Dans les foyers français, il y a deux écoles en matière de cuisine et de cuisson. Il y a d’un côté les cuisines qui disposent de poêles antiadhésives, très communes dans le commerce et très pratiques au quotidien, et celles qui utilisent des poêles en inox, d’un calibre presque professionnel et souvent très onéreuses. Deux écoles, donc, et deux mondes à part, séparés par un grand écart financier et culturel que l’on pensait inébranlable… jusqu’à il y a peu.
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À Paris, un nouvel acteur français s’est lancé dans l’aventure des poêles en inox, mais en prenant le problème à l’envers. Romain et Victor, deux amis d’enfance, ont envie de “faire bouger les lignes et casser les codes”. C’est en 2021 qu’ils décident de faire le grand saut et de faire de leur amour de la cuisine et des ustensiles leurs nouvelles perspectives. “On avait un côté un peu geek sur les équipements de cuisine, sur l’équipement… On a donc eu la volonté de tout comprendre et de choisir les meilleurs matériaux, les meilleurs savoir-faire, les meilleures technologies, et transmettre au plus grand nombre et à toutes les générations le plaisir de la cuisine et ce qu’elle représente”, explique Romain.
© Atma
Ainsi est née la marque Atma. S’ils débutent par les couteaux, ils jettent finalement leur dévolu sur un premier prototype de poêle en inox, avec l’idée de démocratiser l’outil au-delà des cuisiniers professionnel et du public déjà averti. “Peu de gens ont de bonnes poêles, finalement : saines, durables et performantes. Sauf les vrais cuisiniers qui savent s’équiper et ont les moyens d’aller acheter des batteries chez les grandes maisons. On voulait casser ce mythe et démocratiser la qualité professionnelle pour tous, car on est tous un peu chefs au fond de nous. Donc on s’est dit go, il faut oser”.
Les deux acolytes se lancent alors dans leur projet tête baissée et comprennent rapidement qu’il faudra déconstruire une question cruciale : le prix. Même en se positionnant avec un prix intermédiaire, il faut de la pédagogie, beaucoup de pédagogie. “Le sujet du prix est très clivant car l’amplitude est énorme sur cette catégorie de produits. Alors, il faut réussir à expliquer aux gens la différence technique entre une poêle à 25 euros vendue sur Amazon, les nôtres, et les poêles de maisons traditionnelles françaises, super connues chez les amateurs de cuisine, à 200 euros”, explique Romain.
© Atma
Chez Atma, le prix des poêles oscille entre 89 et 109 euros — et la gamme s’est désormais élargie aux casseroles et sauteuses. Un “juste prix” assez étonnant pour un matériel d’une telle qualité, mais que les deux fondateurs expliquent par la nature même de leur modèle économique : la précommande. “Cela nous permet de proposer le meilleur rapport qualité/prix/impact possible, donc pour le niveau de qualité qu’on propose et la durabilité qu’on promet à nos clients, ça vaut le coup”, expliquent-ils. Et de répéter : “Il vaut mieux acheter une poêle saine et de bonne qualité à 100 euros pour qu’elle tienne vingt ans, plutôt que de racheter tous les quatre ans une mauvaise poêle à 40 euros. Pour sa cuisine, sa santé et l’environnement, il n’y a pas photo”.
“On observe une grosse prise de conscience depuis quelques années sur le problème sanitaire des revêtements antiadhésifs.”
© Atma
Lancer une nouvelle marque de poêle dans un monde qui dispose déjà d’acteurs très ancrés n’a pas été de tout repos. Il a fallu trouver les bons fournisseurs, et réussir à se rendre crédibles auprès d’eux. “Ce n’est pas un marché qui voit débarquer des jeunes marques sans trop de moyens du jour au lendemain donc il faut savoir insister et donner confiance à ses partenaires industriels, se faire une place. On est un peu atypiques dans le secteur et je crois que les grandes marques commencent un peu à nous regarder bizarrement”, sourit Romain. “Elles commandent d’ailleurs nos produits pour voir ce qu’ils valent vraiment.”
Il y a donc un enjeu du quotidien, bien sûr, mais étroitement lié à des questions “de développement industriel, de design, d’achats de moules” à gérer et contrôler. “Il y a des barrières à faire tomber, et il faut apprendre à se montrer crédibles et légitimes aux yeux des clients qui cherchent, évidemment, des grandes marques solides avec des références”, dit Romain. “En cuisine, on veut être rassuré, mais je crois que l’on ne s’en sort pas trop mal”. Pour tester leurs produits, Atma travaille avec de nombreux chefs et restaurants français. “Ça donne confiance”, dit-il. “Et c’est un bon moyen d’avancer, pour tester et améliorer nos produits”. Parmi les cobayes ? Alexandre Marchon (Marchon), Eloy Spinner (Orgueil), Paul Delrez, Christ Bikouedi (Lafayette’s) ou encore les équipes d’Ardent, Fulgurances, Sugaar ou Pantobaguette.