Alors que le Mondial du Tatouage s’apprête à réouvrir ses portes du 4 au 6 mars 2016, nous nous sommes entretenus avec son fondateur : Tin-Tin. Un artiste talentueux, porteur de la culture du tatouage en France, qui se ne cesse de se battre pour la reconnaissance de son métier.
Il faut savoir gagner la confiance de Tin-Tin. Figure tutélaire du tatouage français, magnant à la perfection les codes médiatiques et ne mâchant jamais ses mots, l’artiste aime s’amuser, et se joue souvent de ses interlocuteurs (surtout lorsque ceux-ci revêtent l’apparence de journalistes).
“Parfois, le mec commence l’interview avec une connerie que j’ai inventée. Et la deuxième question c’est encore une connerie que j’ai inventée, se vante l’homme en riant. Alors je reste hyper sérieux, et je dis: ‘Putain t’as bien fait ton boulot, mais qui est-ce qui t’a dit tout ça ?!“
Pour ce qui est des faits réels, Tin-Tin est né à Bagneux il y a cinquante ans, mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’a jamais baigné dans un environnement où le tatouage était chose commune. De toute façon, à l’époque où il grandit, c’est-à-dire dans les années 70 et 80, les rares bousilles que l’on observe en France sont souvent de petites pièces grises et imprécises, faites à la main avec une mauvaise machine (voire pas de machine du tout).
L’élément déclencheur ?
“Le jour où j’ai vu un tatouage avec des couleurs, en Italie, se souvient-il. Il n’était pas super bien fait mais il laissait présager qu’on pouvait faire autre chose. Ça m’a tout de suite fasciné.“
Émerveillé par cette découverte, Tin-Tin, tout juste majeur, s’offre son premier tatouage chez Bruno, un des plus vieux salons de tatouage parisiens. “C’était un petit diable que j’ai rapidement fait recouvrir parce qu’il était vraiment dégueulasse…, se remémore-t-il en riant. De toute façon, en général, tous les tatouages faits à l’époque, tu les recouvres parce que tu te fais tatouer des rockeurs qui sont en train de se recoiffer la banane, ou des noms de groupes genre Psychobilly !“
Mais ce qui le fascine le plus, c’est le fait de faire des tatouages
“À 16 ans, je passais la majeure partie de mon temps chez Marcel, qui était mon tatoueur à Paris, raconte l’homme. Cette ambiance, cette odeur, ce foisonnement artistique, ce bruit caractéristique… ça m’a vraiment fasciné. À tel point que je n’ai plus jamais fait que ça depuis mes 18 ans.“
La petite scène française de l’époque
Mais l’époque à laquelle débute Tin-Tin est loin, très loin de l’image que l’on a aujourd’hui de la scène du tatouage, où les salons grouillent à chaque coin de rue et où n’importe qui peut acquérir un dermographe en un clic sur Internet.
“Il fallait travailler chez des tatoueurs depuis plusieurs années, et surtout se barrer aux États-Unis ou en Angleterre pour acheter du matériel. Et puis il fallait aussi être un drôle de bricoleur pour savoir comment ces machines marchaient, comment les régler et presque comment les fabriquer “, affirme l’artiste avant d’avancer :
“Il n’y avait pas beaucoup de concurrence, on était dix. Quand tu voyais un tatouage dans la rue, tu pouvais tout de suite dire qui l’avait réalisé. Ceux qui étaient tatoueurs à l’époque, je vous le garantis, c’est qu’ils voulaient vraiment être tatoueurs. Et moi je suis devenu tatoueur à cette époque-là.”
Un style japonisant
Si Tin-Tin est aujourd’hui mondialement connu et reconnu, c’est qu’il a su se distinguer pour ses tatouages réalistes, un style peu pratiqué il y a trente ans, qui lui ont valu l’admiration de ses pairs.
“Mais aujourd’hui, niveau réalisme, je suis complètement dépassé ! La nouvelle génération fait des choses incroyables, tient-il à préciser, fier de ce que la profession actuelle accomplit. Je me sens comme Platini, avec du ventre, pas capable de courir après Ibrahimovic. C’est ça : je suis le Platini du tatouage.“
Autre élément qui lui a valu une reconnaissance mondiale : son univers très marqué par l’art et l’iconographie japonaises, où dragons, pivoines et carpes sont récurrents. “C’est un style à part entière dans le tatouage, pratiqué par de nombreux tatoueurs, qui possède ses courants et ses différentes manières de faire”, souligne-t-il.
Les murs de son salon de tatouage parisien, qu’il a monté en 1999 et qui se dresse rue de Rue de Douai dans le quartier de Pigalle, sont d’ailleurs recouverts de dessins représentant des dragons.
Un animal emblématique pour l’artiste, auquel il rend aujourd’hui à nouveau hommage, puisqu’il a littéralement personnalisé la carrosserie du Nissan Juke, un des premiers crossover urbains, à l’occasion du mondial du tatouage, rejoignant ainsi la lignée des artistes qui ont fait de certains véhicules un support d’expression inattendu et modulable, qu’ils ont tantôt peint, compressé ou complètement dénaturé.
On connaissait la capacité de cette voiture à se personnaliser, désormais, avec ce dragon japonisant sur son aile, propre à l’ADN de Nissan, le modèle offre de nouvelles perspectives en matière d’esthétisme.
Faire avancer le schmilblick
Et puis, derrière Tin-Tin l’artiste, il y a Tin-Tin le combattant. Depuis des années, l’homme se bat pour faire reconnaître le tatouage en tant que dixième art, au même titre que la peinture, le cinéma ou encore la BD. Un statut logique et indispensable, quand on sait que cette pratique ancestrale a fait son entrée au musée du Quai Branly en 2014, grâce à l’exposition “Tatoueurs, Tatoués”. Tin-tin s’exclame :
“Cette exposition a vraiment fait avancer le schmilblick, mais elle a aussi pointé du doigt ce fameux paradoxe : nous ne sommes toujours pas reconnus en tant qu’artistes mais le tatouage fait son entrée dans un musée national – le musée des arts premiers qui plus est ! On ne peut pas faire plus premier que le tatouage en matière d’art.”
En attendant que la France se décide à intégrer le tatouage dans sa classification officielle, Tin-Tin poursuit son travail, notamment à l’aide du Syndicat National des Artistes Tatoueurs (le SNAT), qu’il a lui-même fondé en 2003 et qui comprend aujourd’hui près de 1 500 artistes-tatoueurs, et en ouvrant, du 4 au 6 mars prochain, les portes du Mondial du Tatouage pour la quatrième édition consécutive.
Un évènement gargantuesque, où se sont pressés 32 000 visiteurs l’année dernière, et qui fait de Paris un lieu incontournable en matière de tatouage. “On est vraiment la capitale mondiale du tatouage, affirme-t-il. En tout cas c’est ce que me dit tout le monde. Et quand on me le dit, ça me fait plaisir autant que de vous le répéter.” À nous aussi, Tin-Tin, à nous aussi.
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