Comment les sportifs travaillent désormais leur préparation mentale

Comment les sportifs travaillent désormais leur préparation mentale

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Photo by KAMRAN JEBREILI / POOL / AFP

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Par Lucie Bacon

Publié le

Entre vrais pros et faux experts, la préparation mentale des sportifs est désormais au cœur de leur travail au quotidien.

Sophrologie, méditation, “débriefings collectifs“, hypnose… Pour améliorer leurs performances mais aussi mieux supporter leurs échecs, les sportifs travaillent leur mental en utilisant des méthodes plus ou moins éprouvées et dispensées par de vrais experts, mais aussi, parfois, de vrais charlatans.

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“Mon boulot, ce n’est pas de les faire gagner, c’est de les empêcher de perdre par leurs propres faits”, explique à l’AFP Stéphane Vouillot, kiné et préparateur mental qui travaille pour plusieurs disciplines. Même si la pratique semble s’être répandue, “ça vient doucement”, explique-t-il. Il s’est encore récemment “entendu dire : ‘pas de mental ici ! ‘”.

Autrefois raillées, la méditation et l’hypnose ont gagné leurs galons scientifiques et franchi les portes de l’hôpital. Elles font parfois partie des outils utilisés par les sportifs. La navigatrice Samantha Davies, par exemple, utilise l’hypnose et la star de la F1 Lewis Hamilton s’adonne à la méditation.

L’entraîneur de l’équipe de France féminine de handball, Olivier Krumbholz, a déjà eu recours, pour les filles, à quatre préparateurs mentaux, qui l’ont “enrichi” lui aussi et conduit à ce qu’il change entièrement sa manière de coacher au fil des années. “Ça fait longtemps que je suis persuadé que tout ce qui est mental et cognitif est important dans le sport, et certainement le domaine le plus perfectible”, explique-t-il à l’AFP.

“Augmenter son intelligence émotionnelle”

Les sports collectifs sont en eux-mêmes un champ d’exploration de la préparation mentale qui, pour l’instant, s’est “focalisée sur des approches très individuelles”, explique à l’AFP Mickaël Campo, chercheur à l’université de Dijon et responsable de la préparation mentale du XV de France.

Il évoque au passage l’émergence du métier de “sport scientist”. Il est possible de “mesurer les compétences émotionnelles des joueurs et de voir ce qu’il faut travailler spécifiquement avec chaque joueur pour pouvoir augmenter son intelligence émotionnelle”, explique-t-il.

Exemple concret de ce qui peut être mis en place, “les bulles de maîtrise” : “Les joueurs se regroupent en cercle, respirent, et il y a une communication qui se fait, destinée à limiter les effets de contagion” dans le groupe quand l’équipe de France encaisse un essai par exemple.

Il travaille aussi sur l’utilisation d’algorithmes qui permettent, grâce “aux caméras” du stade, de “repérer tout ce qui est lié au langage corporel” des joueurs. L’entraîneur peut alors “avoir un indicateur de la dynamique de groupe en temps réel”, explique-t-il. En vue des JO de Paris, il a été chargé, avec un réseau de chercheurs, d’un projet sur la dynamique de groupe des sports collectifs.

Des métiers parfois pas réglementés

Mais, attention, prévient-il, “quand il y a de l’argent, cela attire tous ceux qui sont capables de vendre leur mère pour pouvoir faire ça et être dans un staff !”

Responsable du diplôme universitaire de préparation mentale à l’université de Poitiers, Nicolas Epinoux prône l’enseignement de “méthodes validées scientifiquement”, à intégrer “plus massivement dans les formations d’entraîneurs et d’encadrants”. Ces “ressources deviennent de plus en plus nécessaires” dans le sport. Et par ailleurs, “la recherche commence à se développer en France sur les sujets émotions et cognition”, précise-t-il.

“Il y a plein de techniques d’intervention en psychologie testées à l’aide de protocoles aussi complexes que ceux utilisés pour l’évaluation de l’efficacité des médicaments”, renchérit Greg Décamps, enseignant en psychologie à l’université de Bordeaux et ex-président de la Société française de psychologie du sport.

A contrario, par exemple, la programmation neurolinguistique, dite “PNL”, utilisée en coaching ou en préparation mentale, est controversée scientifiquement. Le métier de préparateur mental n’est pas réglementé. “Vous pouvez être préparateur mental en trois jours, c’est un peu problématique”, résume Stéphane Vouillot. “Tout le monde peut dire ‘je fais de la sophro’ donc on a affaire à des gens dont on ne peut absolument pas garantir la moindre qualité de formation”, met en garde Greg Décamps.

Il enfonce le clou : “En France, on trouve comparativement beaucoup plus de charlatans que dans d’autres pays, qui ont pignon sur rue et se font, pour reprendre une expression, ‘un pognon de dingue’, y compris dans des centres de formation de très haut niveau.”

Konbini sports avec AFP