J’ai déjà passé 100 heures sur Zelda: Tears of the Kingdom mais il m’en faudra trois fois plus

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J’ai déjà passé 100 heures sur Zelda: Tears of the Kingdom mais il m’en faudra trois fois plus

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Par Pierre Bazin

Publié le , modifié le

Chef-d’œuvre à part entière ou digne suite de son prédécesseur, on cherche ensemble la réponse mais on ne l’a évidemment pas.

Dans le monde du jeu vidéo, il y a la hype et il y a LA HYPE. Il y a d’abord l’attente, classique, d’une communauté de joueurs impatients d’en découdre avec le énième titre d’une franchise maintes fois revisitée. Cela va de Cyberpunk 2077 à Diablo IV, en passant par le dernier Elden Ring ou encore le prochain Counter-Strike 2.

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Et puis il y a la hype, la vraie, celle qui déchaîne les foules, qui fait ouvrir les Micromania à minuit le jour de la sortie d’un jeu. À ce panthéon vidéoludique, peu de dieux peuvent prétendre : GTA VI, The Witcher 4, The Elder Scrolls VI et, bien sûr, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom. En 2017, Breath of the Wild avait réussi le triple exploit de donner à la Switch une exclusivité de taille, de révolutionner une franchise de plus de trente ans et de sortir un jeu considéré aujourd’hui par beaucoup (moi inclus) comme un “chef-d’œuvre”.

Ça vous rappelle quelque chose ?

Autant vous dire d’emblée que quand j’ai eu l’immense privilège de pouvoir tester Tears of the Kingdom (TotK) avant sa sortie, j’ai rendu bon nombre de collègues jaloux. Je suis un fan inconditionnel de la franchise Zelda depuis mes premiers émois sur Link’s Awakening, et depuis, j’ai poncé l’intégralité de la saga considérant notamment The Wind Waker et The Minish Cap comme mes madeleines de Proust.

En 2017, Breath of the Wild m’avait mis une gigantesque claque, me secouant dans tous mes principes tout en me privant de nombreuses heures de sommeil. Alors, à l’E3 2019, lorsque la suite de Breath of the Wild a été annoncée, je savais que ça allait être bis repetita. J’étais encore loin du compte : ces dernières semaines de test, j’ai perdu toute notion sociale.

Ce test ne comporte aucun spoil, à l’exception de ce qui a déjà été montré dans les trailers et annonces officielles en amont de la sortie du jeu.

The re-Legend of re-Zelda

Tears of the Kingdom est la première vraie suite dans toute la franchise Zelda. Les puristes invoqueront bien sûr Majora’s Mask comme la suite directe d’Ocarina of Time mais le jeu se situe dans un monde parallèle (Termina) au premier opus. Ici, TotK assume les éléments vus dans BotW et, surtout, il les fait évoluer.

C’est agréable de savoir qu’on n’a pas tout fait pour rien pendant des dizaines, si ce n’est centaines, d’heures : Hyrule a été une première fois sauvée et vos compagnons sont au courant, vous êtes déjà le “Héros Légendaire”. Enfin un peu de reconnaissance pour avoir vaincu le Fléau et sauvé Zelda. Vous êtes son protecteur, les gens le savent, vous respectent, vous acclament même parfois, et ça change des fastidieux dialogues répétitifs de présentation nécessaires à tous les inconnus rencontrés en post-coma dans BotW.

Eh oui, tout le monde est de retour…

Parlons des autres, d’ailleurs – qui sont tout sauf l’enfer, bien au contraire. Il y a des gens dans TotK, plein de gens. Là où le sommeil de cent ans de Link dans BotW avait fait perdre quelques notions de sociabilité à notre éternel héros mutique, sa suite directe nous présente un Hyrule bien plus vivant. Vous retrouvez bien sûr la plupart des personnages des précédents épisodes, mais ces derniers ont grandi, ils ne vous ont pas attendu : ils ont de nouvelles responsabilités, des problèmes, des pouvoirs, des ambitions même.

Enfin un peu d’organisation.

Il y a davantage de villages, de PNJ, de vie tout simplement. Hyrule a déjà entamé sa reconstruction depuis le passage du Fléau dans BotW et on croise de la civilisation à chaque coin de prairie ou de ravin. On le voit dans la moindre quête secondaire (oui, il y en a beaucoup, oui, elles sont globalement toutes géniales), dans la moindre trame narrative, qu’elle soit intégrée à l’histoire principale ou complètement annexe.

CuriousCarte

Si Breath of the Wild incitait au voyage, à découvrir l’immensité de l’environnement qui nous entoure, Tears of the Kingdom vous invite à une profonde exploration. On sait que c’est une suite car l’immensité de la carte nous est déjà plus familière. Il convient donc d’aller maintenant visiter le moindre recoin.

Hyrule a eu le droit à son petit relooking : de la tête aux pieds, enfin du ciel à la terre, dirons-nous. Comme annoncé, les cieux sont désormais emplis d’îles célestes, nous permettant des voyages aériens toujours très agréables qui nous rappellent de bons souvenirs sur Skyward Sword. Le vol n’a rien de compliqué, il est même très naturel, sans fioritures, et on le préfère même ainsi.

Mais le reste de la carte n’est pas en reste puisque la mystérieuse apparition d’entités dans le ciel a eu des conséquences sur le plancher des vaches. Débris, destructions, dommages plus ou moins importants, il y en a pour tous les yeux et tous les curieux. Même ce qui n’a pas foncièrement changé dans le décor par rapport à BotW a eu le droit à un rafraîchissement, tout est plus net, détaillé.

L’immensité de la map est difficilement descriptible sans spoiler, mais sachez qu’elle est bien plus vaste, dense et profonde que celle de BotW car c’est désormais dans la moindre irrégularité qu’il faut aller fouiller pour découvrir un nouveau lieu, un nouvel élément de lore ou tout simplement récupérer un item. On a le vertige, on a de la claustrophobie, la folie de l’alpinisme ou encore des idées de grandeur.

Ne me demandez pas comment j’en suis arrivé là.

BotW nous avait appris la liberté de déplacement, TotK la transforme en une exigence de curiosité.

J’irai au bout de ces devs

Vous savez ce qu’il y a de pire dans un jeu vidéo en open world ? Les faux choix. Ces mondes ouverts qui prennent le joueur par la main pour qu’au bout du compte, il fasse d’abord cette zone, puis aille battre ces ennemis, ait le niveau pour battre ce boss-là et enfin atteindre cette zone-ci. Il n’y a rien de plus frustrant qu’une fausse liberté.

La force de Breath of the Wild, c’était de ne pas avoir un dev constamment au-dessus de chacun de nos actes. Nintendo avait réussi à proposer une expérience nouvelle d’exploration, non linéaire, sans qu’on ait jamais vraiment l’impression qu’il soit requis d’aller dans un endroit plus que dans un autre.

La force de Tears of the Kingdom, c’est qu’on a carrément l’impression de tordre le bras aux développeurs, de faire ce qu’ils ne veulent pas. Si échapper au control freak des devs est déjà une belle chose, leur désobéir est un tout autre niveau de jouissance vidéoludique.

Et cela passe particulièrement par les nouveaux pouvoirs. Nous passerons rapidement sur “Amalgame”, qui permet de fusionner les armes, les flèches ou encore votre bouclier avec absolument tous les éléments du décor et de votre inventaire. L’option est chouette sans être particulièrement innovante, ce n’est pas celle qui marque le plus. Idem pour “Rétrospective”, qui fait retourner à leurs emplacements initiaux les objets mouvants, aptitude circonstancielle dont il est toujours chouette de se rappeler lors d’énigmes sans pour autant bouleverser tout le jeu.

“Infiltration”, en revanche, change déjà la donne avec la capacité de pouvoir “plonger” et traverser directement une surface plane située au-dessus de nous. La verticalité du jeu prend ainsi tout son sens car ce sont de nouveaux réflexes à avoir dans son exploration.

Ça a l’air de pas marcher comme ça mais en fait si.

Mais c’est surtout “Emprise” qui apporte la vraie révolution de Tears of the Kingdom. Le pouvoir de “colle”, comme on l’a vite surnommé, permet toutes les fantaisies. Cela commence par quelques rondins de bois pour avancer le long d’une rivière et progressivement, vous vous rendez compte des possibilités infinies qu’offrent ces nouvelles compétences. Tout est (quasiment) possible et je n’ai qu’une hâte : que des millions de joueurs s’y essaient et proposent les pires bizarreries.

C’est surtout un plaisir de tous les instants de se sentir mauvais élève, de désobéir aux devs parce qu’ils nous en ont donné la possibilité. On se sent presque tous speedrunners à vouloir filouter, à trouver des petites astuces ici et là avec les possibilités que nous offre un Zelda presque sandbox.

Je devais faire le tour, mais j’ai décidé que non.

A link to the fast

Et puis il y a bien sûr les véhicules.

Volants, terrestres ou maritimes, ils peuvent prendre la forme que vous souhaitez et fonctionneront une fois la physique du jeu maîtrisée – ce n’est pas entièrement le cas, même après cent heures de jeu. Ajoutez-y des armes et c’est parti pour la baston en char d’assaut.

Il est libre, Link.

Vous n’aurez de cesse de vouloir faire un meilleur véhicule, plus puissant, plus rapide, plus solide, plus léger, plus haut, plus loin. Et vous savez quoi ? Rien ne vous en empêche, même en plein combat, même dans un endroit incongru – même dans un donjon. Si vous voulez créer un hélicoptère lance-flammes au milieu d’une caverne humide, que vous avez l’idée et les ressources, just do it, comme dirait le héros de Transformers.

Et ce n’est qu’une infime partie de ce qu’il reste à découvrir. Vous allez devoir gratter pour voir tout ce que le jeu peut vous offrir. À un point, on en appellerait presque à l’aide un guide complet officiel tellement des choses nous échappent en continu. Nintendo a d’ailleurs prévu quelques mécaniques pour que vous vous y retrouviez un minimum. Mais pour la majeure partie des choses, il faudra retenir les plans, les recettes, les méthodes, les techniques et bien sûr vos astuces personnelles. Chacun le fera comme il le souhaite, trouvera son bonheur.

Grande Légende, petits détails

Il y a dans Tears of the Kingdom une armada de petites nouveautés de gameplay qui sont plus que bienvenues. Des choses qui n’étaient pas améliorables le sont désormais, les multiples collectibles ont tous plus de sens et permettent d’améliorer Link sur encore plus de mécaniques différentes, des pouvoirs aux moyens de transport, en passant par la nouvelle tablette Pru’Ha. Vous aimiez le fait de construire votre maison dans BotW ? Attendez-vous à encore mieux dans TotK.

Beaucoup de limites ont été dépassées au point que les quelques détails qui restent à régler semblent presque insupportables : oui, 64 photos maximum, ce n’est toujours pas assez !

Les sanctuaires sont également de retour. Combinés aux pouvoirs susnommés, ils sont devenus beaucoup plus agréables et moins répétitifs que ceux de BotW. J’ose même le dire : c’est un jeu qu’on a envie de 100 %. En combien de temps ? Je ne préfère pas savoir, car la durée de vie du jeu complet semble, à première vue, avoir au moins doublé.

Seuls les combats sont finalement encore “à l’ancienne”. À l’exception de quelques nouveaux monstres qui demandent des mécaniques citées précédemment, on n’est pas non plus secoués dans nos habitudes. Et en même temps, ce n’est pas si grave, car le système de combat reste très efficace. D’autant que les ennemis semblent avoir gagné en intelligence, relevant un peu le piment du défi.

La vraie plus-value est paradoxalement… dans l’histoire principale. Alors, évidemment, on ne va pas spoiler, on vous laissera découvrir, et encore une fois dans l’ordre que vous voulez, mais déjà pour bien plus longtemps que les quatre petits donjons de BotW. Il y a définitivement un renouveau côté scénario, que ce soit au niveau des personnages qui sont plus profonds, des enjeux plus complexes ou encore des cinématiques qui ne manquent pas de panache et sont nombreuses à être découvertes.

Breath of the Wild avait donné de la liberté aux joueurs mais au détriment d’une narration très éclatée. Dans Tears of the Kingdom, elle est bien plus homogène, logique et, oui, émouvante, car le titre porte bien son nom. C’est une vraie légende de Zelda, reprenant à la sauce 2023, pour novices et initiés, les grands classiques de la saga qui nous avaient un peu manqué toutes ces années, Ganondorf le premier.

La fin, quant à elle, est mille fois supérieure à celle du premier opus d’il y a cinq ans, rappelant à notre bon souvenir les plus beaux épisodes de la franchise tant elle est comparable dans sa qualité d’écriture – et de doublage, y compris en VF.

Bon, chef-d’œuvre ou pas ?

Vous savez ce qui est un chef-d’œuvre acclamé du jeu vidéo ? Red Dead Redemption, sorti en 2010, et personne ne me contredira. Sa suite, sortie en 2018, a ensuite poussé tous les potards à fond, que ce soit en taille de map, de durée de vie ou de quantité d’histoire(s) de Far West à vivre. Pourtant, on a parfois du mal à dire de Red Dead Redemption 2 qu’il est autant un chef-d’œuvre que son père. Même constat pour God of War Ragnarök !

C’est un peu le même constat qui m’est venu après m’être baladé cent heures dans Tears of the Kingdom. Le jeu est vertigineux, dans tous les sens du terme : il y a toujours quelque chose à voir, à découvrir, à vaincre. Et je n’y aurais pas passé cent heures s’il ne m’avait pas autant captivé, si j’avais ressenti la moindre once d’ennui, même avec tout l’amour que j’ai pour le premier opus et la saga en général.

Alors, oui, on regrettera quelques inévitables tares propres aux jeux Nintendo, que ce soit quelques naïvetés scénaristiques pour le garder tout public, les bâtons mis dans les roues des speedrunners ou encore les performances qui peuvent, à de rares moments, pâtir des capacités techniques vieillissantes de la Switch.

La vraie question, c’est est-ce que Tears of the Kingdom secouera le paysage vidéoludique avec la même magnitude que Breath of the Wild ? Nul n’a la réponse, ce sont les joueurs qui y joueront, découvriront leur propre aventure, leur propre style, ce qui leur plaît, ce qui leur déplaît, façonneront leurs véhicules farfelus comme ils le souhaitent, m’apprendront encore mille et une choses dont je suis passé à côté en “seulement” une centaine d’heures de jeu.

De mon côté, je prends un peu d’avance et je vous attends sur la route de Hyrule.

Note : 3 Triforce sur 3