Il n’y a pas de petits exploits. Encore moins lorsqu’il s’agit de fromage. Il y a quelques semaines, un tweet évoquant la naissance d’une IA capable de reconnaître et différencier deux fromages français très ressemblants, la fourme d’Ambert et la fourme de Montbrison –, a retenu toute notre attention. Interloqués par cette honorable entreprise, nous avons alors tout naturellement cherché à en savoir plus sur cette innovation.
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À l’origine de cette drôle d’IA, on retrouve David Fradel, développeur pour la plateforme prevision.io, une start-up spécialisée dans le machine-learning et les modèles prédictifs. Alors qu’il était en congés, l’idée lui est soudainement venue de s’attaquer à l’un des piliers de notre patrimoine gastronomique : le fromage.
© prevision.io
“La fourme de Montbrison vit un peu dans l’ombre de sa cousine, la fourme d’Ambert. J’avais envie de lui apporter un peu de visibilité à ma manière.”
“On venait d’intégrer une solution de détection d’objets à notre plateforme d’entreprise prevision.io et on était tous d’accord sur le fait que les exemples de détection d’objets qu’on trouve sur le web sont toujours les mêmes (humains, animaux, voitures…)”, nous a-t-il confiés.
Une IA au grand appétit
David Fradel, originaire des monts du Forez, dans le Massif central, a donc logiquement jeté son dévolu sur deux spécialités emblématiques de la région : la fourme d’Ambert et son pendant plus artisanal, la fourme de Montbrison.
“Mes parents, aujourd’hui à la retraite, produisaient du lait pour la fromagerie des Hautes Chaumes. Leur fourme a obtenu la médaille d’or au concours national des fromages de France en 2019 et est qualifiée pour les World Cheese Awards 2020. Cette fourme vit un peu dans l’ombre de sa cousine la fourme d’Ambert, qui est plus connue par les Français. J’avais envie de lui apporter un peu de visibilité à ma manière.”
Après quelques recherches sur Google, il a sélectionné plusieurs images de fourmes et les a glissées dans un logiciel, en vue d’entraîner la plateforme à reconnaître et différencier de manière autonome les deux fromages. “Cela m’a pris environ une heure.” Si, sur le papier, la conception de cette IA semble couler de source, dans les faits, ce n’est pas aussi simple.
“Comme souvent dans ce domaine, trouver des données de qualité est la principale difficulté. Il faut trouver des images de différentes dimensions, avec des couleurs et des angles différents, de façon à ce que la prédiction soit la meilleure possible.”
Les fromages, mais pas que
Après quelques heures d’entraînement, l’IA est finalement parvenue à se muer en experte de la fourme. Une victoire, et une belle petite revanche pour la fourme de Montbrison, qui a bien failli disparaître du paysage gastronomique français au début des années 2010.
“Je me rappelle qu’au début des années 90, personne ne voyait l’intérêt d’avoir un téléphone portable.”
Reste à savoir désormais si cette IA au grand appétit – que certains veulent déjà baptiser Cheezam, en référence à Shazam – pourra appliquer son expertise à d’autres fromages aux apparences très similaires (comté/emmental, bleu d’Auvergne/roquefort, cantal/salers ou brie de Meaux/brie de Melun) ou différencier différentes durées d’affinage.
La start-up prévoit déjà d’entraîner cette IA à différencier d’autres aliments. “À mon sens, il est important que les gens soient conscients des possibilités concrètes d’une AI. Comme Internet, l’intelligence artificielle va bouleverser notre quotidien, créer de nouveaux besoins et de nouvelles opportunités”, dit David Fradel. “À nous d’essayer d’anticiper cela en créant des jeux de données sur des thématiques aussi variées que possible. Je me rappelle qu’au début des années 90, personne ne voyait l’intérêt d’avoir un téléphone portable.” Bien dit.