L’histoire ne cesse de fasciner. Quarante ans après une adaptation sur grand écran par Uli Edel, c’est au tour de Prime Video de s’attaquer au choc littéraire qu’a été (et demeure) Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… Et ce à travers une mini-série en 8 épisodes, Moi, Christiane F., chapeautée par la scénariste allemande Annette Hess.
Librement inspirée du best-seller biographique paru en 1978, cette production revisite, avec plusieurs notes contemporaines – BO, langage, costumes, etc. –, l’authentique descente aux enfers d’une jeune héroïnomane ayant grandi dans le Berlin Ouest des années 1970 : Christiane Felscherinow. Voici le parcours maudit de celle qui émut le monde, depuis sa jeunesse brisée jusqu’à un séjour en prison, en passant par la perte de la garde de son enfant.
Plongée dans l’abîme de l’addiction
Christiane passe ses premières années dans la campagne allemande de Nützen, sous le joug d’un père alcoolique, violent et abusif. À six ans, elle est brusquement arrachée au cadre champêtre, dont elle conservera longtemps la nostalgie, pour s’installer avec sa famille dans le ghetto bétonné de Gropiusstadt, à Berlin, puis au sein d’une cité HLM.
Seule, Christiane s’ennuie en grandissant dans un milieu “dégueulasse” traversé par la misère sociale. Unique moyen d’évasion : traîner avec ses potes. Une bande “cool” qu’elle chérit comme sa “nouvelle famille”. Fascinée par ceux qui osent, elle boit et s’essaie au haschich. Puis au LSD. Puis à l’éphédrine, au méthaqualone, au valium. Des drogues qui coulent à flots au “Sound”, une boîte à la mode qu’elle et ses amis fréquentent assidûment.
Prise dans la spirale, Christiane commence l’héroïne. Nous sommes en 1976. Elle a 14 ans. Accro jusqu’à l’os, l’ado tapine après l’école aux abords de la gare du “Zoo” pour payer sa came. Puis se shoote dans des squats miteux où le spectre de l’overdose plane toujours. Après plusieurs tentatives ratées, elle parvient finalement à se sevrer auprès de sa grand-mère, loin des tentations funestes. À la campagne, de nouveau.
Extrait de la série <em>Moi, Christiane F.</em>
Une biographie coup de poing
Christiane F., l’après entre lutte et rechute
L’antihéroïne qui nous avait tour à tour révoltés, attristés et subjugués en brûlant la vie par les deux bouts est encore des nôtres. Et elle doit être la première à s’en étonner. “Qui aurait cru que j’aurai un jour 51 ans”, demandait déjà la toxicomane dans Moi, Christiane F., la vie malgré tout (2013). Un livre dans lequel Christiane relate, avec son franc-parler habituel, la déchirante suite d’une existence déjà ponctuée de drames.
On y apprend que, grâce aux droits d’auteur qu’elle touche à sa majorité, la jeune femme souffle sa 18e bougie avec plus de 400 000 marks sur son compte. Elle loue un appartement à Hambourg, vit en communauté avec des musiciens. Auréolée de célébrité, Christiane devenue bohème se lance même dans le chant en formant le groupe Sentimentale Jugend. Renommée, arts et ors. Grâce à son mythe, la plus célèbre toxico d’Allemagne semble rompre avec son passé pour embrasser une vie nouvelle. Plus aisée, plus heureuse.
Christiane devenue une star, de passage à Los Angeles en 1980
Mais les fantômes d’antan guettent. Après cinq années sans héroïne, Christiane recommence à se piquer à 21 ans et enchaîne 10 mois de prison pour détention de drogue. Quelques quatre ans plus tard, elle s’envole vers une île grecque et y rencontre un homme avec qui elle vit en ermite durant six années. Sans décrocher de la drogue. Puis arrive Phillip, son soleil, dont elle accouche en 1986. Tout bascule. Christiane se range (un peu), et élève “le plus beau cadeau” que la vie lui ai offert avec l’appui des services sociaux. Elle perd définitivement la garde de son fils alors que celui-ci n’a que onze ans.
Dans sa seconde biographie, Christiane confie être atteinte d’une cirrhose, ainsi que de l’hépatite C. La faute à des excès de toutes sortes. Sans savoir combien de temps il lui “rest[ait] à vivre”, celle qui habitait de nouveau à Berlin en 2013, mais loin des démons du “Zoo”, a fondé une association d’aide aux drogués et à leurs enfants. Une manière de poursuivre, encore, le combat qui l’anime depuis son adolescence contre les funestes ravages de la dope.
Christiane à 51 ans, lors d’un débat sur l’addiction tenu à la Foire du livre de Francfort en 2013.