En Chine, le système de coercition basé sur le score de “crédit social”, que le pouvoir peaufine depuis 2014, continue à étendre son ombre sur le quotidien des citoyens. Pour les 13 millions d’individus inscrits sur les “listes noires” du gouvernement (en accès libre), la vie quotidienne devient chaque année un peu plus difficile.
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Les mauvais payeurs, ou laolai, racontait le South China Morning Post en mars dernier, sont marqués du sceau de l’opprobre partout où ils vont. Ils n’ont plus le droit d’accéder au “luxe” des moyens de transport rapides comme l’avion ou le train à grande vitesse. À la fin de l’année 2018, selon le Centre national du crédit public chinois, le système avait refusé 17,5 millions de vols et 5,5 millions de trajets ferroviaires. Les endettés ne peuvent plus louer un bien immobilier à leur nom et ont énormément de mal à trouver (ou garder) du travail, sans parler de l’humiliation constante qu’ils doivent subir dans l’espace public.
D’ici à 2020, date à laquelle le Parti entend mettre en place durablement ce système dans le pays, les pouvoirs publics testent dans certaines régions un dispositif d’identification des mauvais payeurs : une sonnerie de téléphone spéciale, accompagnée d’un message d’avertissement.
Humilier une minorité pour mieux contrôler tout le monde
Selon Le Figaro, qui reprend des informations de l’agence de presse Chine nouvelle, plusieurs opérateurs téléphoniques locaux (notamment dans le comté de Guanyun, dans l’Est) ont mis en place un système qui prévient les gens qu’ils s’apprêtent à parler à une personne endettée et les exhorte à lui rappeler de rendre l’argent (oui, on en connaît d’autres qui mériteraient une sonnerie personnalisée…).
Le dispositif fonctionne depuis 2017, comme l’indique un précédent article de Chine nouvelle. Toujours selon cette source, les mauvais payeurs ne peuvent faire disparaître cette sonnerie déshonorante qu’en s’acquittant de leurs dettes. Tous les téléphones enregistrés sous leur nom seront équipés de ce système par défaut.
En Chine, plusieurs lois successives ont rendu un tel niveau de contrôle possible. Depuis septembre 2010, le pays a adopté une politique de lutte contre l’anonymat qui oblige tout acheteur de forfait téléphonique à fournir sa carte d’identité pour obtenir un numéro. Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le président Xi Jinping a fait de la lutte contre la corruption et la fraude fiscale l’une de ses priorités et pratique sans états d’âme la politique du “name and shame” (“nommer et humilier”), quitte à afficher les visages des citoyens endettés dans les salles de cinéma et à purger les hautes sphères dirigeantes de ses éléments corrompus.
Le système de score social (indépendant des listes noires) est le point d’orgue de cette politique de contrôle et de répression. Actuellement à l’essai dans différentes provinces, il permet déjà de punir ceux qui obstruent les trottoirs, traversent la rue au feu rouge, prennent les transports sans tickets, refusent le service militaire par objection de conscience ou partagent des fake news.