Arthur Perticoz, le CEO préféré du CEO préféré de la Karmine Corp

Arthur Perticoz, le CEO préféré du CEO préféré de la Karmine Corp

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Photographe : Maxime P. (Source : Instagram)

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Par Pierre Bazin

Publié le

L’histoire d’un startupper qui n’aimait pas la start-up nation, d’un fan de communautés qui s’est mis à leur service.

Lorsque vous entendez un fan d’e-sport français parler de “My CEO” (“mon PDG”), il y a de très fortes chances qu’il fasse référence à Kameto, le célèbre streamer et fondateur de la structure Karmine Corp. Depuis sa création en 2020, la “KC” s’est imposée dans le paysage pourtant déjà bien chargé de l’e-sport européen et même mondial.

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Pourquoi ? Eh bien déjà parce qu’en seulement quatre ans, les différents “rosters” KC ont délivré d’excellentes performances à travers le globe sur des jeux comme Rocket League, Teamfight Tactics et bien sûr sur celui qui jouit de la plus grande scène compétitive : League of Legends, mais aussi (et surtout) parce que la KC c’est une gigantesque communauté de fans.

À chaque match de la KC, ce sont des centaines de milliers de supporters qui se rassemblent sur le stream Twitch de Kameto. La KC vit aussi “IRL”, en remplissant ses “arènes” à Évry-Courcouronnes et également Paris La Défense Arena avec les “Karmine Corp Experiences”. Le dernier en date, le KCX 4, se tient justement dans la gigantesque salle de Nanterre le 9 novembre 2024.

C’est dans ce contexte qu’on a rencontré Arthur Perticoz, le “vrai” CEO officiel de la Karmine Corp depuis 2022. Après qu’il nous a fait visiter PLDA en amont du KCX4, le jeune “entrepreneur” nous a accordé un peu de son temps dans son calendrier très chargé.

“J’ai connu le bazar qu’est l’organisation d’évènements”

Pour le jeune PDG de 34 ans, tout commence évidemment avec le jeu vidéo : “On a toujours été très high-tech dans la famille”, nous raconte-t-il. “J’ai eu la chance d’avoir un père qui sacrifiait beaucoup pour m’acheter ma petite console et la première, c’était soit la Game Gear, soit la Game Boy.”

À mesure que les années passent, le jeune Arthur commence aussi à jouer sur le PC, sur lequel il découvre notamment StarCraft. Le jeu de stratégie est un des pionniers de l’e-sport (notamment en Corée du Sud). On pourrait commencer à deviner une histoire folle où le petit Arthur rêvait déjà d’une carrière de pro-gamer à succès. Pas du tout. Il découvrira l’e-sport plus tard, notamment avec l’ascension vertigineuse de League of Legends. Ah, en revanche, il était dans le Top 10 000 mondial sur FIFA 14 à l’époque.

Arthur Perticoz a plutôt le profil du “touche-à-tout” couplé à un don de Midas évident. Avec une réelle humilité, il raconte son parcours scolaire : prépa ENS, licence AES, master de droit, il enchaîne avec le Celsa puis Sciences Po Paris. En bref, son parcours scolaire en fait le parfait gendre mais ce n’est pas forcément les cours qu’il retient particulièrement de ses trois masters au total :

“Ma première boîte, c’était de l’événementiel ! En fait, j’étais président du BDE du Celsa et j’avais vu le bazar de l’organisation d’événements étudiants : les agences déconnectées, les propriétaires de salle récalcitrants, etc. On a créé notre propre agence de conseil et d’événementiel destinée à aider les assos étudiantes. Bon je peux le dire maintenant [rires], l’argent de l’événementiel, ça m’a permis de payer en cash mes frais d’inscription à Sciences Po Paris.”

En tout cas, on sait que quelques années plus tard, Arthur devra gérer l’événementiel du KCX 3, notamment lorsqu’il a été appelé par la préfecture et la police car le show de 2023 avait largement débordé sur les horaires prévus pour cet événement de grande ampleur. “On a payé l’amende, c’est bon !”, plaisante-t-il avec nous lors de la visite.

“Je ne crois pas en la start-up nation”

La carrière d’Arthur Perticoz est l’exemple parfait du trentenaire self-made. Il a un parcours sans faute qui peut lui valoir, avec le bon storytelling, sa parfaite séquence dans un podcast d’entrepreneur. D’ailleurs, c’est justement via le monde des podcasts qu’Arthur a commencé à se faire un nom.

En effet, après être passé par l’événementiel et même des solutions SaaS pour la restauration (il est touche-à-tout, on vous dit), Arthur va fonder la société de podcasts Majelan avec son associé Mathieu Gallet — ancien président de Radio France. “Ça existe toujours d’ailleurs !”, précise-t-il fièrement.

Avec une levée de fonds de 10 millions d’euros ainsi qu’un angle éditorial de podcasts très axés “développement personnel”, il y a là l’aventure rêvée d’un start-upper. Pourtant, Arthur ne semble pas porter dans son cœur le modèle de la “start-up nation” et il insiste pour nous en parler :

“Je suis un peu start-upper à mon corps défendant ! Je ne crois pas au modèle de la start-up, je ne suis pas pour la destruction de la protection de l’emploi ou même du Code du travail… Je ne veux pas que tout le monde soit en free-lance. On est un peu obligé aujourd’hui de fonctionner comme ça, mais je ne souhaite pas que ce soit un modèle de société.”

Fort de ses succès, il finit par croiser la route de Kameto. Nous sommes fin 2022 et la Karmine vient de remplir l’Accor Arena de Bercy avec le KCX 2. La rencontre entre Arthur et Kameto se fait très vite et le courant passe très bien.

“Moi, je suis un addict à Twitch depuis longtemps. Je regardais déjà Kamel à Eclypsia [2015-2016, ndlr.], quand je l’ai rencontré, je lui ai dit que j’étais dans son tchat quand son appart s’est fait inonder en plein Mario Party. Il a compris que je ne venais pas de nulle part.”

C’est ainsi qu’après avoir revendu Majelan, Arthur Perticoz rejoint la Karmine Corp en tant que directeur de la structure.

“Le CEO préféré de leur CEO préféré”

On vous le disait au début : le titre de “CEO” de la Karmine Corp est directement associé à Kameto pourtant c’est bien Arthur Perticoz qui est le directeur général. “Il y a le folklore et il y a le légal, le managérial !”, précise-t-il en s’amusant beaucoup de la situation.

Côté folklore, il y en a beaucoup à la Karmine et Kameto ne manque pas d’attiser la flamme de ses supporters et ultras en aspirant aux plus hautes montagnes de l’e-sport et notamment les Worlds de League of Legends, la plus grande compétition e-sport au monde.

“Moi je crois toujours dans l’esprit shōnen ! Oui, je dis shōnen ; “kaizen”, c’est pour les jeunes [rires] ! Ce qui est marrant, c’est que Kameto n’a jamais mentionné expressément l’esprit shōnen comme un axe directeur. Ce n’est pas notre business plan !”

Un des clichés auxquels on pourrait penser en rencontrant Arthur Perticoz, c’est qu’il serait le serious guy de la KC, un homme plus mûr, arrivé à temps pour calmer les ardeurs fantasmagoriques des créateurs de contenu comme Prime ou Kameto. Il n’en est rien. Certes, Arthur Perticoz garde la tête sur les épaules et s’occupe de sujets très pragmatiques comme le financement de la Karmine ou encore le recrutement interne. “Quand je suis arrivé, il y avait deux employés”, nous confie-t-il.

Toutefois, les fondateurs de la Karmine Corp sont eux aussi bien au fait et surtout à l’écoute de leur communauté massive.

“Le truc qui me bluffe le plus avec eux [Prime, Kameto, Kotei, ndlr.], c’est qu’ils ont développé une formidable connaissance de leur communauté. Ils savent ce qui marche ou pas. Et honnêtement, les rares fois où j’ai un peu “forcé” avec une de mes idées, à chaque fois, c’est parti en couille ! [rires]

“J’ai toujours adoré les communautés qui sortent de nulle part”

Enfant des années 1990 biberonné à Pokémon, Seigneur des Anneaux et Hunter x Hunter, Arthur est un passionné de “communautés”. L’idée que des gens puissent se rassembler, partager et même créer autour d’une même passion est un moteur essentiel pour le directeur de la KC.

Les fans Karmine sont nombreux, très nombreux même et surtout ils sont très motivés pour soutenir leur club bleu. Ils incarnent la plus grosse communauté de fans e-sport en Europe, si ce n’est au-delà. Cela a toujours été dans l’ADN du club, Kameto étant lui-même un grand fan de football, il a toujours souhaité retranscrire cette mentalité “ultra” dans l’e-sport.

Pourtant, si le jeu vidéo est désormais une culture légitime et même dominante, l’e-sport reste encore une niche. Une grosse niche certes, mais qui n’a pas encore atteint le même statut de légitimité que les sports populaires — à l’exception peut-être de la Corée du Sud.

“C’est mon impression chaque matin quand je me réveille : l’e-sport, c’est gros et en même temps, c’est pas si gros. C’est puissant mais pas solide. C’est populaire mais pas encore mainstream. On est dans ce genre de paradoxe et c’est génial d’y participer. L’eau ne frémit pas, elle bout mais est-ce que les pâtes sont cuites, je ne suis pas sûr.”

C’est d’ailleurs une des missions d’Arthur Perticoz qui rencontre des acteurs y compris institutionnels importants. Rendre l’e-sport le plus mainstream possible auprès du (nouveau) public et même des décisionnaires. “Ce serait anormal que le Président du pays ne connaisse pas la Karmine Corp par exemple !” explique-t-il.

  1. Ces communautés solides mais éparpillées, Arthur veut les connecter : “On veut faire de la Karmine l’antre des connexions entre les niches, c’est pour cela qu’on va chercher des commentateurs du catch pour animer le KCX 4”.

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Qui dit grosse communauté dit également gros enjeux et surtout grosses responsabilités. Arthur en a bien conscience.

“Quand je voyais sur les tchats espagnols, lors de nos rencontres avec KOI [l’équipe e-sport rivale de la KC, fondée par le streamer espagnol Ibai, ndlr.], des émojis “singe” quand notre joueur métis Saken arrivait sur scène, je me dis que le problème est partout et parfois bien pire ailleurs. Pour autant, ça ne doit pas nous dédouaner de poser des limites chez nous aussi.”

Le côté “politique” d’une communauté aussi massive, le PDG l’assume entièrement et entend bien partager ses valeurs d’ouverture d’esprit :

“Moi, j’ai vu des gens chanter leur amour de la Karmine et danser dans les tribunes ensemble, avec des jeunes femmes et des jeunes hommes trans, avec des personnes musulmanes, athées, etc, des personnes en situation de handicap, avec toutes les couleurs de peau collées entre elles. Il y a une vraie diversité et des valeurs d’acceptation de l’autre dans cette communauté.”

Quand on lui demande si le projet Karmine est celui dont il est le plus fier, le trentenaire n’hésite pas une seconde :

“J’ai eu la chance de créer des projets avec beaucoup moins d’impact que la Karmine mais je sais aussi que ces projets, ils ont une date de péremption. J’espère que ce ne sera pas le cas de la KC et que ce sera encore là dans 50 ans comme le Real Madrid ou Manchester United”