Selon Amnesty International, entre 2014 et 2018, ce sont près de 28 500 migrants qui ont disparu ou ont trouvé la mort lors de la traversée de la Méditerranée. Des chiffres édifiants derrière lesquels on retrouve notamment un grand nombre de mineurs non accompagnés. Même s’ils arrivent à rejoindre le continent, l’épreuve n’en est pas pour autant plus facile. Beaucoup seront marqués à vie par ce voyage dangereux.
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C’est là où le projet Aquarius entre en jeu. Monté par Ronan Communier, Paul Bergounioux, Raphaël Latour et Enja Delépine, quatre étudiants en master Développement intégration sport et culture (Disc) à Rennes, accompagnés d’une étudiante maître-nageuse, Émilie Schoenahl, ce projet a pour but d’accompagner des jeunes migrants et de les aider à vaincre leur peur de l’eau grâce à des activités aquatiques encadrées. Ils sont par ailleurs soutenus par différents organismes et structures pour les fonds et pour le prêt de matériel.
Leurs objectifs sont clairs : tenter de soigner le traumatisme émanant de la traversée et accompagner ces jeunes migrants dans leur insertion au sein de la société. Après l’avoir repéré dans un article de 20 minutes, nous avons voulu en savoir un peu plus sur ce projet. Enja, un des étudiants, nous a donc accordé un peu de temps pour répondre à nos questions.
Konbini sports | Bonjour Enja, pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Enja Delépine | Je suis étudiant en master Disc à l’université de Rennes 2. En parallèle, je suis éducateur spécialisé à Chartres. Avec trois camarades, on a décidé de créer le projet Aquarius pour permettre aux mineurs non accompagnés d’aller de l’avant, se reconstruire, pouvoir s’intégrer au mieux en gérant leur traumatisme et leur angoisse par rapport au milieu aquatique.
Pourquoi avez-vous créé le projet Aquarius ? D’où est venue cette idée ?
J’ai eu un cas concret avec un jeune qui pouvait évoquer des angoisses et des terreurs nocturnes par rapport à cette traversée. L’accompagnement qui est proposé par les services de soin français n’est pas forcément toujours adapté. Ces jeunes sont parfois mélangés à diverses personnes ayant tout type de pathologies. Finalement, c’est peut-être encore plus violent.
Du coup, on a échangé avec trois camarades et on a donc décidé de créer ce projet pour permettre une logique d’insertion et d’inclusion dans la société, mais aussi de soin. Et donc de permettre à ces jeunes d’aller de l’avant en travaillant sur leur rapport à l’eau.
En quelques mots, quels sont les objectifs principaux de ce projet ?
S’il y avait un objectif principal, ce serait le soin, surtout pour les jeunes qui ont eu un rapport traumatique à l’eau. Cependant, tous les jeunes qui participent à ce projet n’ont pas forcément cette peur. Certains ont juste un rapport un petit peu ambigu : ils peuvent évoquer quelques craintes vis-à-vis du milieu aquatique, mais ils savent nager par exemple. Ce sont vraiment des rapports très hétérogènes.
On a trois sortes d’objectifs dans ce projet. Avec ceux qui savent très bien nager, et qui ont juste des mauvais souvenirs, on peut essayer de leur montrer que l’eau peut aussi représenter des bons souvenirs, ça peut être ludique. À partir de là, on peut même aller encore plus loin : leur faire passer des formations comme surveillant de baignade et les intégrer dans la société grâce à des formations reconnues sur le sol français.
On a des jeunes qui sont un peu au milieu, qui ne savent pas trop nager et qui ont un peu peur. On essaye donc de déconstruire cette peur, de prendre du plaisir autour de jeux. Enfin, on a ces jeunes qui ont vraiment des énormes craintes et qui peuvent évoquer certains traumatismes. Là, le but, c’est vraiment de les faire adhérer au suivi psychologique qu’il y a dans le projet. Qu’on puisse au moins déconstruire cette peur et qu’ils sachent se débrouiller dans l’eau.
Avez-vous pu observer des progrès concrets depuis la création de ce projet ?
Les jeunes sont volontaires, ils ont envie d’apprendre, et on le voit déjà par rapport à leurs gestes dans l’eau. Ils commencent de plus en plus à rester droits, ils arrivent à se déplacer, à mieux respirer. Pour certains néanmoins, c’est encore compliqué. Dès que l’eau est froide, cela leur rappelle des souvenirs et cela les met en difficulté. On essaye de travailler sur tout ça, et ils ont de moins en moins besoin de nous à côté. On commence à voir de plus en plus de sourires, de joie… On a l’impression que, pour l’instant, ça fonctionne plutôt bien.
Aspirez-vous à faire grandir le projet Aquarius ?
Je suis actuellement en train de développer ce projet sur Chartres avec la même logique. Il y a simplement une différence : à la fin de ce projet, il y a une notion d’accomplissement, un voyage en Méditerranée. C’est-à-dire de retourner sur ce lieu en ayant fait tout un travail d’activités nautiques extérieures pour vraiment leur permettre de redécouvrir la Méditerranée et de voir que ça peut être aussi un endroit génial. Il y aura aussi, normalement, une activité de plongée sous-marine.
On a aussi des psychologues qui travaillent avec les jeunes. Certaines sont en recherche et font remplir des questionnaires aux jeunes. On rajoute aussi un côté sociologique avec l’écriture d’articles scientifiques. L’idée, c’est de faire des entretiens avec les jeunes pour voir les bienfaits et l’efficience, ou pas, du projet.
Le but, c’est qu’à la suite de tout ça, on ait vraiment le résultat le plus complet possible afin de passer le relais à des étudiants de master 1 l’année prochaine pour qu’ils puissent travailler là-dessus et l’approfondir. L’idée, c’est de pouvoir développer ce projet, quand il sera vraiment bien structuré.
Si vous souhaitez suivre l’évolution du projet Aquarius, rendez-vous sur ce lien.