Pourquoi les Belges ne peuvent pas ouvrir de boosters Pokémon ? (et pourquoi ils ont peut-être raison)

Même pas une fois

Pourquoi les Belges ne peuvent pas ouvrir de boosters Pokémon ? (et pourquoi ils ont peut-être raison)

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Par Pierre Bazin

Publié le

La législation du pays interdit plusieurs jeux vidéo de ce type.

Depuis quelques semaines, la planète entière est tombée dans l’addiction aux ouvertures de boosters sur Pokémon TCG Pocket. Le jeu mobile utilise en effet des mécaniques très efficaces pour nous faire retomber dans la nostalgie du jeu de cartes à jouer et collectionner Pokémon. Le principe est simple : vous sélectionnez des boosters à ouvrir, vous découvrez cinq cartes dont potentiellement une ou plusieurs cartes (très) rares.

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La recette fonctionne : plus de trente millions de joueurs auraient déjà téléchargé le jeu durant les neuf premiers jours du lancement de l’application. Les gens s’évertuent à collectionner toutes les cartes ou encore à créer le deck le plus puissant pour faire des combats “Versus”.

En plus de bien fonctionner, le jeu rapporte. Certes, le jeu Pokémon TCG Pocket est un “free-to-play”, disponible gratuitement sur le Play Store (Android) et l’iStore (Apple), mais c’est aussi un jeu qui intègre des microtransactions monétaires. Or c’est pour cette raison précise que si vous vous rendez sur l’iStore ou le Play Store belge, vous ne réussirez pas à télécharger Pokémon TCG Pocket.

La loi “anti-loot boxes” de nos voisins belges

Mais alors pourquoi nos amis belges ne peuvent-ils pas partager avec le monde entier cette expérience excitante d’ouverture de boosters ? Eh bien c’est dû à une “loi anti-loot boxes” instaurée en 2018 par la Commission des jeux de hasard belge. Les “loot boxes” sont des sortes de “paquets surprises” présents dans de nombreux jeux à microtransactions ; vous les obtenez le plus souvent avec de l’argent réel et lorsque vous les ouvrez vous pouvez obtenir, de manière aléatoire, un élément dudit jeu vidéo : un accessoire, un élément de gameplay, un personnage, un cosmétique, ou encore… une carte Pokémon.

Également instaurée aux Pays-Bas, cette interdiction des “loot boxes” dans les jeux vidéo n’est pas vraiment une loi à part entière mais plutôt une interprétation moderne de ce qui est considéré par la Commission comme un “jeu de hasard”.

De fait, si un jeu vidéo possède cette mécanique de “loot boxes”, il tombe sous le coup de la juridiction des jeux de hasard et ne peuvent donc pas être proposés ainsi librement au public, qui plus est à des joueurs mineurs. Aux yeux de la loi belge, “les opérateurs [les éditeurs des jeux vidéo en question, ndlr.] risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 800 000 euros” – avec un doublement de peine si cela est accessible aux personnes mineurs.

Depuis l’instauration de cette loi en 2018, les éditeurs de jeux vidéo ont adopté leur stratégie. Certains titres restent disponibles en Belgique mais sans intégrer le système de “loot boxes” (le mode FUT de FIFA), d’autres ont modifié drastiquement leur système pour que ce ne soit plus considéré comme du hasard (Counter-Strike), tandis que certains autres jeux sont tout simplement interdits et inaccessibles sur le territoire belge. Et vous l’avez compris : Pokémon TCG Pocket a rejoint cette liste des jeux indisponibles en Belgique – et aux Pays-Bas également pour les mêmes raisons.

Des mécaniques addictives et prédatrices

Sur Reddit, certains utilisateurs se plaignent, voire demandent des conseils pour pouvoir jouer à PTCGP depuis la Belgique. La réponse tient d’ailleurs souvent en trois mots : utilisez un VPN. On se demande alors pourquoi le développeur du jeu, Creatures, Inc., n’a pas choisi de sortir le jeu en Belgique et aux Pays-Bas en y enlevant toute possibilité de monétiser les achats de boosters, considérés comme des jeux de hasard et de pari. La réponse est simple : parce que ça ne rapporte rien.

Pokémon TCG Pocket est un “gacha”, un jeu qui joue justement sur la frustration de ne pas pouvoir “jouer” plus. Ce genre de jeu vidéo intègre des mécaniques prédatrices pour inciter les gens à dépenser de l’argent. C’est assez simple : durant les premiers niveaux/jours, le jeu apparaît extrêmement généreux et vous “offre” des monnaies virtuelles pour augmenter drastiquement votre nombre de boosters. Mais une fois l’euphorie du début passée, votre quotidien de joueur gratuit sur PTCGP se résumera globalement à ne pouvoir ouvrir que deux boosters par jour – contre 15 boosters le premier jour.

Et c’est là que le jeu vous prend, vous devrez passer à la caisse pour obtenir plus de cartes. Le jeu joue sur votre “fear of missing out” (FOMO), la peur de manquer une occasion. Un ami a obtenu le Pikachu couronne mais pas vous ? Payez ! Chez Konbini, dans notre discussion commune de “dresseurs”, nous en voyons déjà les effets, entre ceux qui restent free-to-play et ceux qui “ne comptent plus” :

On estime qu’en seulement trois semaines Pokémon TCG Pocket aurait déjà généré 120 millions de dollars ! Une minorité de joueurs ne mettent pas d’argent mais le jeu s’appuie aussi sur les “whales”, ces joueurs compulsifs capables de dépenser des sommes folles. Par exemple, pour ceux qui veulent collectionner toutes les 286 cartes (dont 60 très rares) du premier set d’extension proposé, sachez qu’un joueur s’est déjà vanté d’avoir réussi sur Reddit. Il a investi 1 500 dollars. À bon entendeur.