Dans une série d’articles, le quotidien Le Monde – en partenariat avec plusieurs titres de presse européenne et le réseau de journalistes internationaux Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) – raconte le fonctionnement d’un vaste réseau d’arnaques aux cryptomonnaies.
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Des escroqueries qui débutent avec de simples publicités sur Internet, se poursuivent depuis des centres d’appels en Europe de l’Est et ailleurs dans le monde, et s’achèvent sur la perte de milliers, voire de dizaine de milliers d’euros, pour les victimes.
Fausses publicités et schéma bien rodé
Les arnaques dont parlent Le Monde et l’OCCRP partent de simples publicités en ligne. Des encarts publicitaires qui reprennent parfois les codes esthétiques de médias et sites connus, proposant une affaire exclusive et secrète qui peut rendre l’internaute riche, ou même révéler les “secrets d’affaires” de personnes fortunées et célèbres, comme Xavier Niel en France.
Une fois l’internaute ayant cliqué sur le lien, il est renvoyé vers une page vantant les mérites du trading en bitcoin. Les sites, comme Bitcoin Revolution ou Bitcoin Bank, cités par Le Monde, proposent aux visiteurs de s’inscrire en saisissant leurs coordonnées pour être rappelés par un conseiller. Ils promettent, au passage, de générer beaucoup d’argent, facilement.
Rapidement, un conseiller rappelle la personne et l’encourage à placer de l’argent. Dans un contrat consulté par Le Monde, passé entre une entreprise israélienne et un “donneur d’ordre bulgare”, il est spécifié que les internautes doivent être rappelés dans les 10 minutes qui suivent leur inscription.
Cela démarre par des petites sommes à investir : Clas Backman, victime suédoise d’une escroquerie de ce type, a commencé par placer simplement 250 dollars sur ce type de site. Jusqu’à, appel après appel, encouragement après encouragement, engloutir environ 20 000 euros de son argent dans cette arnaque.
Le “crime désorganisé” du Bitcoin
Les systèmes vantés par les publicités n’existent pas et les services associés, comme Bitcoin Revolution, n’ont pas d’existence légale ni de finalité concrète. Elles sont simplement les vitrines numériques de ces arnaques et servent uniquement à ramener les internautes vers ces centres d’appels spécialisés, situés aussi bien en Europe de l’Est, à Chypre, en Biélorussie, qu’en Israël.
“Cette partie de l’arnaque est à la fois industrialisée et disséminée”, écrit Le Monde, employant l’expression de “crime désorganisé” du criminologue anglais David S. Wall. En effet, les centres d’appels comme les bénéficiaires des virements, cachés derrière des sociétés écrans, sont difficilement accessibles par la justice et ne s’apparentent pas à un tout uniforme.
Les sites eux-mêmes sont mis en forme par des sous-traitants qui les construisent et les hébergent, récoltant au passage les données des clients qu’ils peuvent revendre ensuite. Se crée ainsi un autre marché parallèle, celui de l’occasion. “Je récupère les fichiers via des hackers, des call centers, des piratages de CRM [logiciels de gestion de clients]”, explique au quotidien français un revendeur indépendant au Bangladesh, qui propose ces fichiers de données, contenant noms et numéros de téléphone, à la vente sur YouTube ou LinkedIn.
In fine, les personnes comme Clas Backman ont une chance proche de zéro de revoir leur argent, celui-ci traversant trop vite les frontières et les maillons de la chaîne étant trop nombreux. Il explique en revanche recevoir encore jusqu’à quatre appels par jour pour lui proposer d’investir dans d’autres “systèmes”, de nouvelles arnaques.