Cet été, la rédaction de Konbini révèle au grand jour ses guilty pleasures. Knacks froides, chaîne YouTube obscure ou drôle d’obsession pour des pages Wikipédia sans grand intérêt, préparez-vous à la grande exploration de nos plaisirs inavouables.
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J’ai grandi dans une petite ville où l’apparition d’une grande enseigne de parfumerie suffisait à exciter les esprits et permettait de remplir la monotonie des mercredis après-midi. On n’achetait évidemment jamais rien, essayant simplement de déambuler le plus longtemps possible sous les regards courroucés des vendeur·se·s et vigiles jusqu’à enfin sortir du bouclard et revenir humer ces délicieuses mixtures d’odeurs qui filent la migraine la semaine suivante.
Les années passant, j’ai gardé l’habitude de traîner dans les parfumeries (sachez que c’est hyper-dur pour moi de ne pas citer d’enseigne parce que je ne traîne pas du tout dans les parfumeries en général mais dans une seule marque de parfumerie, sans jamais accorder ne serait-ce que l’ombre d’un regard aux autres). Quand j’ai dû partir de ma petite ville pour faire des études, l’arrêt dans une de ces boutiques est vite devenu, sans que je m’en aperçoive, une routine hebdomadaire pour pallier ma solitude.
Au début, je vaporisais un ou deux timides pschitts sur mes poignets. Au fil de l’année, plus mon désespoir grandissait, plus je prenais la confiance. J’additionnais les parfums pour créer de nouvelles senteurs et embaumer ma vie qui manquait alors de saveurs. Je me suis vite rendu compte qu’il ne servait à rien de tenter de se faire petite lors de ces excursions, mieux valait clairement et fièrement empoigner les testeurs et s’asperger de parfum.
La même année, j’ai commencé à fréquemment aller nager à la piscine – en oubliant toujours ma crème hydratante, évidemment. Sur la route du retour, je profitais donc de mes visites pour m’appliquer un peu de crème sur le visage et un peu d’huile sur les cheveux. De fil en aiguille, j’ai commencé à ajouter un peu d’anticernes ici, un peu de poudre là. Je pense que c’est là que j’ai été débordée. Lorsqu’on venait me conseiller un produit, je mentais comme une arracheuse de dents, inventant des myriades d’histoires expliquant pourquoi je me tartinais le visage jusqu’à feindre l’hésitation et repartir les mains vides.
© NFL
Depuis, je ne me suis pas désintoxiquée. Je ne suis pas vraiment une experte du maquillage et, pourtant, je ne peux pas m’empêcher de me couvrir de paillettes, d’ombres à paupières chatoyantes et de highlighter brillant dès que je mets le pied dans une parfumerie. Mais comme j’ai un cœur, même vis-à-vis d’un capitalisme qui ne me mérite pas, j’achète des produits là-bas désormais, comme pour rembourser 15 années de dettes. Ces produits, je ne les utilise évidemment pas, parce que je ne sais pas les utiliser, mais aussi parce que je préfère ceux du magasin, ceux qui ne sont pas à moi, ceux qui ne me font pas lever plus tôt le matin.
Chaque passage dans ces boutiques est une petite fête entre moi et moi. Dans ma tête, je suis une nouvelle personne à chaque sortie, je m’imagine qu’on pourrait presque ne pas me reconnaître. La ville est à moi, on me sent à trois kilomètres et on me voit d’encore plus loin tant je brille. En attendant, mes tiroirs débordent toujours de produits inutilisés, si ça en intéresse certain·e·s.