro m’a parlé de ses recettes, je me suis immédiatement projetée dans l’avenir. Je suis convaincue que ces boissons, par leur profil aromatique singulier, apportent une dimension nouvelle à notre gastronomie. Outre le sans-alcool, elles s’adressent à un public de curieux, d’amoureux de la cuisine, que nous espérons surprendre. Il ne restait plus qu’à les faire découvrir au monde !

Quelles ont été les contraintes dans la confection de ces liquides ?

Mauro Colagreco | Chaque recette possède son tempérament et ses ingrédients propres afin d’offrir une palette gustative riche en possibilités. Il s’agissait, pour chacune d’entre elles, de trouver l’équilibre entre les goûts, pour que nos ingrédients se subliment les uns les autres, exactement comme dans un de mes plats. Saveurs, texture, longueur en bouche : tout cela compte pour offrir quelque chose de nouveau et de plaisant aux personnes qui goûtent une bouteille de Tempera. Pour certaines recettes, beaucoup d’itérations ont été nécessaires pour parvenir à un résultat parfait.

Arielle Bove | Une fois cet équilibre des saveurs atteint, un autre défi nous attendait : celui de la transposition de chaque recette dans un contexte de production industrielle. Car selon la taille d’un lot, de quelques bouteilles jusqu’à des cuves de plusieurs milliers de litres, il faut ajuster à la fois le processus de fabrication et les quantités d’ingrédients, tout en préservant absolument la qualité et la naturalité du produit. Pour chaque recette, cet ajustement a nécessité là encore des réflexions, des essais, des itérations. C’est le résultat de tout ce travail que vous pouvez retrouver dans nos bouteilles.

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Comment un chef triplement étoilé s’attaque-t-il au monde, j’imagine différent, des liquides et des boissons ? C’est différent comme travail ? Pourquoi ?

Mauro Colagreco | C’est en effet un travail un peu différent, car on ne peut pas jouer sur les mêmes ressorts que dans un plat – le contraste entre le croquant et le crémeux, par exemple, ou encore la différence de température. Il faut aussi penser que chaque boisson doit pouvoir s’accorder avec des mets, ce qui ajoute encore un facteur de complexité. Mais cela a pour vertu de stimuler l’imagination, la créativité et de nous lancer toujours plus loin dans l’inspiration qui vient de nos jardins, de la nature qui nous entoure, des saveurs brutes des ingrédients qu’elle nous offre. En tout cas, l’objectif reste le même que dans ma cuisine : offrir une expérience singulière, unique de la gastronomie.

Combien d’essais et expérimentations a-t-il fallu avant d’arriver au résultat final ?

Mauro Colagreco | Cela dépend des recettes, certaines ont trouvé cet équilibre plus vite que d’autres. Mais à chaque fois, nous avons travaillé jusqu’à obtenir un résultat qui nous paraissait parfait.

Arielle Bove | Concernant la transposition des recettes pour des productions plus importantes, nous avons progressivement augmenté la taille des lots : quatre litres, quinze litres, puis quelques centaines, avant de passer à des productions en cuves plus grandes. Cela nous a permis de conserver parfaitement les qualités aromatiques de chaque assemblage et leur composition naturelle.

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Est-ce que ces boissons parviennent à concurrencer la richesse et la complexité de vins, par exemple ?

Mauro Colagreco | Chacun de nos assemblages offre une expérience de dégustation riche, complexe, avec des arômes qui se déploient progressivement. Ils possèdent une sensorialité unique. Comme nous n’utilisons pas de raisin dans nos ingrédients, les saveurs n’ont rien à voir avec celles du vin : il ne s’agit pas tant de le concurrencer, mais plutôt d’offrir une expérience radicalement différente.

Arielle Bove | Nous avons la chance, en France, d’avoir une culture de l’accord entre des boissons et des mets, qui à mon sens est une culture de partage, d’échange autour de la gastronomie. Créer des alternatives sans alcool, ce n’est pas concurrencer le savoir-faire de vignerons qui font un travail extraordinaire, et dont nous ne possédons pas les compétences : c’est plutôt rendre accessible cette expérience de l’accord aux personnes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas boire d’alcool, et aussi de l’enrichir en proposant des choses nouvelles.

En quoi est-il important d’offrir de “vraies” alternatives sans alcool en 2023 ?

Mauro Colagreco : En tant que chef, je suis guidé par l’envie de toujours explorer des saveurs, des idées nouvelles. Offrir de vraies alternatives sans alcool, c’est non seulement repousser un peu plus les limites de la gastronomie contemporaine, mais aussi répondre à un désir qui existe chez les bons vivants et amoureux de la cuisine. C’est également sensibiliser aux différentes alternatives qui peuvent faire partie de l’expérience à table.

Arielle Bove | Un nombre croissant de personnes s’interrogent sur leur mode de consommation, mais ne sont pas forcément satisfaites par le sans alcool : beaucoup d’alternatives sont très sucrées, ou peu convaincantes d’un point de vue aromatique. Il n’est pas rare que dans un restaurant il n’y ait qu’un soda à la carte pour accompagner votre plat ! La promesse de Tempera, c’est de changer cela, pour élever le sans alcool au niveau des plus belles tables.