En Californie, un festival rassemble chaque été des centaines de femmes en quête de spiritualité et d’authenticité, dans une ambiance chic et New Age : le Spirit Weavers Gathering.
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La page Instagram montrait des images de jeunes femmes nues dans la forêt, faisant des mandalas de fleurs, tissant ensemble et buvant du thé, ce qui a immédiatement attisé ma curiosité. N’ayant pas vécu dans les années 1970 et regrettant amèrement de n’avoir été conçue qu’à la fin des 80’s, j’entretiens un certain fantasme avec l’univers du “peace and love”.
Une célébration du féminin
Sur son site, le Spirit Weavers Gathering est décrit comme une célébration de la féminité à travers des cultures ancestrales. Pour faire simple, il s’agit de femmes aux cœurs bohèmes qui ont envie de se retrouver dans un lieu dédié à l’énergie féminine et de vivre cinq jours entourées de “sœurs spirituelles”, dans la nature, tout en faisant des activités vieilles comme le monde. Hashtag #sisterhood.
“C’est le genre d’endroits où toutes les femmes se réfèrent aux autres en tant que sœurs. Si jamais tu demandes une cuillère de guacamole en plus sur ton enchilada végétarienne, on va te dire : regarde s’il en reste pour tes sœurs“, raconte la journaliste Marisa Meltzer, du magazine Harper’s Bazaar, qui s’est rendue incognito au festival (la presse n’y a théoriquement pas accès).
En tant que femmes, on a tendance à se dévaluer au sein de notre société, et on a vite fait d’oublier nos qualités et nos “super pouvoirs”. Du coup, l’idée au Spirit Weavers Gathering est de faire tout le contraire. On y célèbre une certaine idée de la féminité, somme toute assez old school, à travers toutes ses phases : de jeune fille à mère, et de mère à grand-mère. On célèbre le fait de pouvoir procréer, on se rappelle qu’être enceinte c’est quand même incroyable et assez mystique (haters, je vous vois déjà venir, me rappelant que le spectre du genre est large et qu’il n’y a pas qu’une seule façon de vivre sa féminité).
Lieu d’échanges et de savoir, le festival propose plus de 100 ateliers différents. On y pratique des artisanats traditionnels, on teint des tissus, on découvre les secrets de l’indigo, on tisse en cercle, on cueille des plantes pour en faire des médicaments naturels et on fait fermenter les aliments pour en faire des conserves. On peut même se faire masser la poitrine selon une technique d’ayurveda ou se faire tirer le tarot.
Boho chic et Earth Mamas
Dit comme ça, tu as sans doute, cher lecteur, l’impression que je te parle d’un événement de “meufs shlags” ou de “babos”, mais figure toi que pas du tout. Pas de bolas au rendez-vous. Il s’agit certes d’un festival d’été avec des réminiscences très “New Age“, mais celui-ci est extrêmement chic. Un ticket d’entrée peut coûter jusqu’à 600 euros.
La Californie est remplie de jeunes femmes aux looks “boho” (pour “bohème”, soit l’une des déclinaisons locales des “bobos”) ou “gypset” (“gypsy” et “jet-set”), prêtes à dépenser 300 euros dans un caftan, à mettre 400 balles dans un spa où l’on te colle des cristaux magiques sur le front, et qui ont remplacé leur consommation d’eau par des bouteilles de kombucha (une boisson fermentée d’origine mongole) à 7 euros pièce.
Un véritable mouvement féminin mystique existe actuellement sur la côte Ouest, et il n’est pas si underground que ça. Promenez-vous à Los Angeles et vous aurez vite fait de comprendre que c’est tout simplement la tendance cool du moment.
Les produits de beauté tels que ceux de Moonjuice ou de Shiva Rose, au marketing “spirituel et nature”, se vendent à tous les coins de rue. Pour tout vous dire, on en trouve même déjà chez Urban Outfitters (c’est le début de la fin).
Le Spirit Weavers n’est pas le seul festival né de cette niche émergente : le Mercado Sagrado, sorte de marché mystico-chic, rencontre lui aussi un certain succès et aura d’ailleurs lieu les 5 et 6 novembre, dans le canyon de Malibu.
“Elles ont entre 20 et 30 ans et ressemblent à des membres d’un culte qui serait extrêmement chic : des caftans blancs, des bagues en turquoise, des châles indigo, des tatouages au henné, des tresses”, détaille Marisa Meltzer du Harper’s Bazaar pour décrire les femmes du Spirit Weavers Gathering.
Pour ces filles, le Spirit Weavers est leur Burning Man ou leur Coachella, un espace-temps où elles peuvent parler méditation et herbalisme et enfin rencontrer les gourous de cette nouvelle scène qu’elles suivent avec assiduité sur Instagram (la communauté y est très présente).
Le festival 2016, qui a eu lieu en juillet, en était cette année à sa quatrième édition et a rassemblé 1 000 femmes, lors de deux sessions. Le festival a été fondé par Amy Woodruff en 2013, une jeune mère yogi qui vit à Hawaï et dont la photo de son enfant tétant son sein lors d’une pose de yoga a fait le tour du Net. Ce cliché lui a permis d’atteindre une certaine notoriété en ligne, dans la communauté des “Earth Mamas”, et de lancer plus facilement le festival.
Les jeunes femmes bohos font parfois la transition vers le groupe des “Earth Mamas”. Ces dernières sont des mères qui décident d’éduquer leurs enfants en symbiose avec la nature, dans le respect de la “Terre mère”. Les figures de Gaïa, déesse de la mythologie grecque, et de Pachamama, déité de la terre nourricière dans la culture inca, sont très présentes dans cette contre-culture.
La maternité est au centre des préoccupations au Spirit Weavers Gathering. “C’est un endroit où ce que l’on vénère le plus sont les mères et les enfants, ces fruits de nos entrailles”, explique un peu sardoniquement Marisa Meltzer. Les enfants rampent dans tous les sens et on nous dit que si les hurlements des enfants nous ennuient, on a qu’à l’utiliser pour méditer.” La journaliste ajoute :
“Il n’y avait pas un seul workshop ou repas où je n’avais pas la vision de mères en train de donner le sein […]. Il y avait une dizaine de workshops autour de ce thème, sur la fertilité, l’ovulation, les doulas, la guérison après un avortement et des cercles de partage où les femmes échangeaient leurs histoires d’accouchement.”
Beaucoup de ces femmes, très investies dans leur maternité, présentes au Spirit Weavers Gathering font partie d’un groupe nommé Tribe de Mama. Pour elles, la maternité a une immense dimension spirituelle. Sur le compte Instagram du collectif, on peut voir des vidéos impressionnantes d’accouchements sous hypnose, ainsi que de splendides images de femmes avec leurs enfants. Tribe de Mama organise d’ailleurs son propre festival, le Family Tribe Gathering.
Très logiquement, le vagin est lui aussi vénéré au Spirit Weavers Gathering. Il y a des ateliers où l’on peut apprendre à utiliser des œufs de yoni — sorte d’œufs en pierre, utilisés dans la Chine ancienne pour muscler son périnée — des discussions autour du stérilet et même un workshop “spa”, dans lequel on s’assoit au-dessus d’un bol d’eau bouillante mélangée avec des herbes qui sont censées aider la fertilité.
Les femmes discutent ouvertement de leur santé vaginale. “L’une d’elle a expliqué que le papier toilette était mauvais, en nous disant qu’elle utilisait un bidet, poursuit Marisa Meltzer. Une femme aux cheveux rasés nous a dit qu’on peut nourrir les plantes de sang menstruel. Elle expliquait que, non loin d’ici, une ferme fertilise son cannabis avec du sang de règles depuis deux générations.”
“Quand je n’ai pas le moral, je mets mes mains
“Le Spirit Weavers, c’est un assortiment de cultures et de spiritualité avec de la musique indienne, de l’encens japonais et des tapis marocains, le tout dans une yourte mongole”, résume la journaliste de Harper’s Bazaar. On peut alors se demander si ce festival d’initiées, étrange nébuleuse de combinaisons de religions, de spiritualité et d’éco-activisme séduira bientôt, comme le Burning Man, les gens par dizaines de milliers.