Ce week-end, les lourds effluves de fromage fondu ont enveloppé ce petit coin des Alpes suisses. Il a accueilli les premiers Championnats du monde de raclette, qui se sont achevés dimanche sur un triomphe quasi total du savoir-faire suisse. Un producteur venu de France voisine a réussi à décrocher une deuxième place et à contester l’hégémonie helvétique.
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La raclette, qui incarne la Suisse au même titre que la fondue, le chocolat et les banques, est née il y a plusieurs siècles quand les bergers chauffaient le fromage près d’un feu de bois et en raclaient la partie fondue pour se sustenter. Mais jamais depuis tout ce temps, producteurs, experts et restaurateurs ne s’étaient réunis sous un même toit pour désigner la meilleure raclette du monde.
Près de 90 fromages à raclette — et leurs producteurs — avaient fait le déplacement à Morgins, un village du Valais. Cette région du Sud-Ouest de la Suisse se targue d’être le berceau de la raclette. “Tous ces gens sont de petits producteurs qui montent avec leurs vaches sur les alpages au début de l’été”, a expliqué à l’AFP Henri-Pierre Galletti, un des fondateurs de l’événement.
“Pour eux, c’est une manière de valoriser leur travail, qui est un travail dur mais qui est tellement beau”, s’est-il extasié. Morgins, niché à plus de 1 300 mètres d’altitude dans une vallée boisée non loin de la frontière française, a accueilli près de 10 000 amateurs de raclette venus assister au concours.
Ce samedi, dans la cuisine de la salle des fêtes du village, des demi-meules de fromage sont posées sous des grills à raclette électriques. Le temps de cuisson varie en fonction de fromage et se détermine à vue. À l’apparition des premières bulles — mais avant qu’il ne brunisse — le fromage est raclé et servi aux jurés. “Le goût est dans le gras“, explique l’un des “racleurs”, Jean-Michel Dubosson, tout en grattant une autre portion avec le dos de son couteau. “C’est surtout important de ne pas le chauffer trop vite”.
Tandis que la cuisine s’anime, un silence respectueux règne dans la salle où les juges enroulent le fromage autour de la fourchette d’un habile coup de poignet avant de le goûter. “Nous, on cherche une raclette qui est crémeuse, onctueuse, a un bel aspect, une belle couleur”, explique Eddy Baillifard. Et “le pape de la raclette” poursuit : “Au niveau du goût, une belle texture, pas de fil, pas de corde, pas de gomme”. Les juges dégustent un maximum de 15 fromages par séance, avant que leurs sens ne soient submergés.
Le thé noir chaud ou des tranches de pommes permettent de se rafraîchir le palais et de recommencer. Les notes vont de 1 à 5. Il y avait trois catégories : la raclette au lait cru d’alpage, la raclette au lait cru et la catégorie autres fromages à raclette. Tous les prix ont été remportés par des Helvètes à l’exception de l’Exploitation agricole à responsabilité limitée Les Noisetiers, venue de France voisine, de Leschaux en Haute-Savoie. Les Français se sont arrogé la médaille d’argent dans la catégorie du lait cru.
Si la majorité des compétiteurs étaient venus de Suisse ou de France, des meules de Belgique, du Canada, d’Italie et de Roumanie étaient également en lice. La prochaine édition devrait voir des producteurs en provenance du Royaume-Uni, du Japon, de Norvège, de Suède et même du Kirghizstan. “C’est un grand plaisir d’être ici, de représenter la Roumanie, pour nous c’est une grande chose“, a déclaré Narcis Pintea, 34 ans, qui a appris son métier en Suisse avant de retourner au pays.
Pour Eddy Baillifard, “une journée sans raclette, c’est une journée foutue”. “Il y a plusieurs ingrédients qui font le plaisir de la raclette mais le principal, c’est les personnes avec qui vous la partagez. Quand vous avez une bonne compagnie, la raclette, elle est déjà à 80 % réussie”, a-t-il lancé.