Près d’une rizière sud-coréenne, Kang Chang-hyeon, 18 ans, s’entraîne sans relâche pour défendre son titre de champion du monde, peut-être pour la dernière fois. Car dans sa discipline, la course de drones, on prend souvent sa retraite avant même d’avoir fait son service militaire. Le “FPV racing”, soit course en “First Person View” (ou “pilotage en immersion”), est un art qui exige des qualités qui, malheureusement, ne se bonifient pas avec les années.
Au top départ, Kang et ses trois camarades font partir leurs drones dans le vrombissement caractéristique de ces quadricoptères qui franchissent ensuite à une vitesse fulgurante les obstacles placés sur ce circuit de Hwaseong, au sud de Séoul.
Bien calés dans leurs sièges, les quatre pilotes sont immobiles, à l’exception de pressions presque imperceptibles de leurs doigts sur les manettes de contrôle. Dans leur bulle, ils semblent hypnotisés par la conduite du bolide volant, qu’ils pilotent comme s’ils étaient “à bord”, grâce à un casque de réalité virtuelle.
Trois tours de circuit, soit une minute plus tard, la course est finie et l’heure est déjà au débriefing dans une tente voisine, où pilotes, entraîneurs, techniciens et même parents épluchent les données de vol. Comme en Formule 1, la course de drones implique non seulement de grandes qualités de pilotage, mais aussi, derrière, une ingénierie de haute volée.
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Jusqu’à 170 km/h
Les machines de course sont fabriquées et customisées par les pilotes et leur équipe, et peuvent atteindre les 170 km/h. Les courses sont souvent si serrées que les écarts se mesurent au millième de seconde. Performer implique des réflexes à toute épreuve, une acuité visuelle hors norme, et de longues heures d’entraînement.
Kang a seulement 18 ans, mais il sent qu’il est déjà sur la pente descendante face à une jeune génération de compétiteurs, dont certains sont encore à l’école primaire, qui ne tarderont pas à être beaucoup plus affûtés que lui. “C’est au début et au milieu de votre adolescence que ces qualités sont les plus développées”, confie le pilote.
Face au déclin “inévitable” de ses réflexes, Kang n’exclut pas de devoir raccrocher les manettes avant ses 20 ans. Ce “sera dur de rivaliser avec eux quand je serai adulte”, dit-il. “Je ne tiendrai peut-être pas au-delà de cette année.”
Il est déjà dans la mire de la jeune Jeong Ryeo-won, 12 ans. “La première fois que j’ai rencontré Kang Chang-hyeon, j’étais en admiration totale, c’était comme dans un rêve”, raconte-t-elle après une compétition dans le comté de Hadong.
“Le sang-froid est capital”
Aujourd’hui, elle espère “vraiment” le battre : “C’est mon modèle, alors j’espère l’affronter aux championnats du monde, et gagner”.
Cela ne faisait que trois ans que Kang avait piloté son premier drone quand il est devenu champion du monde en Chine en 2019. “Le sang-froid est capital car la victoire peut se jouer sur une décision à prendre en une fraction de seconde”, dit-il. “L’essentiel est de rester calme, même si quelqu’un est devant vous, pour minimiser les erreurs.”
Le lycée de Kang dans le comté rural de Hongseong a cherché à capitaliser sur la réussite de son élève en se posant en établissement spécialiste des drones proposant des leçons de pilotage, avec Kang pour ambassadeur.
Mais la satanée pandémie l’a malheureusement empêché de défendre son titre quand il était selon lui au top de sa forme car la Fédération aéronautique internationale, institution établie à Lausanne qui chapeaute les sports aériens, a dû annuler les championnats du monde en 2020. “J’aurais pu très bien me débrouiller l’année dernière”, regrette-t-il.
Un avenir dans l’armée ?
Comme tous les Sud-Coréens, Kang devra en passer avant ses 30 ans par un service militaire d’environ 18 mois, son pays étant toujours techniquement en guerre avec Pyongyang. Son entraîneur Kim Jae-hong veut croire que les aptitudes de Kang seront très utiles à la défense nationale.
Avec 555 000 soldats, l’armée du Sud est en infériorité numérique face à celle du Nord, qui est forte de 1,28 million de militaires. Mais sa supériorité technologique est écrasante, y compris dans le domaine des drones. Le ministère sud-coréen de la Défense affirme avoir une flotte de 800 engins.
“Les missions d’observation consistent à contrôler un drone avec une liaison vidéo en direct, ce qui est la même chose que la course de drone”, dit l’entraîneur. “Kang et les autres pilotes peuvent rendre de précieux services, tout en entretenant leurs compétences.”
Konbini Sports avec AFP