(© Gilles BASSIGNAC/Gamma-Rapho via Getty Images)
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Connue à travers le monde pour sa silhouette et son accent légendaire, l’icône de la mode et de la pop Karl Lagerfeld s’est éteinte ce mardi 19 février, à l’âge de 85 ans, à Paris. Comment ce couturier hors pair aux multiples facettes, qui a été à la tête de la direction artistique de sa propre marque, de Fendi et de Chanel, a-t-il révolutionné le monde de la mode ?
Retour sur une légende de la couture qui a marqué son milieu, des années 1970 jusqu’à nos jours.
“Les idées viennent en travaillant”
Tout commence en 1954, lorsque l’esquisse d’un manteau dessinée par Karl Otto Lagerfeldt atterrit au concours du Secrétariat international de la laine. Il remporte le premier prix à seulement 21 ans, ex-aequo avec un inconnu de trois ans de son aîné, dénommé Yves Saint Laurent. Les deux couturiers, bien qu’ayant deux destins différents, écriront ensemble, chacun à leur façon, l’histoire de la mode.
Particulièrement mystérieux sur son passé, le couturier allemand ne s’épanchera jamais ni son histoire familiale, ni sur son parcours universitaire. Seule sa carrière inégalable vient souligner son talent pour le dessin et la création.“L’appétit vient en mangeant et les idées en travaillant”, affirmait-il régulièrement. Ce spécialiste de la répartie choisit une vie à cent à l’heure dès le début de sa carrière.
“Je ne connais pas le stress, seulement le strass”
Karl fait ses armes chez Pierre Balmain, avant d’aller travailler en 1958 chez Jean Patou, la plus ancienne maison de mode parisienne, où il s’ennuie terriblement – “Seulement deux collections de couture par an !”, se lamentait-il. Dès 1963, il décide de prendre son indépendance, en multipliant les commandes.
Contrairement à son concurrent névrosé Saint Laurent, Lagerfeld savoure la création : “Je ne connais pas le stress, seulement le strass”, plaisantait-il. Une façon unique d’appréhender la mode, qui lui permet de sortir jusqu’à 17 collections en seulement un an, sans qu’aucune ne se ressemble.
De 1966 à 1983, Lagerfeld est à la tête de la création de Chloé, la première marque de luxe à avoir misé sur le prêt-à-porter, ce qui a révolutionné la sphère mode à tout jamais. De 1992 à 1997, la marque fait de nouveau appel à lui.
En 1965, Lagerfeld met également son talent au service de la maison de fourrure italienne Fendi. Il y développe un art du luxe nonchalant grâce à la fourrure légère, ainsi que l’emblématique sac “baguette”, qui lancera l’ère du it bag.
Le vrai successeur de Coco Chanel
Mais c’est en tant qu’héritier spirituel de Coco Chanel qu’il atteint la gloire. En 1983, Karl Lagerfeld est nommé directeur artistique pour l’ensemble des collections haute couture, prêt-à-porter et accessoires, qu’il modernise avec brio. À l’instar de Mademoiselle Chanel, il ne se préoccupe pas des conventions et cherche avant tout l’amusement et la liberté.
Il raccourcit l’emblématique tailleur en tweed, surcharge les silhouettes de chaînes dorées et de perles, et ose insérer des leggings et des jeans dans les collections. Le logo des deux C entrelacés ne tarde pas à orner blousons de cuir, sneakers, bikinis et autres minijupes. Concernant la haute couture, Karl voit les choses en grand et choisit les étoffes les plus somptueuses, en travaillant avec les couturières les plus talentueuses du monde de la mode.
Dès 1983, Lagerfeld a su insuffler une nouvelle vie à la marque, en jouant avec ses codes et les différentes cultures. Le couturier défend une mode dynamique, poétique, fragmentée, délicate, et pluraliste. Controversé mais adulé, le créateur allemand séduit malgré ses débordements, grâce une élégance inégalable, un génie déroutant et une audace qui lui était propre.
Une soif créative inégalable
Alors directeur artistique de Chanel, Karl décide en 1984 de lancer sa propre marque, avec un succès relatif cependant. Cinq ans plus tard, il ajoute une nouvelle corde à son arc et se met à la photographie. Il publie dès lors de nombreux livres de photographie qui mettent à l’honneur l’architecture, le corps humain et l’univers du luxe.
En parallèle, le créateur réalise plusieurs campagnes photographiques, pour Chanel notamment, et signe des séries pour des revues de mode prestigieuses. Passionné, il se constitue également une solide librairie personnelle, puis ouvre en 1998 la Lagerfeld Gallery, avant de devenir propriétaire de la librairie 7L, à Paris, spécialisée dans la photographie.
Sa créativité inépuisable et son flair pour les tendances à venir contribuent à l’ériger en figure incontournable de la mode, toujours à l’avant-garde. Il est d’ailleurs le premier créateur à concevoir une collection capsule pour le géant suédois H&M en 2004. Un signal fort adressé au monde de la mode à l’époque. Les frontières entre grands noms et marques de prêt-à-porter abordable s’estompent.
Icône de la mode et de la culture pop
Au début des années 2000, alors que la mode est aux mannequins (plus que) filiformes, Lagerfeld perd 42 kg et justifie sa perte de poids impressionnante en déclarant vouloir “rentrer dans les costumes très étroits d’Hedi Slimane pour Dior Homme”. Sa nouvelle silhouette devient alors partie intégrante de son personnage médiatique. Un personnage que Karl, réputé froid et hautain, parvient à adoucir en affichant sa passion pour sa chatte Choupette – à qui il dédiera même un compte Instagram.
Particulièrement prisé des médias et des paparazzis qui épient ses moindres faits et gestes, Karl Lagerfeld semble se retrancher derrière ses hauts cols cassés et ses verres teintés. Ce look noir et blanc, accessoirisé d’un éventail et de mitaines en cuir, incarne sa signature esthétique, synonyme d’élégance à tout jamais.
En attendant de savoir maintenant qui reprendra les reines de la Maison Chanel, on vous conseille vivement “Beautiful People“, l’ouvrage d’Alicia Drake qui, à travers une enquête exceptionnelle, livre le portrait croisé de Saint Laurent et Karl Lagerfeld, ces deux figures inoubliables qui ont révolutionné la mode.