Salade mangue-avocat, coq au riesling et poire Belle-Hélène pour 3,30 euros (un euro pour les boursiers) : à Strasbourg, des centaines d’étudiants ont profité mardi d’un menu concocté par le chef étoilé Marc Haeberlin, à un prix imbattable. Il n’est pas encore midi et la file d’attente vers le Resto U’ Gallia, un bâtiment situé en plein quartier historique de la Neustadt, s’étend le long du pâté de maisons.
À voir aussi sur Konbini
“C’est incroyable, je suis sidéré”, confie Marc Haeberlin devant l’affluence. Le célèbre chef de l’Auberge de l’Ill, restaurant deux étoiles, a accepté de cuisiner bénévolement pour les étudiants, à l’invitation du Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Strasbourg. Concocter 1 500 repas, contre 80 au maximum dans son restaurant d’Illhaeusern, dans le Haut-Rhin, “c’est un défi”.
“Le problème avec une telle quantité, c’est l’assaisonnement”, remarquait-il mardi matin en goûtant une sauce crémeuse mijotant dans des effluves de vin blanc. Car les proportions sont gargantuesques : 150 kilos de knepfles (pâtes alsaciennes), 1 200 cuisses de volaille, et des litres de crème. Avec ce déjeuner, Marc Haeberlin espère “montrer qu’on n’est pas éloignés du problème d’alimentation des étudiants”.
“Je vois par la presse que beaucoup d’étudiants n’ont qu’un repas par jour ou n’arrivent plus à manger correctement”, constate-t-il. Cette opération, “c’est pour eux, pour leur proposer un repas gustatif, à un prix abordable”. Et pourquoi pas, leur donner envie de se lancer en cuisine ou de pousser la porte d’un restaurant étoilé. Figure de la gastronomie alsacienne, Marc Haeberlin, 69 ans, a démarré à 15 ans à l’école hôtelière de Strasbourg avant de travailler chez Bocuse à Lyon, Troisgros à Roanne (Loire), Lasserre à Paris, et chez le pâtissier Gaston Lenôtre. Puis, en 1976, il est revenu en Alsace, à l’Auberge de l’Ill qu’il n’a “plus quittée”.
“J’avais déjà cuisiné pour des écoles ou des Ehpad mais pour des étudiants, c’est une première”, souligne-t-il. Outre son temps, le chef a offert crème de cèpes et noisettes. D’autres fournisseurs ont donné vin, chocolat ou volailles. Après une entrée aux saveurs exotiques, les étudiants ont pu déguster un plat typique alsacien, le coq au riesling et knepfles, ou opter pour l’alternative végétarienne, un risotto de pépinettes à l’œuf poché, crème de cèpes et champignons frais.
“C’est très très bon, ça change des menus habituels”, savoure Lilian Heydel, 22 ans. Pour être sûr de ne pas rater cette occasion, cet étudiant en sciences de la vie et de la terre est arrivé à 11 h 30 et a patienté une demi-heure : “Ça valait le coup”, assure-t-il. Et de préciser : “Je n’ai pas les moyens de manger gastronomique”.
“Manger aussi bon pour un euro, c’est un privilège”, reconnaît Lola Cazot, 19 ans. Son amie Charlie Kassimo-Zahnd, 18 ans, explique qu’elle prend tous ses déjeuners et dîners au Resto U’ : “C’est la seule solution pour qu’il me reste un peu d’argent à la fin du mois”. Avec cette opération, une première dans un Resto U’ de Strasbourg, “on veut montrer aux étudiants qu’ici on fait de la vraie cuisine, qu’il y a beaucoup de fait maison même si on est sur une restauration collective”, explique Sophie Roussel, directrice générale du Crous de Strasbourg.
“On veut leur faire plaisir”, ajoute-t-elle. Et pour les équipes, “c’est l’occasion exceptionnelle de travailler avec un chef étoilé”. “On est tous très honorés de recevoir le chef. Dans le domaine, c’est quelqu’un”, glisse Mathieu Ribeiro, chef du Resto U’ Gallia. En cuisine, “il nous dirige, nous donne des astuces. C’est stimulant, ça nous sort de notre quotidien, et tout ça au service des étudiants… Ils sont gâtés”.