Cet article a d’abord été publié dans notre newsletter Fast Forward le 12 octobre 2023.
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L’Internet des forums, celui des flux RSS, a probablement sa place au musée et n’est plus que bribes de souvenirs pour trentenaires ayant connu la bande passante qui prend fort son temps. Mais un bel endroit de ce monde d’avant, comme un microcosme bien vivant sous un caillou, vivait encore sa belle vie grâce à ses utilisateurs.
Cet endroit, c’est Discogs, mélange entre Wikipédia et Amazon, où des amateurs de vinyles – de ceux qu’on écoute, pas de ceux qu’on affiche au mur – échangent et recensent leurs disques, souvent rares ou oubliés. La plateforme, qui sent bien l’an 2000, comme la date de sa création, est une mine d’or, et pas seulement pour faire du business.
Parce que, comme le rappelle The Verge dans son papier titré “Discogs’ vibrant vinyl community is shattering“, pour vendre un disque sur la plateforme, il faut, s’il n’y existe pas déjà, l’entrer dans une base de données ultra-documentée, avec les crédits complets. On peut donc y retrouver, grâce à cette bibliothèque participative, des tas de bizarreries et autres trésors. Mais le plaisir de retrouver l’édition japonaise d’un EP d’un groupe de rap obscur des 90’s est en péril.
En péril parce que l’ADN de Discogs à base de liens bien bleus sur fond blanc n’est pas du goût de l’économie actuelle. Depuis des mois, les conditions de vente sur la plateforme – qui justifient ces travaux pharaoniques d’archivage – ont changé. La plateforme se bat donc, à coups de frais de port et autres marges, contre ses utilisateurs, utilisateurs qui sont les poutres et fenêtres du précieux site.
Ventes en chute pour les revendeurs – parfois professionnels – du monde entier, fin du “digging” bien nerd des potentiels acheteurs, les utilisateurs fuient petit à petit Discogs. À l’heure où les vinyles de nouveaux albums se vendent par milliers pour décorer nos intérieurs et où Spotify annonce une nouvelle formule “premium”, Discogs devrait rester ce qu’il est, ou risque de couler, comme une bibliothèque d’Alexandrie bâtie à la force du sillon par une bande de nerds.