Voyages, sorties, expériences : la génération des “millennials” privilégie les services à l’achat de biens matériels et commence à modifier visiblement l’économie.
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On sait depuis quelques années maintenant que le portrait-robot économique du millennial, ce jeune né entre les années 1980 et l’an 2000, n’a strictement rien à voir avec celui de ses aînés. Enfant de la crise financière, nourri au lait amer de la désillusion, le millennial est en train de se bâtir un système de valeurs à l’opposé de celui qui faisait jusqu’au XXIe siècle figure de dogme.
“Choose life. Choose job. Choose a career. Choose a family. Choose a fucking big television”, écrivait Irvine Welsh, en 1993, dans son roman Trainspotting. Tout ça, c’était bon pour les années 1990. Les jeunes d’aujourd’hui, privilégiant la richesse de l’expérience aux totems matériels, choisissent le voyage et les loisirs plutôt que la belle bagnole et l’écran plasma. Et ils commencent, doucement, à modeler une nouvelle économie.
Le site Bloomberg a décelé les prémices tangibles de la révolution à venir dans les résultats boursiers de 600 entreprises européennes entre 2011 et 2016 en étudiant l’index Stoxx 600, qui voit les sociétés de service de loisirs et de voyage – des “fournisseurs d’expériences” – créer l’écart avec les marchands de biens de consommation. Selon Sarbjit Nahal, directeur des stratégies d’investissement à la Bank of America de Londres, les secteurs économiques les plus prolifiques sont ceux qui proposent aux millennials de “former leur identité et créer des souvenirs” : événements sportifs, festivals de musique, jeux en ligne, économie partagée, voyages, streaming musical et, bien entendu, bars et restaurants. Une tendance qu’Andrew Oswald, professeur en sciences économiques à l’Université de Warwick (Angleterre), définit comme “l’économie du bonheur”.
La fin du règne de l’épargne ?
Comme l’analyse cependant Bloomberg, cette tendance, pour le moment “anecdotique”, a une autre conséquence : dans une société plus prompte à dépenser malgré la fonte du revenu moyen, difficile de mettre de côté. Selon un récent sondage, seuls 34 % des millennials à travers le monde disent avoir suffisamment épargné à la fin du mois. Pour les 66 % restants, la philosophie de vie tient en quatre lettres : YOLO. Et avec un taux d’épargne historiquement bas, on a peu de chance d’assister à une frénésie de thésaurisation chez les jeunes contemporains.
Autres victimes collatérales de cette envie irrépressible de voyages, de concerts et de petits demis en terrasse : l’immobilier et l’automobile. Alors que 30 % des 25-34 ans européens sont aujourd’hui obligés de jouer les Tanguy et de revenir squatter leur chambre d’ado après la perte d’un emploi, l’accession à la propriété est de moins en moins envisagée par la génération Y qui lui préfère la location, voire son pendant communautaire, la colocation.
De même, selon un rapport de Goldman Sachs, seuls 15 % des millennials se disent tentés par l’achat d’une voiture neuve ou d’une télévision, signes extérieurs de richesse par excellence depuis l’avènement de la société de consommation de masse. En revanche, notre génération sort deux fois plus souvent (restaurant, bar, concert, etc.) que celle de ses parents. Rien de tel qu’un bon gros festival pour oublier l’absence de perspectives d’emploi.