J’ai (encore) passé un an sans boire d’alcool

Remets une tournée de San Pe'

J’ai (encore) passé un an sans boire d’alcool

Image :

(© Konbini / Robin Panfili)

photo de profil

Par Pharrell Arot

Publié le

Après une année sans alcool, j’ai repassé une année sans alcool (et pourquoi je vais, une fois de plus, continuer).

Été 2022, je racontais sur Konbini comment je venais de passer un an sans boire une goutte d’alcool, dans un article au titre accompagné d’un “et pourquoi je vais continuer”. Un an tout pile plus tard, je coche sur l’agenda de ma vie une seconde année de sobriété. De fait, je me dois donc de faire un petit bilan. Alors, 12 mois de plus sans trinquer, ça rapproche de la plénitude ?

À voir aussi sur Konbini

Dans l’article de l’an dernier, je décrivais mes motivations autour de l’arrêt de l’alcool, entre analyse du cool anglo-saxon autour de la néosobriété et l’envie de gagner en clarté au quotidien. Avec la quarantaine approchant à grands pas, après avoir vécu une belle vingtaine de fêtes et la consommation de boisson qui allait avec, j’avais besoin de me donner un défi pour tenter de solidifier mon cadre de vie.

Un an plus tard, je peux dire que cette première année a sans doute sauvé la seconde. Parce que la vie, avec ou sans alcool, est pleine de rebondissements, plus ou moins joyeux. Dans la catégorie moins, à la fin de l’été 2022, j’ai, avec ma femme, perdu un enfant. Et, objectivement, je ne sais pas si, dans un monde où je n’aurai pas eu la sobriété avec moi, j’aurai pu rebondir face au deuil. Parce que le moi d’avant aurait probablement choisi la case deuxième bouteille de vin nat’ plutôt que reconstruction chez le psy.

Du pote qui ne boit plus d’alcool au pote tout court

Cette seconde année a donc une résonance particulière. Là où, en lisant ou en partageant les récits d’autres personnes ayant choisi une vie sans alcool, les douze premiers mois retrouvent presque tout le temps des écueils similaires – jugement des proches, navigation à vue entre les conventions sociales et recherche de la meilleure boisson sans alcool pour tous revenir sur un consensus sur l’eau pétillante. La deuxième année, elle, cache ses difficultés dans le reste, dans l’univers plus large de nos personnalités. Quand pendant un an j’ai été “le pote qui ne boit plus d’alcool”, je suis aujourd’hui redevenu “le pote”, et ma sobriété n’est plus le caractère le plus définissant de ma personnalité, même à l’heure de l’apéro. Certes, on me colle toujours à côté des femmes enceintes et les restaurateurs français, sauf exception, sont toujours aussi maladroits, mais la sobriété est devenue pour moi un élément en “fond de tâche” de mon existence. Je ne lui porte plus vraiment attention, et par là même, mon entourage non plus.

No low

D’ailleurs, sans vouloir être forcément prosélyte, il me semble évident, encore plus qu’il y’a un an, que le cool va passer par le no et le low, pour “no alcohol” et “low alcohol”, verbiage américain décrivant les tendances grandissantes de boissons non, ou très peu alcoolisés. D’un passage aux États-Unis à la fin de l’hiver, où chaque resto à la mode offre une vraie sélection de boissons sans alcool – et on ne parle pas d’un mauvais virgin mojito –, j’ai pu enfin rapporter les élixirs sans alcool du moment ; bitters, adaptogènes, collagène, CBD, le tout bien emballé en canettes marketés par Katy Perry ou Bella Hadid, et vendu dans des boutiques dédiées comme le très cool “Boisson” qui ne désemplit pas à Brooklyn.

Bien sûr, on le sait, l’Amérique n’a pas le même rapport à cette même “boisson” et les 12 steps de la rédemption en mode cercle de parole sur chaises en plastique à la maison de quartier qu’on nous rejoue sans fin dans la pop culture n’a pas grande résonance dans nos styles de vie européens. Pour autant, lors des événements mondains, de la fashion week aux festivals, je ne compte plus les personnes ayant passé le pas de la sobriété, à long terme ou passagère, et sans avoir à s’en justifier, rendant la vie plus simple à tout le monde.

On s’habitue

La suite ? On se donne rendez-vous dans un an, parce qu’il me semble évident de continuer que la clarté d’esprit que m’apporte ma sobriété est devenue un indispensable de mon quotidien. Pour autant, sans paraître désabusé, cette sobriété n’est pas, ou plus, une baguette magique pour cadrer ma vie. Même sans alcool, les jours, la dépression, le deuil, restent des chantiers entiers et comme une anti-addiction qui fonctionnerait pareillement que son pendant consommateur ; on s’habitue. Alors, sans doute, il faut garder la sobriété comme béquille et continuer à chercher du sens autrement. Ça tombe bien, j’ai une nouvelle fois 12 mois devant moi pour le trouver.