Cela fait près de deux siècles que son identité demeure un mystère. Si ses membres inférieurs sont tournés de trois-quarts, le reste de son corps se tient fermement de face, dans l’alignement de son regard qui semble soutenir celui du public. Peint en 1844 par le peintre William Lindsay Windus, le portrait porte le nom de The Black Boy, un titre qui pourrait changer si l’équipe de l’International Slavery Museum de Liverpool, qui expose l’œuvre depuis 2007, en apprenait davantage sur le modèle. D’autant que l’œuvre en question fait figure d’exception : il s’agit du seul portrait montrant un enfant noir, seul, dans tout le musée et la “seule peinture à l’huile d’un tel sujet dans toutes les collections des musées nationaux de Liverpool”, note The Guardian.
À voir aussi sur Konbini
La position et la façon dont l’enfant a été représenté sont également singulières, note l’historienne de l’art Kate Haselden, en charge de l’enquête concernant le petit garçon : “Les portraits de personnes noires seules sont très rares. […] Et il est encore plus rare de voir une telle peinture terminée, si sensible et bien exécutée.” Elle souligne l’attention portée à la couleur de la peau du modèle : “En regardant de près, on voit des roses et des rouges, et c’est très rare.”
William Lindsay Windus, The Black Boy, 1844. (© International Slavery Museum de Liverpool)
L’historienne voit dans le portrait une avant-garde certaine, notamment dans sa technique et sa composition. La lumière qui baigne délicatement le visage de l’enfant permet de mettre en avant “son innocence et sa pureté”, tandis que la représentation de son regard oscille entre empathie, dignité et confrontation, énumère Kate Haselden.
Une enquête ouverte et totale
Cette recherche autour du Black Boy de William Lindsay Windus ne vise pas seulement à résoudre une énigme autour du seul portrait, mais aussi de “se plonger davantage dans l’histoire noire de Liverpool, dans les expériences des enfants noirs en Grande-Bretagne et dans la présence noire dans les portraits britanniques du XIXe siècle”, détaille le musée, qui a mis en place un Google Form à destination de celles et ceux qui pourraient avoir des informations sur le modèle ou son lien avec le peintre.
Kate Haselden et son équipe espèrent dépasser la légende autour du tableau qui imagine que l’enfant aurait été victime d’un naufrage et aurait rencontré le peintre sur les marches de l’hôtel de sa mère. Ce dernier l’aurait employé, touché par son histoire, et aurait réalisé son portrait avant de le vendre à un marchand cadre. C’est en le voyant dans la boutique qu’un marin aurait reconnu l’enfant et lui aurait permis de retrouver ses parents. Kate Haselden croit peu à cette histoire, trop belle pour être vraie, et voit plutôt le garçon comme “un natif de Liverpool” qui aurait pu rencontrer le peintre, alors âgé de 22 ans, dans les rues de la ville.
L’équipe du musée espère pouvoir redonner son identité au modèle, sachant que “la présence noire dans l’art a été tant anonymisée” avec “tellement de personnes sans nom”. Tout renseignement lié au Liverpool des années 1840 est ainsi bienvenu.
Si vous pensez pouvoir aider le protagoniste du tableau à retrouver son nom ou voulez partager vos impressions sur le tableau, rendez-vous sur le Google Form du International Slavery Museum de Liverpool.