Ce témoignage a été écrit dans le cadre d’ateliers menés par les journalistes de la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média qui accompagne des jeunes à l’écriture pour qu’ils et elles racontent leurs réalités quotidiennes.
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Je suis végétarienne depuis mes 16 ans, et je l’aurais été depuis toujours si j’en avais eu le droit. Je n’ai jamais vraiment aimé la viande. Dès mes 4 ou 5 ans, j’ai pris conscience de ce qu’il y avait réellement dans mon assiette. Je trouvais ça cruel et dégoûtant.
J’ai toujours été sensible aux animaux, ils m’ont toujours entourée. Mes arrière-grands-parents étaient agriculteurs et éleveurs. Ils avaient des vaches, des lapins et des poules. Chez mes parents, j’ai eu trois chats, un lapin, un chien, des poissons, et même des rats domestiques. Eux aussi, ils aimaient clairement les animaux, alors pourquoi prendre autant de plaisir à les manger ? Ils me répétaient que “depuis la nuit des temps, l’être humain mange[ait] de la viande animale, c’est comme ça ”, et aussi que “c’[était] bon “. Surtout que “c’[était] bon “, en fait.
Quand j’avais un morceau de viande dans mon assiette, je ne voyais pas la même chose qu’eux. Je distinguais seulement de la chair, de la peau et du gras. J’imaginais toute la souffrance que l’animal avait dû endurer avant d’arriver là. Je l’imaginais être arraché à sa propre maison et à sa propre famille, tout ça pour satisfaire les papilles d’un autre être vivant à l’ego surdimensionné.
Je m’obstinais à trier chaque bouchée. Du coup, je terminais de manger une vingtaine de minutes après tout le monde. Finir ma viande revenait systématiquement à me forcer. Chez moi, c’était viande à presque tous les repas.
Gagner mon émancipation alimentaire
Mes parents travaillaient beaucoup, alors mes grands-parents s’occupaient souvent de moi. Ils étaient moins exigeants sur le fait que je termine mon assiette. Ma grand-mère me préparait plus souvent des légumes et du poisson – je tolérais mieux celui-ci – lorsque je mangeais chez elle. Je suis étonnée aujourd’hui de constater qu’elle a été la première à tolérer ça, alors que ses parents étaient éleveurs.
Quand j’ai eu 12 ans, ma mère s’est séparée de mon beau-père et j’ai pu commencer à être bien plus libre sur mon alimentation, car c’était surtout lui qui m’en empêchait. Ma mère était d’accord pour que je réduise la viande, mais pas pour que je l’arrête complètement, c’était “contre-nature”. Elle pensait que l’on se moquerait de moi, ou qu’on la jugerait de m’autoriser si jeune à décider de mon alimentation.
Comme j’aimais beaucoup la cuisine, entre mes 13 et 15 ans, je cuisinais presque tous les jours pour ma mère. Parfois, elle m’autorisait à faire des plats complètement végétariens. Au début, elle refusait de dire que c’était bon par principe, parce qu’elle aimait la viande. C’est durant cette période que j’ai compris que les gens en mangeaient par réflexe, par habitude. Je voyais de moins en moins de raisons de ne pas devenir complètement végétarienne.
Frites et incompréhension
Quand j’ai eu 16 ans, ma mère a fini par céder. Dès qu’elle m’a donné son feu vert, j’ai tout stoppé net. J’ai pu commencer à m’alimenter comme je le voulais, presque du jour au lendemain. C’était comme si j’avais déjà fait ce choix depuis des années, mais que je pouvais l’appliquer seulement à partir de maintenant.
Je me souviens que, le lendemain, des potes m’ont invitée au McDonald’s sans savoir que j’étais désormais complètement végétarienne. Je me suis retrouvée à seulement manger des frites, au milieu de mes potes qui, eux aussi, ne comprenaient pas. Mais je m’en fichais, car j’étais enfin libre et en accord avec moi-même.
Ma grand-mère a été la suivante à le savoir. Elle avait l’air heureuse pour moi, même si elle a mis un petit moment avant de comprendre précisément ce que je mangeais ou pas. Ça lui est déjà arrivé de me faire du poisson une ou deux fois, par erreur. Mais ce n’était pas grave, elle apprenait. Ma grand-mère passait des heures à faire les courses et rentrait toujours avec un nouveau substitut de viande à tester, ou une nouvelle idée de recette.
C’est vrai qu’au début, je ne faisais pas l’effort de remplacer correctement la viande, je voulais simplement ne pas en manger. Alors, peu importe si mon alimentation était uniquement composée de pâtes au pesto. Ma grand-mère m’a rapidement fait comprendre que ce n’était pas la bonne façon de procéder, qu’il fallait absolument que je pense à varier mon alimentation.
Au début, c’était embêtant. Il faut bien admettre qu’à 16 ans, on a d’autres projets que de veiller à avoir mangé suffisamment de fruits et de légumineuses ou, pire que ça, de devoir cuisiner tous les jours, souvent pendant plus d’une heure. Mais on s’y habitue et ça peut même devenir un plaisir.
Mona, 19 ans, en recherche d’emploi, Combourg