Des murs des terrains à ceux des galeries internationales, Koralie et SupaKitch ont fait un sacré chemin.
Ces deux artistes qui partagent leurs pinceaux, leurs bombes et leur maison mettent en lumière une grande problématique contemporaine : le street art s’est-il assagi ou s’est-il simplement diversifié ? Konbini et Ray Ban se sont associés pour confronter ces deux visions artistiques et ainsi identifier ce qui les oppose, mais aussi ce qui les rassemble. Ils se sont d’ailleurs prêtés au jeu de l’interview Visions pour nous le raconter avec leurs mots :
Le beau est dans la rue. Ce slogan de mai 68 a longtemps collé parfaitement à l’univers du graffiti. Mais depuis quelques années, le street art a pris d’autres chemins que la street. Les graffeurs n’hésitent pas à s’exposer en galerie, à être le sujet de beaux livres travailler avec des marques haut de gamme. Fini l’image de l’artiste qui graffait la nuit dans l’illégalité, en ayant peur de se faire prendre. Même les mairies invitent des figures du street art à redonner des couleurs à leur ville. C’est devenu un art à part entière.
De Bayonne à la Big Apple
Deux artistes illustrent bien cette évolution et ils se bien trouvés puisqu’ils ont fini par se maquer ensemble. La première c’est Koralie, une jeune graffeuse née en 1977 à Montpellier qui a vécu à NY, Brooklyn et Paris avant de poser ses valises dans la festive Bayonne. Cosmopolite, elle expose en ce moment dans une galerie new-yorkaise (la Pen & Brush Gallery). Sa pratique originale et virtuose l’amène à travailler sur des herbiers poétiques plus vrais que nature ou d’impressionnantes fresques colorées aux formes géométriques presque art déco. Dans une autre vie, elle était architecte ce qui explique son don pour la perspective. Elle s’inspire autant du Japon, de l’estampe au manga, de détails ethniques (tresses africaines, poupées russes, etc.) que de la nature.
Elle explique : « Je souhaite rendre hommage à la nature, à son âme, lui donner le respect qu’elle mérite. Sans mysticisme, je suis inspirée par des notions telles que l’animisme, la spiritualité et l’occultisme. J’extrais de la poésie et de l’esthétique pour créer mon propre langage, mélangeant symboles, éléments, traditions et rituels d’origines différentes, et proposant une harmonie multiculturelle. »
Pour y parvenir elle utilise à la fois le collage, les pochoirs, l’acrylique, la peinture à l’huile et tout le potentiel que lui offre son imagination.
Belles matières
Koralie collabore souvent avec Guillaume Grando alias SupaKitch, une autre star du street art avec laquelle elle a fondé en 2005 une marque de vêtements, Métroplastique et avec qui elle vit. Ensemble, ils ont signé des fresques communes mais aussi assuré la D.A de l’album The Big Machine d’Emilie Simon, avec laquelle ils partagent le goût pour les atmosphères oniriques. SupaKitch est né en 1978 à Bagnolet et se passionne pour la board culture (surf et skate), le tatouage, les mangas et le hip hop. Son premier pseudo était d’ailleurs « Ride. » Après une carrière à 20 ans en tant que D.A dans la pub, il commence à faire des graffs dans la rue avant d’être découvert par des galeries internationales. Sa dernière aventure ? Il vient d’exposer 80 bis rue de Turenne à Paris son nouveau travail, The Shape Of Matter. Très organiques, ses œuvres rappellent, comme celle de sa femme, le pouvoir des éléments, que ce soit l’eau ou la pierre.
Il parle de certaines de ces structures qui sortent des murs pour devenir des sculptures ré haussées de feuille d’or ainsi : « Une extraction est un échantillon de matière prélevé du sol ou de la roche directement. Ce qui est invisible devient visible. Elle permet de lire et mettre en lumière l’épreuve du temps ou un fragment des constructions de l’homme à travers une coupe calibrée qui révèle le dessin et la forme de la matière. »
Sur son compte Instagram, on peut apercevoir des peintures réalisées récemment avec Koralie au pouvoir hypnotique. La preuve qu’à deux, on est souvent plus fort.