Pourquoi diable ai-je consenti à me faire pourchasser par des zombies en pleine forêt pendant des heures ?

Pourquoi diable ai-je consenti à me faire pourchasser par des zombies en pleine forêt pendant des heures ?

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© Zomb’in The Dark

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le , modifié le

J’ai totalement consenti à cette course d’orientation nocturne, en pleine forêt, avec des zombies énervés. Avis aux masochistes : cette expérience est faite pour vous.

Quelle idée saugrenue que de vouloir être poursuivi·e en pleine forêt, de nuit, par… des zombies ! Quelques jours avant Halloween, c’est l’étrange idée que j’ai eue pour célébrer à ma manière la fête des morts – après avoir visité les catacombes de Paris et y avoir laissé ma valise à angoisses de la mort. “Maintenant, je peux tout affronter”, me suis-je dit, me mettant ainsi le doigt dans l’œil. C’est Zomb’in The Dark qui m’a invitée à tester sa “course d’orientation en territoire zombie” pour que je me frotte de nouveau à la Mort, cette chienne. Certes je cours bien, ce qui est un début pour s’y coller, et j’adore les films d’horreur, mais je n’ai aucun sens de l’orientation et je ne sais pas utiliser une boussole. Pas grave, j’ai quand même foncé, après quelques mails échangés avec un certain Paul, signés “Zombicalement vôtre”. Ça commençait très bien.

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Le but du “jeu” ? Se repérer sur une carte et trouver les vingt balises qui jalonnent le parcours en 90 minutes top chrono. Si on dépasse ce temps, on perd des points ; si on perd des vies, on perd davantage de points ; plus on trouve de balises, plus on en gagne. Pour chaque balise, un mot est inscrit ; il est à noter pour pouvoir composer, à la fin, une formule complète de vingt mots à décoder. 1 000 personnes, armées de cartes, de lampes frontales et de stylos, étaient attendues lors de mon édition, qui se déroulait à la forêt de Poligny, en Seine-et-Marne, non loin de la ville de Nemours. Les éditions de Zomb’in The Dark se tiennent à échelle nationale, en plein air ou dans des mines désaffectées, des forts militaires, des hôpitaux abandonnés.

L’événement dure au total cinq heures et comporte plusieurs vagues d’arrivées pour des trios de zombies et survivant·e·s. On peut d’ailleurs choisir d’être l’un ou l’autre. De leur côté, les zombies entrent en piste pour deux heures, se font maquiller par des professionnel·le·s sur place et gagnent un repas gratuit. Leur costume est à leur charge : finalement, c’est comme une soirée déguisée géante. J’ai eu la chance d’entrer dans la loge à maquillage, et il était époustouflant de voir ces artistes travailler en direct : le rendu était digne des plus grands films d’horreur.

© Zomb’in The Dark

L’épreuve finale de Koh-Lanta à la sauce The Walking Dead

Il y avait deux épreuves pour moi ce jour-là : la première, et ce n’était pas la plus difficile, était de survivre à un monde infesté de zombies, la seconde était de conduire pendant des heures, prendre l’autoroute à 110 km/h, moi qui n’avais pas touché à un volant depuis trois ans. Dès l’arrivée, notre trio s’est fait accueillir par une meute de zombies déjà bien dans leur rôle, qui se sont mis à secouer notre bagnole, à taper sur les vitres. Alors qu’on pensait encore se rendre à une simple épreuve finale de Koh-Lanta, on a immédiatement été mis·es en condition, propulsé·e·s d’un coup dans un épisode de The Walking Dead.

La plus grande difficulté était le terrain de “jeu” (ou “d’enfer”, c’est selon) : par temps de pluie, la forêt de Poligny est à la fois glissante, rocailleuse, bordélique, ondulée et sablée. C’est un lieu assez hostile globalement – et je ne parle même pas des espèces d’araignées suspendues aux branches, qu’on peut avaler dans notre course. Bonjour les montées et descentes en courant, les branches d’arbres cassées pointant çà et là, la caillasse qui n’attend que de nous briser une cheville dans notre foulée.

Ce qui est, en revanche, très pratique, c’est qu’on avait le droit d’emprunter le chemin qu’on voulait, de faire les balises dans le sens que l’on désirait : aucun parcours n’était imposé et on pouvait donc tout faire en marchant, en trottinant ou en courant, à condition de ne pas se faire attraper. Les organisateur·rice·s ont été “sympathiques” : vu les conditions météorologiques, toutes les balises étaient rassemblées autour des sentiers moins dangereux. Tout était fait dans la bienveillance, les règles de sécurité étaient respectées – car les enfants sont accepté·e·s à partir de 14 ans – et des secouristes étaient mobilisé·e·s sur place.

“Comment on utilise une boussole ?”

Le début était assez costaud, car tous les zombies étaient déployés autour de la première balise d’entrée. Certains étaient des moines, d’autres des bouchers, des magiciens, des mariés, ou juste comme vous et moi si on était infecté·e·s. On est directement tombé sur la mer de sable, le lieu iconique de la forêt : imaginez courir dans tous les sens, coursé·e par des zombies, sur la dune du Pilat. C’était… épuisant. Tout le long de notre parcours, un journaliste radio nous suivait pour “avoir des bruits, des cris, des discussions” : notre aventure existe donc, quelque part dans la nature, en version audio de 2 heures et 15 minutes. Car oui, nous avons terminé la course en 2 heures et 15 minutes au lieu de 90 minutes.

Il faut dire que nous avons dû tourner en rond pendant une heure avant de trouver la première balise, car un boucher assoiffé de sang nous désorientait et nous suivait partout où on allait. On en a lâché, des cris, au début de la course d’orientation, et mon traumatisme fait que je ne me souviens plus très bien des dix mots faussement latins que nous avons trouvés, seulement de “Ikeax”, “Patrick Fioris”, “Beelzebub”, “In Nomine”. Il est d’ailleurs assez difficile pour moi d’écrire cet article, car ma mémoire est en plein refoulement des images de visages ensanglantés que j’ai vus et des sprints en détresse que j’ai tapés.

Après une heure durant laquelle j’étais complètement débordée par mes émotions, on s’est ressaisi·e·s et on s’est dit qu’il fallait commencer à collaborer avec les autres survivant·e·s qu’on croisait – qui étaient, pour la plupart, aussi paumé·e·s que nous – et qu’il fallait surtout apprendre à utiliser cette foutue boussole et à se repérer sur la carte – et non pas sur Google Maps, même si c’était tentant. On a décidé de suivre les sentiers, en se disant qu’il y aurait forcément une logique à tout ce bordel. Plus on s’enfonçait dans la forêt, plus les zombies se faisaient rares. Et puis, globalement, tout le monde commençait à fatiguer.

On a fini avec -11 points, vous vous rendez compte ? (© Zomb’in The Dark)

Un test pour votre amitié

Il était très divertissant de découvrir “les personnages” et “les cris signatures” de chaque zombie : certains n’osaient pas s’approcher mais criaient, d’autres nous poursuivaient allègrement sur 500 mètres ; certains étaient bruyants et agiles, d’autres lents et silencieux ; certains lâchaient des cris immondes de dinosaure ou de cochon égorgé, d’autres d’humain·e·s en pleine agonie. Un conseil : choisissez bien vos partenaires de course car, oui, il y aura quelques frictions, surtout quand il faudra se mettre d’accord sur le chemin à prendre : “À gauche ou à droite ?” sera le dilemme qu’il faudra répétitivement résoudre en groupe. C’est une épreuve exténuante qui remettra votre amitié en question. Jusqu’où ira votre solidarité ? Vous sacrifierez-vous pour votre ami·e ou courrez-vous pour sauver votre peau ?

Au bout de deux heures de balade morbide, on a pris conscience qu’on était totalement perdu·e·s et qu’il fallait qu’on trouve le chemin du retour. À ce stade, on ne jouait plus, et par manque de vigilance, on a perdu une vie chacun·e. On a fini par demander notre chemin à des zombies, les mêmes qui venaient de nous prendre nos vies, et par ouvrir… Google Maps. En marchant, on est tombé·e·s sur deux zombies qui voulaient aussi rentrer. On a tourné pendant vingt minutes, lessivé·e·s par tous ces intestins qu’on a remués pendant des heures, puis on a regagné la civilisation. Miracle ! Au loin, une route et des lumières, qui ne venaient pas de lampes frontales fuyantes. Une chose est sûre : on ne sera pas armé·e·s face à une apocalypse zombie, car on a terminé avec un score de -11 points. Ne comptez pas sur nous.