Emmanuel Macron défend-il le vin au détriment de la santé publique ? Le débat est ancien mais ressurgit avant l’élection présidentielle. Pour le monde de la santé, celle-ci marque l’occasion de dresser un bilan sévère du quinquennat sur la lutte contre l’alcool. “Il n’y a rien eu de fait sur l’alcool pendant cinq ans”, estime le médecin Bernard Basset, président de l’association Addictions France.
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Avec d’autres organisations, qui rassemblent l’essentiel du monde de l’addictologie en France, cette association a accusé fin mars le chef de l’État, Emmanuel Macron, de “conflits d’intérêts” persistants avec le secteur du vin. Ce communiqué réagissait à un article du Monde mettant en cause l’action à l’Élysée d’une conseillère de M. Macron, Audrey Bourolleau, issue de la filière viticole.
Citant plusieurs e-mails, le quotidien montre que celle-ci, partie depuis fonder l’école d’agriculture Hectar, a demandé d’amoindrir les termes de certaines campagnes de santé publique contre la consommation d’alcool. Reste que les inquiétudes du monde de la santé dépassent ce cas isolé. Depuis le début du quinquennat, les addictologues critiquent régulièrement Emmanuel Macron sur deux plans : des actions insuffisantes face à l’alcool et des déclarations jugées complaisantes sur le vin.
Un recul mal vécu
Sur le premier plan, il y a bien eu des campagnes de prévention, mais les professionnels de santé les jugent, par contraste avec la lutte anti-tabac, largement insuffisantes par rapport au nombre de morts liés à la consommation d’alcool. Ainsi, l’État a renoncé au dernier moment en 2020 à soutenir l’opération “Dry January” qui encourage à stopper sa consommation d’alcool pendant un mois afin de prendre du recul sur celle-ci.
Ce recul a été très mal vécu par les professionnels de santé qui y ont vu la marque du secteur de l’alcool, plus particulièrement du vin, pour éviter un engagement de l’État. L’Élysée n’a pas répondu. Mais, dans un entretien donné la semaine dernière au Quotidien du Médecin, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a assuré que “le choix de la santé publique” avait toujours prévalu lors du quinquennat.
Seulement, “pour le ‘Dry January’, son impact fait encore débat dans la communauté scientifique”, a jugé M. Véran. Un rapport de l’Inserm estime pourtant que l’intérêt de cette opération, venue du monde anglo-saxon, est démontré. “Les autres n’ont pas fait grand-chose non plus”, dans un contexte de “longue tradition de lobbying du monde de l’alcool”, juge Karine Gallopel-Morvan, chercheuse en santé publique.
Du vin “midi et soir”
Selon elle, contrairement à ses prédécesseurs, M. Macron n’a “aucun problème à défendre l’alcool publiquement”. C’est le second volet des reproches faits au Président sur la question de l’alcool. Depuis son élection – et même auparavant –, M. Macron multiplie les éloges du vin, au point d’affirmer en boire “midi et soir” et de recevoir personnellement, début 2022, un prix de La Revue du vin de France (RVF).
Cette proximité est revendiquée par le secteur viticole qui y voit la garantie d’un bon équilibre entre préoccupations de santé publique et reconnaissance de la place du vin dans la culture française. “Le message qu’on a pu entretenir avec M. le Président, c’est que le vin, c’est un moment de partage, et non pas une consommation abusive”, explique Samuel Montgermont, président de Vin & Société, l’une des principales organisations de défense du secteur.
De fait, Emmanuel Macron, lors de la présentation, l’an dernier, d’un plan contre le cancer, assumait l’objectif de “prévenir les excès” sans “aller vers le zéro alcool”. En l’état actuel des connaissances sur l’alcool, la recherche montre clairement qu’un petit buveur subit déjà des risques accrus, par exemple, de cancers du sein chez la femme. “Emmanuel Macron, par ses déclarations qui valorisent la consommation d’alcool et en particulier le vin, va à l’encontre des données de la science”, conclut M. Basset.
Konbini food avec AFP