Depuis quelques années, le quartier des Batignolles est réputé pour ses récentes rénovations urbaines, ses caves à manger et sa vie de quartier plutôt paisible prisée des jeunes parents de la capitale. L’endroit est également connu pour héberger Le Kebab des Batignolles (anciennement appelé Bodrum), un snack qui s’autoproclame depuis plusieurs années comme le “meilleur” kebab de la capitale. Si ce statut est clairement discutable, le succès de l’enseigne, lui, est indéniable. Devant le comptoir qui déborde presque sur la rue, les gens sont toujours aussi nombreux à venir faire la queue, midi comme soir.
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Si, à première vue, il s’agit là d’une bien belle histoire pour ce commerce de bouche ouvert depuis le début des années 1990, celle-ci vient de prendre un tournant pour le moins dramatique. Il y a quelques jours, un ami de la rédaction nous apprenait l’ouverture soudaine et surprise d’un tout nouveau kebab, littéralement collé au Kebab des Batignolles, nommé Les Frères des Batignolles. Un affront direct, dont plusieurs journaux se sont fait l’écho, Le Parisien en tête.
À gauche, le Kebab des Batignolles. À droite, Les Frères des Batignolles. (© Google Maps)
À l’origine de cette brouille diplomatico-culinaire, une querelle familiale. Pour mieux comprendre, voici un petit rappel des faits : en 1991, Hasan Kaya ouvre Bodrum aux Batignolles avec son frère, qui embarque lui-même dans l’aventure ses deux fils, Ercan et Ozcan. Après quelques années plutôt discrètes, le kebab finit par rencontrer un franc succès chez les amateurs de broche à viande de qualité. Derrière le comptoir, les rôles sont bien répartis : Hasan s’occupe de la cuisine et ses deux neveux l’accompagnent, tout en prenant soin de peaufiner la communication et la réputation du lieu sur les réseaux sociaux.
Le nœud de la querelle, lui, remonte à seulement quelques mois. Comme l’explique Le Parisien, les deux neveux souhaitent alors voir plus grand et s’émanciper du petit local étroit dans lequel la famille se serre depuis plusieurs décennies déjà. Ils entreprennent alors de racheter le local attenant – une ancienne rôtisserie –, pour élargir leurs locaux. Hasan, leur oncle, n’est pas contre l’idée, mais affirme n’avoir jamais été mis au courant de ces démarches. En voyant que son nom n’apparaît nulle part sur les papiers administratifs, il décide de saisir la justice. Peu après, les neveux sont licenciés pour faute lourde.
Après quelques remous législatifs, les deux neveux ont finalement bel et bien pris leurs quartiers et installé leurs broches dans le local voisin, dont ils sont désormais propriétaires. S’ils ont été condamnés par la justice à ne pas servir de kebabs, afin de ne pas faire de concurrence déloyale à leur oncle, les deux frères ont fait appel. Et pour cause, selon Hasan Kaya, l’enseigne originelle aurait perdu jusqu’à 80 % de sa clientèle.
En attendant la fin de l’imbroglio judiciaire, des agents de sécurité ont été embauchés pour endiguer la tension qui règne entre les deux commerces et le quartier observe, impuissant, ce que l’on appelle désormais la “guerre des kebabs”.