Pour son cinquième anniversaire, le Delta Festival de Marseille a mis les petits plats dans les grands. Sur les plages du Prado, sans doute les plus emblématiques de la cité phocéenne, pas moins de 200 animations fun et sportives ont été déployées. Dans le lot, trois scènes musicales sur lesquelles se sont succédé de nombreux artistes. Et qui mieux que le numéro Uno, Fatal Bazooka pour clôturer ces deux jours de festivités ?
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Aussi connu sous le nom de Fat Baz, F.Bazook, F.B, F. ou encore fff, l’alter ego musical hardcore et savoyard de Michaël Youn a débarqué sur scène en tenue de ski, et habillé de son célèbre costume en peau de mouton. Venu interpréter les plus grands tubes de Fatal, des Bratisla Boys et évidemment des Connards, il a carrément terminé son show en osmose avec le public, en reprenant “Les lacs du Connemara” de Michel Sardou. (Oui, oui). Il ne pouvait pas y avoir de meilleur final que ça, à part peut-être une interview de l’artiste après son show. Entre parodie et sérieux, Michaël Youn se remémore avec nous les moments de gloire de Fatal Bazooka.
Konbini | Salut Fatal ! Pour commencer une réaction, tu viens à peine de sortir de scène : comment tu te sens et comment as-tu vécu le show ?
Michaël Youn | Je suis en nage, autant en marcel maintenant qu’en costume de mouton tout à l’heure ! C’était chaud autant sur scène que dans le public. C’était très guilleret, le public était partout et il y avait une belle communion entre nous. [Il prend l’accent marseillais] La chaleur ambiante s’est fait ressentir. Ça fait du bien d’être sur scène. Tu te sens bien et tu n’as pas envie que ça s’arrête.
C’est facile pour toi de remonter sur scène en tant que Fatal ? Mine de rien, ça n’arrive pas si souvent que ça.
Ce n’est pas comme si c’était la première fois, mais c’est vrai que je monte sur scène qu’à de rares occasions. Pour des galas ou des festivals par-ci par-là. Je ne sais pas combien il y avait de gens ce soir, peut-être 10 000, je ne suis pas capable de compter, mais c’est un kif. Les gens se souviennent des chansons, certaines sont devenues kitsch, d’autres cultes. Tu vois par exemple “Stach Stach”, c’est quand même un OVNI. C’est une chanson que j’ai écrite en 2001 et dix-huit ans plus tard, les gens la chantent encore. Forcément, ça fait plaisir.
D’autant que je n’ai pas la prétention d’être un chanteur. J’écris des chansons, mais je ne me prends pas pour un chanteur. C’est pour ça que chaque scène est un moment incroyable. C’est interactif, tu discutes avec le public, tu fais des vannes, des conneries, ça dérange personne et c’est ça qui est cool. Ce soir encore, j’ai foutu un gros bordel !
“Stach Stach”, parlons-en justement : tu n’as jamais donné de traductions aux paroles… Jusqu’à aujourd’hui sur scène !
Oui, c’était la première fois que je dévoilais ce secret sur scène. J’ai improvisé en fait, j’ai dit que “Kouroukoukou roukoukou stach stach”, c’était du slovaquistanais. En fait, j’ai piqué une citation à Nietzsche qui disait : “il est terrible de vivre seul sous le souffle glacial de sa propre mort”. Autrement dit, c’est terrible d’être livré à soi-même parce qu’on passe son temps à se juger et quelque part, c’est aliénant. C’est pour ça que les mecs seuls deviennent fous. Le sens de cette chanson, c’est ça : partager et être tous ensemble. Ça t’aide à t’oublier en tant qu’individualité et tu participes à cette grande unité. J’en fais partie aussi.
D’habitude, j’interprète ce morceau dans d’autres conditions, je descends dans le public, j’ai mon bateau, mais là je ne l’ai pas fait parce que la dernière fois, je me suis pété les deux genoux. J’en avais très très envie, mais on me l’a interdit.
Peux-tu revenir sur la genèse de Fatal ?
Fatal, c’est un personnage qui est né à l’époque où j’étais animateur sur Skyrock. Je voyais des rappeurs défiler qui avaient tous des noms plus agressifs les uns que les autres : “Parpaing dans la gueule”, “liquide séminale”, “rejet de greffe”, “coup de couteau dans la glotte” et j’en passe. Quand on a créé Fatal au “Morning Live” avec Vincent et Benjamin, on se disait qu’il n’y avait rien de plus mignon que de faire un rap sur un truc que nos mamans nous obligent à faire en hiver. Peut-être pas ici à Marseille, mais à Paris en tout cas, fous ta cagoule !
Après ça, tu ne t’es plus séparé de ton personnage.
Oui et quelque part, Fatal est devenu mon alter ego. Il y a encore plein de gens dans la rue qui m’arrêtent en disant “hey Fatal Bazooka !” Ils ne savent même pas que je m’appelle Michaël Youn. C’est devenu mon alter ego musical. La preuve quand je monte sur scène, je fais des morceaux de Fatal, mais aussi des Bratisla Boys, des Connards, même Alphonse Brown. Je suis Michael, mais c’est Fatal qui chante. Ça me permet à moi de me cacher derrière ce mec qui peut chanter et se la raconter comme il le veut. Quand je suis sur mon vrai territoire, le cinéma et la comédie, je suis un garçon un peu plus tranquille que Fatal qui est exubérant. C’est assez pratique.
Comment se passait une session studio dans la vie de Fatal ?
On est une petite bande. Parfois, on était deux, parfois, quatre. D’abord, on essaye de trouver une idée rigolote et avant même de parler d’instru, on se met à brailler des refrains et à chanter plus ou moins des trucs. Après, on essaye de mettre tout ça en musique et une fois que c’est fait, on écrit des couplets. Une session studio avec Fatal, c’est dans l’enthousiasme et l’émulation collective.
Dans les mois, les années qui ont suivi la sortie de l’album de Fatal, il y a des gens qui ont étudié et analysé tes morceaux pour y trouver du sous-texte. Je pense par exemple à “C’est une pute” qui dénonce le machisme et “J’aime trop ton boule” qui est un hymne à la tolérance homosexuelle. Quand tu as écrit ces chansons, tu avais cette volonté-là ? Fatal était un artiste engagé ou juste parodique ?
Oui c’était voulu. “J’aime trop ton boule”, c’est une chanson de ragga et à l’époque, il n’y avait pas plus homophobe comme musique. Il y a des chansons de ragga qui disent en jamaïcain “on encule les pédés, nique les pédés”. Un peu pour les provoquer, on s’est dit qu’on allait faire un ragga homosexuel.
Après, je n’ai pas spécialement envie de dénoncer des choses. Juste je trouvais la formule marrante et si ça prend du sens tant mieux. Le rire permet de faire passer des messages, même si parfois, je me plante aussi.
Dans la peau de Fatal à l’époque, tu parodiais le rap et plus précisément le gangsta rap. Tu aimais ça et tu en écoutais, ou c’était juste un délire pour se moquer du phénomène ?
Ah bien sûr, j’en écoutais vachement. Ce n’est pas juste une parodie, le rap, c’est une musique que j’aime. Et puis je considère que pour bien parodier il faut quand même aimer. Il faut comprendre et apprécier. Si tu fais que te moquer, ça donne un truc gol-ri une ou deux fois, mais après ça devient un peu sale. Si “Fous ta cagoule” est resté quelque part, c’est parce que c’est du rap, mais qui n’allait pas très très loin non plus.
Avec l’évolution du rap qui prône l’autotune à outrance, après les rappeurs gangsta, j’imagine qu’il y a quelque chose à faire pour Fatal. Tu as eu envie de parodier cette nouvelle génération ?
Ouais bien sûr ! J’aimerais bien même. Mais après, je suis moins imprégné qu’à l’époque où j’en écoutais non-stop. Cela dit, même si ça ne plaît pas à certains de mon équipe, j’adore PNL, je kiffe PNL de ouf. Je leur ai écrit sur Insta, mais ils ne m’ont pas répondu. [Il fait semblant de pleurer] J’adore “Au DD” putain !
Il y a des trucs qui sont très inspirants et je voudrais refaire des morceaux. En fait, j’ai essayé il y a trois/quatre ans, mais avec le recul, je pense que je n’avais pas visé juste. Aujourd’hui, je voudrais refaire des morceaux rigolos et festifs au travers de Fatal Bazooka, mais qui ne sont pas nécessairement des parodies. Ils le seront toujours un peu parce que c’est ma façon de faire, mais je n’ai pas besoin de viser, d’attaquer et de piquer.
Tu vois par exemple, je trouve que la démarche à l’époque des LMFAO est super. C’est juste de la chanson rigolote sans être parodique. C’est festif et je voulais faire un truc comme ça. Je n’ai pas forcément réussi, mais c’était mon but.
Et quel est ton meilleur souvenir dans la peau de Fatal ?
Il y en a eu plein. Surtout “Fous Ta Cagoule” je pense. C’est un morceau qui m’a amené dans plein d’endroits différents : au Maghreb, au Portugal, en Espagne au Pacha. On a chanté “Fous ta Cagoule” avec des Français d’origine espagnole, car j’imagine que ce n’était pas un public espagnol. C’est très étrange, mais c’est génial.
Aussi, je pense que c’est les premiers fous rires du Morning Live : quand on a trouvé le morceau, mais qu’on n’arrivait pas à le terminer avec Vincent et Benjamin. On ne savait pas que ça donnerait tout ça. Du coup, le meilleur souvenir, c’est peut-être la première fois qu’on s’est dit que ça marchait… Je sais pas, je ne peux pas te dire, si ça se trouve, c’était le concert de ce soir.
Tu disais tout à l’heure que tu avais envie de refaire des morceaux. Aujourd’hui, tu testes des choses, des ébauches d’un retour de Fatal ?
Non, rien de musical. Mais tu sais, Fatal, c’est un peu comme une maîtresse infidèle, ça fait des tours, ça revient, ça repart, et il est possible que ça revienne.
Tu vas refaire quelques dates cet été ?
Oui, on fait un gros festival en Vendée et puis l’Amnésia, au Cap d’Agde qui est peut-être la plus grosse boîte de France. Un truc à ciel ouvert, un truc de malade.
Quand je repense à ton morceau “Auto-Clash”, je ne peux pas m’empêcher de faire le parallèle avec la guerre entre Booba et Kaaris. Comme on est vachement sérieux depuis tout à l’heure, pour finir, je vais demander à Fatal quel rappeur ou artiste il voudrait défier en octogone ?
Je sais qui ! Je voudrais défier Eddy de Pretto. Je veux aller dans l’octogone avec Eddy De Pretto parce que je suis sûr de gagner !