Vendredi dernier, Laylow a signé un retour magistral avec L’Étrange Histoire de Mr. Anderson, un court-métrage que le rappeur a dévoilé par surprise sur sa chaîne YouTube afin d’annoncer la sortie de son nouvel album en juillet prochain. Rapidement, le public s’est amusé à décortiquer les différents indices parsemés dans ce conte aux allures fantastiques. S’il est évident que le film établit des liens avec l’album Trinity, certaines questions, sur les symboles représentés et leur sens, restent en suspens.
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S’il existe une personne qui connaît les réponses à ces interrogations, c’est bien Osman Mercan, le réalisateur du court-métrage. Contacté par Konbini, il a accepté de répondre à nos questions et de nous emmener dans les coulisses du film, de l’écriture du scénario aux références à Trinity en passant par le jeu d’acteur de Laylow.
Konbini | Tu connais Laylow depuis longtemps. Tu peux te présenter, dire quel est ton travail avec lui ?
Osman Mercan | Oui, je connais Laylow depuis un moment. On travaille ensemble depuis le début, on est potes à la base. Puis j’ai commencé à réaliser des clips pour lui et d’autres artistes.
Comment vous avez eu l’idée de faire un court-métrage ?
Depuis Mercy, on a fait beaucoup de clips ensemble avec Laylow. On a pensé que cette fois, on pourrait tenter un truc plus original, se lancer un nouveau défi. C’est quelque chose qui nous anime, les défis. C’est là qu’on a pensé : “Pourquoi ne pas faire un court-métrage ?”
On y réfléchissait, et avec notre équipe, on s’est dit que je pourrais faire un court-métrage après la sortie de Trinity. J’ai proposé à Laylow de lier le film à son prochain album, et ça lui a beaucoup parlé. Il n’avait pas encore fini l’album à l’époque, il n’en était qu’au début. On a parlé du projet ensemble, et s’est dit “allez, on se lance”.
Comment avez-vous imaginé l’histoire du court-métrage ?
On a bossé ensemble le scénario. Je dirais qu’on l’a fait à 50/50. Ma part dans l’écriture, c’est d’avoir décidé de réaliser une fiction, car je ne voulais pas que le court-métrage soit une sorte de film autobiographique sur un artiste. Je pense que ça n’aurait pas collé au thème. Je souhaitais explorer la thématique de l’alter ego, en mettant en scène le personnage de Mr. Anderson un peu de façon mystérieuse. Ces idées ont parlé à Laylow, et on est parti sur le thème du conte, du fantastique.
Comment as-tu jugé la performance d’acteur de Laylow ?
Laylow, c’est un performeur, quelqu’un qui sait se placer devant une caméra. C’est quelque chose qui lui plaît, et je ne m’inquiétais pas en amont. Même sur le tournage, ou après avoir regardé les rushs, j’étais content de sa performance.
Et puis, je retrouvais un peu la personne que je connais. On n’a pas tellement essayé de modifier sa personnalité à travers son personnage. Sauf lorsqu’il interprétait le rôle de Mr. Anderson : à ce moment, il devait marquer un contraste.
En tant que réalisateur et collaborateur de Laylow, comment vois-tu son rapport très cinématographique à sa musique ?
Je trouve ça courageux. Pendant la conception de l’album, on a beaucoup parlé de cette trame qui est installée dans les albums. Comme je suis à l’intérieur du processus de création, je n’ai pas le recul d’un auditeur lambda, mais je trouve que c’est divertissant. Ça reste de la musique, c’est pour faire voyager. Et c’est toujours amusant de tenter des nouvelles choses, ne pas juste se calquer sur ce qui se fait ailleurs.
Combien de temps avez-vous mis à réaliser le film ?
On a tourné pendant une semaine, puis je dirais qu’on a fait quatre ou cinq mois de post-production pendant lesquels on a travaillé sur le montage, le sound design, les effets spéciaux. Ce qu’on a trouvé long, car les clips mettent moins de temps à se faire.
C’est votre premier court-métrage à tous les deux, avez-vous rencontré des difficultés particulières ?
Des difficultés, il y en a toujours ! Maintenant, des difficultés qu’on n’avait pas prévues du tout, on n’en a pas vraiment rencontré. Mais comme on avait entrepris un projet ambitieux, aucune étape n’était facile, que ce soit la recherche de la voiture, le repérage des lieux, la déco… On en avait conscience, on voulait être sûrs de ce qu’on proposait. Ce n’est pas juste un court-métrage, c’est un élément qui vient s’intégrer dans la carrière de Laylow, et on souhaitait maîtriser ce qu’on faisait.
Concernant le fond, on remarque beaucoup de références dans le film (Matrix, Tim Burton…). Est-ce que tu peux nous parler de vos inspirations ?
J’ai bien été inspiré par les références que tu viens de me citer. Ce sont des films qui me passionnent, des univers dans lesquels je me sens à l’aise. Ce sont de grands films de divertissement, avec des partis pris sur beaucoup d’aspects, que ce soit la décoration, la couleur ou le stylisme. C’est dans cette veine qu’on voulait prendre la parole, avec ce court-métrage.
Il y avait l’ambition de coller à ce qu’on était en train de construire musicalement sur l’album. Donc ces références se sont très vite imposées dans nos têtes.
On comprend que ton court-métrage raconte qu’il faut parfois quitter les sentiers battus pour suivre la voie de la créativité. Pourquoi ce message ?
Cette idée de suivre la créativité, et emprunter des chemins sombres pour arriver à ses fins, était importante pour nous. Notre travail est créatif, et ça nous passionne. Les artistes qui nous ont le plus inspirés quand on était jeunes, c’est ceux qui ont pris des risques et proposé des œuvres différentes de ce qui se faisait. Je pense que c’est comme cela qu’on laisse une empreinte sur son époque.
Le chemin vers la créativité est long pour tout le monde, chacun a des moments de doute. Quand on a un rêve, il faut travailler pour l’accomplir. Et sur le chemin, lorsqu’on fait bien les choses, on trouve des signaux que le destin nous envoie, qui nous aident à avancer. D’où le personnage de la sorcière dans le court-métrage, elle représente ce signal qui nous aide dans notre périple.
Est-ce que tu peux nous dire ce que représente le personnage du concessionnaire ?
C’est un personnage qui est sur le chemin du héros, qui va voir en lui une lueur. Il sera motivé par les autres personnages de son lieu à aider le protagoniste à faire sa traversée, son chemin. Il est aussi divertissant, on dirait un magicien un peu étrange.
Il y a beaucoup d’indices dans le court-métrage, qui font le lien avec Trinity (par exemple les grillz de Mr. Anderson qui sont les mêmes que ceux que portent Laylow sur la pochette de l’album). Vous souhaitiez que le public s’amuse à les décortiquer ?
Bien sûr ! [Rires.]
Du coup, à quel moment se place la trame du court-métrage par rapport à Trinity ?
Si tu regardes bien le film, tu remarques que c’est avant Trinity. Par exemple – il y a des gens qui l’ont relevé —, il y a une Lamborghini jaune sur la pochette de Mercy, et on a utilisé consciemment la même voiture dans le court-métrage pour situer la trame dans la continuité. C’était drôle pour nous de parler de cette époque. Même Laylow, c’était son choix de revenir musicalement et créativement sur le “avant Trinity“. Raconter comment il en est arrivé là maintenant.
Est-ce qu’il y a des indices que personne n’a remarqués, qui montrent que le film se passe avant Trinity ?
Il y a plein de petits détails, et je ne sais pas tout ce que le public a remarqué. Mais disons la décoloration : c’est la première fois que Laylow se décolore les cheveux, et c’est dès le début du film. Et puis, on montre le début de son parcours en quelque sorte.
Est-ce qu’il y aura une suite, peut-être d’autres courts-métrages ?
On n’a pas forcément prévu d’autres courts-métrages. Le projet est quand même musical à l’origine. Puis proposer un film de 20 minutes au public, c’est du travail, une nouvelle proposition. Donc pour l’instant, on se concentre sur d’autres visuels, qui ne seront pas des courts-métrages. En ce moment, on travaille sur la suite, qui n’aura pas nécessairement de lien direct avec le film. Mais peut-être dans le futur, on ne sait jamais. On aime beaucoup proposer de nouvelles choses.