Dans Warm Up, on s’intéresse à des artistes dont vous allez (sûrement) entendre parler dans les mois à venir. On a parlé avec Lola Le Lann de son premier clip, entre autres.
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On est chanteuse ou comédienne. L’une ou l’autre. On a l’impression que le milieu artistique, en France du moins, fonctionne selon cette dichotomie, contraignant alors chaque artiste à rester dans son créneau et à se cantonner à une seule et même forme d’expression. Du haut de ses 23 ans, Lola, comme d’autres avant elle, a décidé de s’affranchir de cet aspect-là. Tandis qu’elle a déjà fait ses preuves au cinéma – Vincent Cassel lui a donné la réplique dans Un moment d’égarement en 2015 – et qu’elle squatte régulièrement les planches de la capitale, la jeune scéenne est désormais prête à se lancer dans la musique.
Avec “Lola à l’eau”, son single inaugural, cette jeune artiste prometteuse dévoile un titre hybride, alliant un chant typique de la variété française avec une instru ostensiblement électro. Sublimé par des rimes travaillées et poétiques, ce premier morceau est une métaphore à lui seul, et il faudra sans doute plusieurs écoutes pour en saisir les diverses nuances.
Lola Le Lann fait partie de cette nouvelle vague de musiciennes francophones comme Angèle et Vendredi sur Mer, qui revalorisent à leur manière la langue de Molière à travers leurs chansons là où beaucoup d’artistes ont préféré se tourner vers l’anglais. Après le très solaire “Lola à l’eau” qu’il sera d’ailleurs difficile d’extirper de votre mémoire, d’autres morceaux devraient sortir dans les prochains mois pour confirmer tout le potentiel de cette artiste pop montante. On s’est posé avec elle pour échanger plus amplement sur son projet, sa passion pour la musique et ses inspirations.
© Laura Pelissier
Qui es-tu ?
Lola Le Lann, intermittente de 22 ans et 364 jours, parce que c’est mon anniversaire demain [l’interview a été réalisée le 8 février 2019, ndlr].
D’où est-ce que tu viens ?
Je suis bretonne du côté de mon père, puis alsacienne, italienne et parisienne du côté de ma mère. J’ai grandi à Paris et là, j’habite à Sceaux dans le 92.
Quand est-ce que tu as commencé la musique ? Avec quel instrument ?
J’ai commencé il y a quinze ans, c’était avec le piano à l’âge de 8 ans. J’ai fait le conservatoire, que j’ai fini à 22 ans. Le chant au conservatoire, ce n’était pas trop mon truc, mais je suis allée à l’Académie vocale de Paris par la suite, quand j’avais 12 ans, pour faire du chant liturgique. C’est vraiment une maîtrise spécifique. C’était beaucoup plus cool.
Est-ce que tu as eu d’autres projets musicaux avant ?
Non, jamais. Quand j’étais au lycée, je rêvais avec des copines de peut-être lancer un groupe ou autre, mais ça ne s’est jamais fait. En fait, j’ai commencé à tourner au cinéma en terminale. L’été avant l’année du bac, j’ai passé un casting sauvage. Ils repèrent des gens dans la rue, via des affiches, sur Internet… Le casting était juste à côté de mon lycée. J’y suis allée pour essayer parce que ça m’intriguait. Je faisais déjà des petits castings de pub avant mais je trouvais ça assez humiliant. Là, j’avais envie d’un truc avec un texte ou avec de l’impro.
Après, c’était un peu un challenge : si ça ne marchait pas, je comptais laisser tomber. Je pense que cet aspect-là, c’est parce que ma mère est comédienne et elle m’a souvent répété qu’il ne fallait pas aller vers ce métier, que c’était la galère. Donc inconsciemment, j’avais envie de lui prouver le contraire.
Là je me lance dans la musique mais ce qui me plairait, c’est de continuer à faire du théâtre, du cinéma. C’est vrai qu’en France, on a l’habitude de mettre des gens dans des cases. Dans d’autres pays, pas forcément aux US, les artistes sont assez complets. Pour moi, une pratique artistique se nourrit des autres. Ça me sert énormément de jouer du piano pour ensuite faire du théâtre, tout comme je pense que travailler des rôles ou interpréter les textes d’autres au cinéma, ça peut me servir dans ma musique. Ce qui m’intéresse, c’est vraiment de faire tout ça à la fois.
Quelles sont tes inspirations et influences musicales ?
Par rapport à l’album, c’est vraiment plus de la pop française ancrée dans les années 1980, mélangée avec des instruments organiques et électro d’aujourd’hui. Par exemple, je pourrais citer Michel Polnareff, les ballades de ses débuts m’ont beaucoup touchée. Il a fait des chansons que j’ai adorées, même si elles sont pas forcément connues, comme “La Michetonneuse” ou “Qui a tué Grand-Maman ?” Il y a aussi un peu de Michel Berger dans mes ballades et de Sébastien Tellier dans les synthés. Évidemment Gainsbourg, mais ça devient cliché aujourd’hui de l’évoquer [rires].
En artistes féminines, il y a Isabelle Adjani que je trouve très inspirante dans ce qu’elle dégage et comment elle incarne ses chansons, même si elle n’est pas chanteuse de base. En pianiste et chanteuse, il y a Véronique Sanson évidemment. Il y a d’autres artistes qui s’éloignent de l’album mais qui sont en tout cas présents dans ma vie : je pense à Nina Simone, dont j’aime beaucoup le côté touche-à-tout, à Jeanne Moreau, qui est une super conteuse, ou encore à Jorja Smith, qui n’a absolument rien à voir mais que j’adore tellement.
Ah et rien à voir là encore mais j’écoute beaucoup de rap. Faut quand même le dire ! Je pense à Hornet la Frappe, à SCH – dont j’écoute énormément le dernier album.
Mon père est musicien. Il est dans le jazz, c’est plutôt un puriste. Dans tous ses albums, t’as l’impression qu’il est influencé par un registre différent et j’aime bien cette idée de tout le temps se renouveler. De toute façon, aujourd’hui, on n’a pas le choix si on veut perdurer.
© Laura Pelissier
Comment est-ce que tu composes ? Décris-nous ce processus.
C’est très simple : quand je compose en général, je me mets au piano et parfois je revois des mélodies très classiques parce que c’est les plus inspirantes. Je pense notamment à Chopin, des compositeurs comme ça, dont plein de gens de la pop s’inspirent. Après, ça peut être une phrase ou un thème ou une histoire à raconter qui va me servir de point de départ. C’est un processus très classique.
“Lola à l’eau”, c’est la dernière chanson qu’on a écrite parce qu’on cherchait vraiment des titres plus solaires. Au départ, je n’avais que des ballades et c’est vrai que moi-même, ça ne m’intéressait pas trop d’avoir que ça. Je voulais surprendre. On a trouvé “Lola à l’eau” au dernier moment, on l’a écrite à plusieurs. Il y a ce truc très pêchu de se parler à la troisième personne qui peut paraître un peu osé, mais dans ce que ça raconte, j’étais contente de la mettre en première chanson de l’album. Ça raconte vraiment l’histoire d’une jeune femme de 23 ans qui découvre un nouveau terrain, là celui de la musique, d’où l’expression “se jeter à l’eau” qui prend tout son sens.
Quelles seraient les meilleures conditions pour écouter ta musique, selon toi ?
Ça dépend des chansons. Par exemple, pour “Lola à l’eau”, je dirais, comme c’est vraiment un titre solaire, ce serait avec des amis, en vacances. Un truc très kitsch. Et sinon pour des ballades, qui sont plus mélancoliques, je dirais dans le métro.
Comment définis-tu ton projet ?
Ce qui m’intéressait vraiment avec ce premier album, où je n’ai d’ailleurs pas écrit toutes les paroles et où j’ai plus été interprète et compositrice qu’auteure, c’était d’incarner les mots des autres. Là je commence à écrire, mais ce qui m’intéressait vraiment pour le coup, c’était d’interpréter des histoires qui ne sont pas forcément les miennes. Un peu comme le théâtre. Ça définirait bien l’album.