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Il suffit d’ouvrir les yeux, ces derniers temps, dans les dressings des hommes, ce qu’on remarque surtout c’est la présence de pièces identifiées depuis des lustres par la société comme étant réservées aux femmes. Alors qu’on a déjà pu admirer les hommes envelopper leurs jambes dans des cuissardes et libérer leurs nombrils avec des crop tops, c’est sur la jupe qu’ils jettent leur dévolu. Comme pour chacune des pièces citées, quand on creuse, on se rend compte que leur romance avec les hommes ne date pas d’hier. En effet, les gadjos n’ont pas attendu de voir Brad Pitt porter une jupe, signée par le jeune talent Haans Nicholas Mott, sur le red carpet de la première berlinoise de Bullet Train, pour en enfiler une. L’acteur lui-même avait osé bien avant, en 2004, sur le plateau du film Troie lorsqu’il jouait le héros de la Grèce antique en sandales et jupette. Lors de la première, selon Vogue, il avait même dit que “d’ici l’été prochain, tous les hommes porteront des jupes”. Il avait vu juste, mais il était juste trop en avance.
Une fixette sur le manque de virilité
Bien décidés à bouder ce bout de tissu sans entrejambe, les mecs ont continué à le nexter et à agir limite comme si une jupe n’était absolument pas synonyme de virilité. Alors que nous, qui nous souvenons de nos cours d’histoire (car on n’a pas seulement vu Troie), nous pouvons dire que même les plus badass en portaient. Car si les philosophes comme Socrate optaient pour la toge presque aussi bien drapée qu’une robe Issey Miyake, les gladiateurs, eux, portaient une tunique ou une minijupe. La jupe a suivi le vestiaire masculin pendant un moment. Les surcots, tuniques ou bliauds au Moyen Âge (et actuellement au Puy du Fou) et les rhingraves aux fêtes de Louis XIV étaient les must have pour les Central Cee et les Harry Styles de l’époque. Peu importe si les femmes en portaient elles aussi. À croire que le vêtement non genré est loin d’être une invention du XXIe siècle.
Plusieurs come-back sans succès
Si on fouille dans les archives de l’INA, on capte aussi qu’un certain Jacques Esterel – connu pour avoir fait la robe de mariée en vichy rose de Brigitte Bardot et pour être un des pionniers du prêt-à-porter – était bien décidé à bousculer les codes en 1960. Convaincu que les vêtements ne se limitaient pas au genre et étant contre tout type de ségrégation, lui qui ne “disait pas qu’il fallait s’habillait comme ça, mais qu’on pouvait s’habiller comme ça”, présentait fièrement sa version de la jupe pour homme. Il nous ressortit à peu près le même speech en 1971 quand il sort sa collection unisexe (comme il l’appelait à l’époque). Insistant de nouveau sur le fait qu’il “n’habillait pas des hommes en femmes mais des hommes en robe”. Ce n’est peut-être pas anodin, que celui qui retentera l’expérience quelques années plus tard, ne soit autre que Jean Paul Gaultier, son ancien disciple. En 1985, celui qui a popularisé la marinière entre dans la légende en présentant le tailleur-jupe pour homme. C’est ce défilé qui fera de lui le roi Gaultier qu’on connaît aujourd’hui. Il confiera quatre ans plus tard, dans l’émission Tranche de Cake, que les hommes cherchent désormais à séduire et que leur meilleur atout serait alors une jupe Gaultier. Il dit aussi que même si elles ne se vendent pas si bien, il n’a pas prononcé son dernier mot. S’inspirant du kilt, cette jupe portefeuille plissée que portent les Écossais notamment le jour de leur mariage, il lui donne une allure punk-rock qui commence à sortir des podiums de la Fashion Week mais l’engouement ne fait pas non plus des émules.
Une pièce réservée aux podiums et aux tapis rouges
Alors, est-ce qu’en 2023 l’homme est fin prêt à accueillir la jupe et à investir dans des collants ? On a envie de dire oui. Non pas seulement parce qu’un article paru dans le magazine The Cut le dit et que les analyses chiffrées de Tagwalk, la data de la mode, l’affirment aussi. Mais parce qu’on n’a jamais vu autant de mecs en jupe sur les tapis rouges. Pete Davidson, Odell Beckham, Jaden Smith, Kid Cudi, Russell Westbrook, Bad Bunny, Oscar Isaac, Lucien Laviscount et bien sûr Harry Styles, immortalisé en une du Vogue. On n’a jamais vu autant de jupes sur les mannequins qui défilaient lors de la précédente Fashion Week homme non plus. Dior, Gucci, Ludovic de Saint Sernin, Marine Serre, Givenchy, Courrèges… Le terrain de jeu de Thom Browne ou Rick Owens depuis des années, devient un hit et on nous sert quasi une menskirt par collection. Même si ça prend du temps (et là, en l’occurrence, beaucoup de temps) toutes les trends finissent dans la rue. Car ce n’est pas parce que ça ne mord pas aussi vite que quand on a collé des pantalons sur les femmes, que ça n’a pas le même effet.