Je fais partie des rares personnes qui ont souscrit à YouTube Premium. Il y a moi, mon collègue Baptiste obsédé par des vidéos cheloues et environ cinq autres personnes en France, je pense. Je m’en sers surtout pour verrouiller mon téléphone en pleine lecture, mais l’absence de publicité est évidemment un avantage non négligeable — d’autant que la longueur des pubs sur YouTube a drastiquement augmenté ces dernières années.
À voir aussi sur Konbini
De fait, je n’ai pas remarqué de suite ce petit changement sur la plus célèbre plateforme de vidéo en ligne : les bloqueurs de publicités ont été bloqués… ou presque.
Parlons déjà de l’éléphant dans la pièce : en 2020, 44 % des internautes français utilisaient un bloqueur de publicités. Alors si vous utilisez AdBlock ou uBlock, y compris pour lire cet article, je ne vous en tiendrai pas rigueur.
Bloqueurs bloqués
Il est bien sûr connu que les bloqueurs de publicité empêchent les publicités avant les vidéos YouTube. Il fut même une époque où les youtubeurs demandaient à leurs abonnés de désactiver spécifiquement ces logiciels tiers antipublicité avant de regarder une de leur vidéo pour continuer à être financé par la monétisation de la plateforme.
Ce discours a, dans l’ensemble, disparu car depuis, les créateurs de contenu se reposent essentiellement sur les sponsors et autres collaborations commerciales directement intégrées à leurs vidéos, la monétisation YouTube étant devenue un sujet complexe avec de nombreuses restrictions liées.
Bref, avoir un bloqueur de pubs activé avant de lancer une vidéo était à peu près la norme. Mais il y a quelques jours, un ami me fait part de ce message qui est apparu sur son navigateur avant de lancer une vidéo YouTube :
Au détour de subreddits, tweets, messages et autres témoignages d’internautes, je découvre le même constat : YouTube bloquerait l’accès à ses vidéos pour les internautes qui ont un bloqueur de publicités. Certains internautes expliquent même que cela les incitera à ne plus aller sur la plateforme.
Évidemment, le message propose deux choix pour continuer à regarder des vidéos : autoriser YouTube Ads (c’est-à-dire imposer une exception au logiciel antipub) ou essayer YouTube Premium, la solution à 12,99 € par mois, une somme que je débourse personnellement car je suis un énorme iencli, pour rappel.
Un blocage… qui a ses limites
“Je n’ai pas eu ce message, ai-je hacké le système ?” vous demandez-vous peut-être. En réalité, il semblerait que l'”anti-adblockers” ait lui même ses limites.
Par exemple, la majorité des gens qui ont eu le message “anti-adblock” l’ont eu sur Google Chrome, le navigateur du géant du Web et également… propriétaire de YouTube. Sur Mozilla Firefox, la plupart des internautes ne semblent pas faire face à ce blocage malgré l’utilisation d’un logiciel tiers antipublicité. Aussi, il semblerait que ce blocage apparaisse uniquement lorsqu’on est connecté à un compte YouTube.
Et bien sûr, comme bien souvent, certains logiciels antipublicité auraient déjà pallié le blocage de YouTube avec de récentes mises à jour.
Le chat et la souris (et votre vie privée)
Cette guerre entre logiciels antipubs et YouTube (et d’autres sites) n’est pas nouvelle. Dans un billet de blog, le développeur Zhenyi Tan explique que ce jeu du chat et de la souris entre d’un côté YouTube Ads et de l’autre l’équipe (bénévole) de uBlock Origin a redoublé d’intensité depuis mai 2023, quand la plateforme a mis à jour son API — la partie de son code “publique”.
Autrefois, les logiciels antipub réussissaient à outrepasser les publicités de cette manière (grossièrement résumée) :
- Les serveurs YouTube envoient les données de la vidéo en question avec la publicité incluse.
- Le navigateur reçoit les données et le logiciel antipub outrepasse la partie “ads” et renvoient le code sans publicité aux serveurs YouTube.
- YouTube reçoit la réponse et fait donc lire la vidéo sans publicité.
Mais depuis mai 2023, la plateforme a mis en place un système de “fausses réponses” pour vérifier s’il y a justement une modification et ainsi bloquer l’accès comme on l’a vu plus haut. Sur le principe, la méthode semble de bonne guerre et difficile d’en vouloir à YouTube de protéger la grande majorité de son gagne-pain — 40 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022.
Sauf que, dans les faits, ce système de “fausse réponse” mis en place par YouTube a aussi bloqué d’autres logiciels qui n’ont rien à voir avec les adblocks. C’est notamment le cas d’extensions qui protègent la vie privée comme Privacy Badger ou encore MalwareBytes.
Plus étonnant encore, des internautes ont signalé qu’utiliser le navigateur Edge (successeur d’Internet Explorer) en mode “Strict” générerait le même message que si vous utilisiez un bloqueur de publicités. Ce mode de navigation “Strict” est conçu pour limiter le plus possible les sites tiers de retenir vos informations personnelles de connexion (cookies) mais pour YouTube Ads, cela peut être considéré comme un détournement de leur politique publicitaire.