Le twerk est un mouvement avant d’être une danse. Il a plein d’origines différentes. Beaucoup de gens qui se posent des questions identitaires assez fortes (trans, queer…) le pratiquent, hors des gens qui sont dans ce rapport duel hommes-femmes.
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Fannie Sosa complète :
C’était avant tout une danse diasporique, une manière pour les populations qui le pratiquent de se rassembler, de se rebeller. Comme le blues, le fado, le baile funk, le voguing ou d’autres productions de minorités issues du commerce triangulaire, dispersées de force en périphérie des grandes villes des pays développés .
On est loin du cliché de la femme-objet couramment véhiculé par certains clips de hip-hop.
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Originaire d’Argentine, Fannie a découvert le twerk à Paris il y a trois ans. Des amies danseuses l’ont initiée lors d’un concert de Katey Red, rappeuse transgenre et tête d’affiche de la bounce music, un courant musical typique de la Nouvelle-Orléans.
Pour elle, la révélation a été immédiate :
Je savais que c’était quelque chose de fou, mais je ne savais pas mettre de mots dessus. C’était comme mettre un prisonnier à l’air libre, libérer quelque chose.
Depuis, Fannie ne s’est jamais arrêtée. C’est en enseignant le twerk aux autres qu’elle prend peu à peu conscience de son pouvoir émancipateur. Libérer le corps et l’esprit des tensions, mais aussi se libérer du regard des autres. Pas n’importe quel regard : le regard hétérosexuel et masculin, celui qui sexualise et parfois culpabilise la femme, ce gaze (“regard”, en anglais) théorisé par la critique de cinéma anglaise Laura Mulvey dans son “Visual Pleasure and Narrative Cinema“.
“Une excuse pour faire passer un message”
Les twerkshops, c’est aussi une excuse pour faire passer un message. On parle de féminisme de première, deuxième, troisième génération. De la ville en tant qu’espaces phalliques et espaces yoniques [“yoni”, en sanskrit, désigne les organes génitaux ndlr].
La ville comme espace (trop) masculin et lieu de lutte des genres : une théorie largement étudiée dans les gender studies et les réflexions sur l’urbanisme.
Ouvrir ses chakras
Il y a des gens qui ont des épiphanies. On a des couples qui se forment pendant l’atelier, des personnes qui retrouvent un nouveau souffle sexuel et amoureux. On l’associe vachement à quelque chose de club, à une culture jeune et ghetto, mais il y a vachement de médecines traditionnelles holistiques comme le qi gong ou le yoga qui se baladent là-dessus. Le twerk te permet d’ouvrir tes chakras.
Grâce aux twerkshops, les danseurs, quel que soit leur sexe ou leur orientation sexuelle, restaurent leur image de soi et découvrent un rapport au corps souvent négligé en Occident.
“Le twerk n’appartient pas aux clips de rap”
La sauce prend. Fannie Sosa et Poussy Drama sont sollicitées par de nombreux médias, mais choisissent leurs interlocuteurs avec parcimonie. Hommes et femmes de tous âges participent aux twerkshops. Le succès est tel qu’elles reçoivent parfois des requêtes insolites. Une femme leur a demandé d’organiser un atelier pour l’anniversaire de sa fille… de 3 ans.
Sur l’image actuelle du twerk dans les médias, notamment via la culture rap, les deux artistes sont lucides. Elles tiennent à rappeler les origines queer et subversives de ce mouvement et leur donner plus de visibilité grâce aux twerkshops, comme le rappelle Poussy Draama :
Le twerk appartient à ceux qui le pratiquent, pas aux médias, aux clips de rap ou à une culture misogyne. On sait que ça existe, l’image de la femme-accessoire dans les clips. Mais le twerk existe aussi sous d’autres formes. On propose un panorama plus large et plus réaliste. Il y a des mecs et des meufs qui twerkent, mais qui parlent et réfléchissent, qui sont en action dans le monde.
Qui l’eût cru ? Une pratique, érigée par certains en étendard de la misogynie, devenue un outil d’émancipation féminine et de promotion du love ? Il s’agit bien de cela pour Fannie Sosa et Poussy Draama. Miley Cyrus n’a qu’à bien se tenir.
Le prochain twerkshop aura lieu le 17 avril à Paris. Inscriptions sur Facebook.