J’ai écouté le nouvel album de Saez et j’ai vomi mon kebab

J’ai écouté le nouvel album de Saez et j’ai vomi mon kebab

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Cover #humanité de Saez

Même que c’était un salade-tomates-oignons supplément fromage sauce algérienne, chef.

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Aujourd’hui est une journée extrêmement riche côté musique. Pour le meilleur, mais aussi le pire. C’est la séquence Malaise TV du jour, et elle est signée par l’incorrigible Damien Saez, qui vient de dévoiler son album Humanité, ce vendredi 30 novembre. Il faut dire que sa communication désastreuse laissait présager le pire, mais (même moi) je ne m’attendais pas à un tel débit de conneries en une heure chrono.

La cover n’annonçait, elle non plus rien de bon, résultat des jeux : pas de (bonne) surprise. Niveau musique, rien à signaler. Si ce n’est vingt ans de retard et une fâcheuse tendance à te péter les oreilles. Mais alors le discours affiché est une honte pour la chanson française dans son ensemble. C’est le truc le plus gênant que j’aie pu entendre depuis la collab Eve Angeli/Francky Vincent cet été, et de loin.

On se prépare psychologiquement, on se cale dans un bon fauteuil pour bien digérer et c’est parti. Onze titres, une heure d’écoute. Wah la purge, mon pote. Le mec refuse le capitalisme mais est sur Spotify. Bon. Première phrase du premier morceau : “Il y aura des drones à la place des curés”. Hein ?! Vas-y je remets le début. “Il y aura des drones à la place des curés”. Ah non, j’avais bien entendu la première fois. Bon, d’accord. Dès les premières phrases, c’est une compilation nauséabonde d’amalgames et de clichés éculés. Mais pourquoi ne laisse-t-il pas la dystopie à des gens qui savent en parler ?

Bon allez, on passe outre. Play. Et merde, il n’arrive pas à rester sur un seul thème. Sur absolument tous les titres de l’album, ça part dans tous les sens. C’est un immense bazar où se mêlent religion, réseaux sociaux, sexisme et haine gratuite. Mais, en plus, les morceaux sont juste interminables, on n’en voit pas le bout. C’est terrible. À tous ceux qui ont réussi à passer les trois premiers titres (plus de vingt minutes d’écoute) : vous êtes des héros, la nation ne vous oubliera pas.

Je suis déjà au bout de ma vie : pause clope. J’ai besoin de prendre l’air un peu, mon kebab du midi a du mal à passer devant un tel flot d’idioties. En plus de ne pas savoir se servir des réseaux sociaux, Saez ne les comprend pas. (“J’envoie”, “P’tite pute”, et toutes les chansons en vrai tant c’est le bordel). C’est cru, misogyne (“P’tite pute”), vulgaire, et il est tellement obsédé par le voile qu’il y consacre une chanson (“Burqa”, on y reviendra plus tard…). Le gars est complètement dépassé par son époque : en plus de ne pas la comprendre, il ne l’accepte pas et souhaite imposer ses idées extrémistes par le biais de sa musique. On flirte avec le niveau de récupération de Christine Boutin, c’est dire.

Pourtant, si vous l’écoutez au premier degré, le type est élu président demain, hein. Il a la solution pour tous les problèmes d’aujourd’hui et ceux des deux mille prochaines années. En un album, Saez, il te résout le conflit israélo-palestinien, sauve la planète de la pollution, donne de la nourriture à toute l’Afrique tout en déjouant le piège tendu par la terrible société de consommation. Trop fort.

Plus sérieusement, c’est juste insupportable de prétention. Comment une idole de mon adolescence a-t-elle pu devenir un caca pareil ? Le pire, c’est que je le kiffais vraiment Saez. “Jeune et con” est un classique, on ne peut pas lui enlever ça. Mais le Saez que j’aimais, c’est celui qui parlait d’amour au petit être fragile que j’étais. Comme dans ses chansons “Marguerite” ou “Marie”, que j’ai saigné comme pas possible la première fois que je me suis fait tej par une meuf. Pas celui qui s’érige en martyr de la société de consommation à laquelle il doit tout. Pas celui qui se prend pour un fédérateur des opprimés qui ne le sont pas.

Le pire, c’est qu’il ne chante même pas spécialement mal, ni n’écrit mal techniquement parlant. Mais un tel discours, ce n’est pas possible. Bon allez, on reprend. Prochaine chanson ? Troisième track: “La Mort”. Je vais prendre un antidépresseur et je reviens. Même quand il parle de la mort, il ne peut pas s’empêcher de parler de la société. Mais que viennent foutre “les followers” qui l’obsèdent tant dans une chanson qui s’appelle “La Mort” ?! Ça doit être un complexe des réseaux sociaux, c’est pas possible. Surtout que le mec a sorti une chanson intitulée “Voici la mort”, en 2002. Preuve s’il en fallait du néant absolu de son évolution et de son inspiration musicales.

“La mort dans les #BalanceTonPorc, la mort celui qui dort dehors”. Mais quel est le F*CKING rapport ?! Et ce n’est qu’un exemple parmi des dizaines de rimes foireuses et insensées. Puis arrive son “tube” : “P’tite Pute”, qui réussit l’exploit d’atteindre un niveau de misogynie rarement égalé. Mais qui es-tu Damien Saez pour insulter toute une génération que tu n’essaies même pas de comprendre ? Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet, pas besoin d’en rajouter. On vous laisse écouter, c’est honteux. Je me sens un peu patraque d’un coup.

Sixième track: “La Belle au bois”. Et le niveau de sexisme crade ne redescend pas. Je sens déjà la bile me retourner l’estomac. “Snap au monde entier son cul en déhanché, twerk pour faire bander les bouteilles de Dom Pé'”. Et on ose encore dire que le rap est misogyne ? Really ?!

“Elle sucera dans les chiottes n’importe quel enculé, taillera des pipes à qui pourra la faire rêver”. Hey Saez, le respect des femmes, ça te dit quelque chose ? Pour les libertés individuelles et l’ouverture d’esprit, on repassera. C’est trop pour moi. Un petit tour aux toilettes du rez-de-chaussée deuspi, tête au-dessus des WC, deux doigts au fond du gosier, tu coco. Une fois le que-gré complet sauce algérienne évacué, on peut se remettre au boulot. Ah je me sens mieux. Petite pause clope (faut pas déconner) et c’est reparti.

Neuvième track: “Attentat”. Un titre sur lequel notre poète national clame haut et fort : “Arrête de me regarder comme ça, je pourrais bien faire un attentat”. Ah bah non, ça va pas mieux en fait. En plus d’être à côté de la plaque, il n’a honte de rien, le bougre. Comment peut-on utiliser de tels mots sans prendre toute la mesure de leur portée ? De surcroît sur un sujet qui a été une immense souffrance pour les Français. Si j’ai bonne mémoire Saez, tu as même été le premier à faire deux chansons dessus : l’une sur Charlie Hebdo et l’autre sur le 13 novembre. Si c’est pas de l’hypocrisie ça.

Et le malaise atteint son paroxysme grâce au morceau “Burqa”, sur lequel on peut se délecter de la punchline la plus surréaliste de l’année : “Moi je dis les moches en burqa, et puis les bonnes en bikini. C’est ma religion à moi, dans tous les pays.” Pardon ? Même au millième degré, il faudra m’expliquer. Navrant.

Quel manque d’humilité affligeant. Onzième et ultime track: “Ma religieuse”. Et c’est la fin de l’humanité (enfin). “Ma religieuse à moi, tu peux bien tenter de la voiler, crois-moi, le bon Dieu sait que c’est un bon coup”. C’est pas de l’obsession pour l’Islam ça ? Ça le dérange tant que ça les gens qui se voilent ?

Bilan : un album plus vulgaire qu’un disque d’Alkpote, la virtuosité en moins, un disque plus débile que du Patrick Sébastien, l’humour en moins. On a rarement entendu un tel flot de crasse en une heure. Le pire, c’est que pour la conception de cet article, j’ai dû l’écouter une deuxième fois. Je me sens sale.

Alors oui, je vous vois déjà venir les fanzouzes de Saez qui n’ont pas capté l’arnaque : “Non mais t’es trop con, c’est du second degré blablabla…” Mais ce n’est pas ça être engagé. Si cet album dérange, ce n’est pas parce qu’il appuie là où ça fait mal. C’est juste parce qu’il est absolument immonde et intolérable. N’est-ce pas toi, Saez, qui défend sans cesse la richesse de la langue française ? Mais pourtant les “putes”, “traînées” et autres “chiennes” sont légion, et émaillent l’album le plus ridicule de l’année.