Dix ans après tout le monde, j’ai enfin testé un restaurant full dans le noir (et j’ai hurlé)

Dix ans après tout le monde, j’ai enfin testé un restaurant full dans le noir (et j’ai hurlé)

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IG @blindekuh_zuerich

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Par Mélissa Chevreuil

Publié le

Alone in the dark mais avec des pâtes à la truffe dans l’assiette donc tout va bien.

Cela fait des années que j’entends parler de ce concept ultra-hype jadis et aujourd’hui quasi classique : les restaurants dans la plus totale obscurité. Un peu partout en Europe par exemple, il y a les restos Dans le noir ?, qui reprennent ce concept. Mais désireuse de suivre la tendance sans faire comme tout le monde, mon dévolu s’est jeté sur “Blindekuh” situé à Zürich, aka un des tout premiers sur le continent à proposer ce tour de force. Le but, vous ne l’avez que trop bien compris : s’empiffrer comme à l’accoutumée mais privé de toute vision. Les plats sont servis par des personnes malvoyantes, qui seront vos guides tout au long de la soirée. Avec ma +1 on est donc parties direction cette ancienne chapelle digne d’un décor de Resident Evil. Ambiance.

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Femme-chat (ou pas)

À notre arrivée, on nous déroule les règles : dès l’entrée, il faut ranger dans un casier toute potentielle source de lumière. Les smartphones et montres connectées, évidemment, mais aussi certains bijoux comme ma montre dont le cadre ne peut s’empêcher de scintiller (quelle star celui-là). On a déjà un menu à observer pour avoir en tête quoi choisir, mais l’option “surprise” est également possible pour les plus aventuriers d’entre vous. Puis arrive un certain Jean, qui sera notre guide. Avant de pénétrer dans la salle dans le noir, il nous demande de mettre nos mains sur ses épaules en mode chenille. Réticente, je comprends très vite pourquoi quand on passe une puis deux portes avant d’arriver dans la salle principale du restaurant : on n’y voit RIEN. Alors oui, c’était évident, mais quand je vous dis RIEN, c’est RIEN.

C’est encore une fois Jean qui me guide avec sa voix puis ses mains pour que je puisse trouver ma table. Je sens sous mes délicats doigts le dossier de ma chaise et m’habitue de manière surprenante très vite à ce noir infini qui nous avale. Peut-être est-ce mon côté gotchique mais je le trouve réconfortant, comme une couverture qui m’enveloppe. Je garde les yeux ouverts et je m’imagine être une femme-chat capable de tout capter. C’est évidemment faux. Seuls mes mains, mes oreilles et mon nez sont à contribution. Avec mes paluches, je prends possession du terrain et trouve mes repères : les couverts sont à tel endroit, la carafe à droite, le verre à côté. Assoiffée de challenge mais aussi d’eau, je tente de me servir. J’y arrive, pas peu fière, je souris comme une imbécile heureuse mais ma voisine ne peut me voir, hélas. Elle vit d’ailleurs une expérience totalement différente de la mienne et lutte pour ne pas dormir. Contrairement à moi, elle a fait le choix de garder les yeux fermés. J’ignore quelle méthode est la meilleure.

Vous au moins vous pouvez voir l’endroit @blindekuh

En mode doberman au-dessus de sa gamelle

Jamais mes oreilles n’ont été aussi sollicitées, et le ballet de bruits autour de nous est une expérience à part entière. Les serveurs, qui crient “service, service” pour que personne ne leur rentre dedans. Le tapage des assiettes qui s’entrechoquent. Les conversations en allemand-suédois, anglais et français ici et là, qui semblent proches et lointaines. Et qui sont en réalité littéralement à côté de nous. Par mégarde, je toucherai même mon voisin de droite (un parfait inconnu) et c’est là que je comprends que nous sommes au minimum quatre sur la même table ! Je ne l’aurais jamais cru.

Sans la vue, il m’est impossible de comprendre l’organisation de la salle. Je laisse donc place à mon imagination et j’imagine un lieu étroit, chic tout en restant populaire. Puis soudain, sans faire exprès, un serveur pose sa main sur mon dos. Je hurle instantanément, comme si j’étais dans un manoir fantôme. Il se confond en excuse, les risques de l’endroit. J’en ris à peine trois secondes plus tard, mais tout de même. Où est-ce que je suis ? Jean revient et nous sert une entrée surprise puis le plat. À nous de deviner le starter : je l’approche de mon nez et le renifle comme le chien que je pense être. Ça sent divinement bon. C’est quelque chose à boire, une sorte de soupe. Mais surprise, des choses solides s’y cachent au fond : des croûtons. La simplicité du starter n’empêche pas son onctuosité.

Pour le plat, zéro surprise, mon amie et moi avions choisi des ravioles à la truffe. C’est bon, mais pas extraordinaire, j’en ai mangé de bien meilleures ailleurs. C’est vraiment la “méthodologie” qui change tout. De peur de me tâcher, et incapable de savoir où se cachent les pâtes, je mange comme un doberman ultra-penché au-dessus de sa gamelle. J’aurais adoré voir de quoi j’avais l’air à l’aide d’une caméra infrarouge. Pour le dessert, on opte pour la “variation” soit encore une assiette surprise. Le plat est immense et c’est fascinant. Je sens du bien mou, du bien dur du bout de ma cuillère. Mes narines elles se remplissent d’effluves de fruits, de chocolat. Bon, forcément, je whippin tout avec mes couverts, les fruits se mélangent au brownie (mais miam), mais j’ai clairement gâché le tout, même sans le voir pour le croire. Qu’importe, le goût est là. J’aurais pensé que mon nez aurait été le plus sollicité mais au final, pas tant que ça, pour survivre, j’ai surtout joué des oreilles et des mains. Jean arrive, c’est “déjà” la fin.

Je suis convaincue que nous avons graillé trop vite et qu’il n’est que 21 h 00 (nous sommes arrivées vers 19 h 30). L’obscurité nous prive de vision mais aussi de la teneur de la temporalité visiblement, car il est déjà 23 h 00. De retour dans le hall, les yeux ne me picotent même pas (slay) mais je me sens comme un bébé après une sieste réparatrice, reposée mais aussi ravie d’avoir ajouté une nouvelle expérience à ma bucket list de crash-tests loufoques et aventureux.

Article rédigé dans le cadre d’une invitation par Blindekuh.