Ses camarades de Top Chef disent de lui qu’il est créatif, rigoureux, authentique. Bref, Elis est un véritable artiste. Passionné de cuisine depuis son enfance, il ouvre son premier restaurant à 21 ans, après “avoir touché un peu à tout”. “Je suis passé de la plonge à responsable traiteur et de responsable traiteur à l’armée pour forger mon caractère”, se souvient-il.
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Avec son second restaurant, Mi Kwabo, le jeune chef a déjà remporté le prix Jeune Talent du Gault & Millau et une Assiette Michelin. Aujourd’hui chef en résidence chez Les Résidents, il travaille actuellement sur l’ouverture d’un tout nouveau restaurant, dont l’adresse est encore tenue secrète…
À travers ses assiettes audacieuses, Elis souhaite honorer “la cuisine d’outre-mer et des 54 pays d’Afrique”, une cuisine que le jeune homme aurait aimé nous faire découvrir jusqu’en finale. Éliminé lors de la dernière chance face à Mickaël et Arnaud, le candidat revient sur son aventure et ses projets futurs.
Konbini food | Parle-nous un peu de ton restaurant Mi Kwabo. Comment décrirais-tu ta cuisine ?
Elis | Quand on parle de la cuisine africaine, c’est comme si on mettait tous les cadeaux dans un même sac. Tous les villages n’ont pas les mêmes produits, la cuisine africaine n’est pas unique. Il n’y a pas que le yassa, le mafé, et le thiéboudiène ! À part avec Mory Sacko, ce n’est pas un univers très démocratisé. Il faut que les gens découvrent les produits d’outre-mer et des 54 pays d’Afrique.
Lorsque j’ai rencontré Vanessa [Vanessa Bond, sa compagne et partenaire de travail, ndlr], on a travaillé sur l’ouverture de ce restaurant qui lie nos deux univers : c’est un mélange de la cuisine des îles d’outre-mer et d’Afrique tout en important des produits français. Dans la cuisine, je travaille à l’instinct. Je fais une cuisine métissée, à travers mes différentes influences : entre Haïti, la Guyane pour ma part, et le Bénin et l’Italie du côté de Vanessa… Je suis créatif aussi, un artiste dans l’âme. Je fais de la cuisine authentique.
Dans l’émission, tu te définis comme un “loup solitaire”. Pourquoi ? Comment as-tu vécu les épreuves en équipe ?
Ça s’est bien passé, on était en groupe, il y a une cohésion d’équipe, le mélange de nos trois univers était intéressant. Je suis une personne posée, je réfléchissais à la conception du menu et la réalisation finale. Arnaud a un côté très scolaire et très structuré, il fait les choses carrées. Lucie a du caractère. Il fallait juste associer tout ça, mélanger nos visions des choses.
Le loup solitaire n’est pas réellement seul : il l’est dans son quotidien, mais quand il y a regroupement, ils doivent voter ensemble et c’est ça qui fait leur force. Avec la brigade orange, on n’a pas assez exploité ça, c’est dommage. On n’est pas allés aussi loin que les autres équipes, qui étaient très solides.
La seconde épreuve était celle du dessert vivant de Dominique Ansel… Tu as proposé une assiette à base de cacao, explique-nous.
J’ai une grande histoire d’amour avec le cacao. J’ai ouvert ma cuisine pour honorer le travail de mes parents et de ma grand-mère. Mes parents sont partis d’Haïti pour aller en Guyane puis en France. Quand j’ai commencé le concours, ma grand-mère est morte, elle me fournissait le cacao que j’utilisais dans la cuisine.
Pendant cette épreuve, je voulais montrer les différentes textures du cacao et ainsi rendre hommage à ma grand-mère et à tous les petits producteurs. Je voulais faire vivre le dessert à travers la braise, le feu. Le tamis était là pour rappeler comment on tamise le grué de cacao. J’ai utilisé un rhum vieux qui vient d’Haïti. J’ai travaillé le cacao sous toutes ses formes : fermenté, torréfié… Le chocolat chaud est fait avec du chocolat à 99 %, où je rajoute de la cannelle. À chaque fin de fête à Haïti, on boit ça.
Qu’est ce qui t’a coûté ta place en dernière chance ?
J’ai rencontré des difficultés énormes sur cette épreuve-là. Ce qui m’a coûté ma place, c’est le visuel. Le jury a dit qu’il y avait un côté “plat de grand-mère”. Je n’avais pas le choix, il restait seulement des assiettes dépareillées. Le plat que je voulais faire, ce n’est pas ce qui est sorti finalement, car il n’y avait pas la viande que je voulais utiliser sur cette épreuve. Au lieu de prendre juste ce qu’il lui fallait, un candidat a choisi d’utiliser les quatre pièces de bœuf que je voulais…
Donc ce sont des raisons matérielles liées à l’épreuve et des soucis liés aux produits. Je n’ai pas pu faire ce que je voulais. Mon authenticité n’a pas pu se manifester, je n’ai pas pu harmoniser mes assiettes et exploiter mon plat comme je le voulais. C’est comme si on était en duel et que j’avais pris une balle derrière le dos. J’étais déçu et en colère. Même si le message est mémorable, rempli d’émotions, je voulais continuer l’aventure. Mais ce n’est pas grave, comme je dis toujours : on m’a toujours vu comme le vilain petit canard, mais un jour, il prendra son envol et volera comme un aigle.
Si tu avais l’occasion de revenir sur Top Chef, qu’est-ce que tu changerais ?
Top Chef était un challenge personnel. Ça faisait sept ans que je postulais, et ça a fini par payer. J’avais l’objectif de participer à ce concours télévisé pour montrer mon univers culinaire. J’accepterais volontiers de revenir. J’aimerais revenir un jour et me venger de la vie. Je demanderais les assiettes adéquates et je dirais de me rendre le produit qu’on m’a volé. Je déchirerais tout, ça m’a donné la niaque et la persévérance. Beaucoup de personnes attendent des gens à la créativité débordante, chaque personne a envie de voir quelque chose de nouveau. Je pense que j’avais apporté ça.
Quel a été le candidat ou la candidate que tu redoutais réellement ?
Renaud était redoutable car il a une cuisine qui me ressemble, mais qui n’est pas ma cuisine pour autant. Il avait une complexité bien plus profonde que les autres candidats. On a de bons techniciens et techniciennes mais, en termes de créativité, il était impressionnant. Ensuite, Ambroise gère super bien les poissons, il s’y connaît en pêche. Au niveau de la technique, la personne à redouter était Thibaut : il est redoutable dans la simplicité et il connaît bien ses produits.
Il y a des personnes qui ont cette niaque de la vie comme Louise, ce n’est pas évident ce qu’elle a vécu au Portugal, à Lisbonne, avec son restaurant. Un restau tenu par une femme dans un endroit de machos, c’est compliqué. C’est une femme qui se bat tout le temps, on s’est très bien entendus. Logan est un amour, sous sa carapace, c’est un vrai cordon-bleu, un ange. Après, il y a plein de talents : je peux parler d’Elliott, de Sébastien qui aime bien chanter des musiques d’enfants. Il chante beaucoup dans l’émission. On se lève pour partir à l’épreuve à 6 heures du matin, il chante dans le van !
Où en es-tu aujourd’hui, quelques semaines après l’émission ?
Je suis revenu dans mon quotidien, j’ai des galères, le monde de la restauration n’est pas évident : les aides de l’État pour le restaurant n’arrivent pas toujours, il faut payer les fournisseurs, payer les loyers. Bref, il faut gérer toutes les personnes qui travaillent avec moi. En espérant que les choses se passent au mieux pour la suite.
Médiatiquement, on était bien vus, les journalistes étaient contents de venir à notre table. Jusqu’au premier confinement, on a fait marcher la maison. Après le deuxième confinement, on espérait tenir, mais c’est compliqué quand on commence à zéro et qu’on doit subvenir aux besoins de ceux qui travaillent avec nous…
Là, on bosse sur l’ouverture d’un nouveau restaurant, dans les beaux quartiers de Paris. D’ailleurs, on lance une levée de fonds sur Sowefund. Si des personnes ont envie de me soutenir, elles peuvent investir dans mon projet. J’ai voulu que chaque personne qui souhaite me soutenir puisse participer : si chacun donne juste un euro symbolique, c’est déjà génial.