Dans Les beats de l’exil, Konbini va à la rencontre des réfugiés qui continuent malgré tout de nous faire danser.
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La guerre en Syrie fait la une de l’actualité depuis bientôt six ans maintenant. Plusieurs centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants y ont perdu la vie. Des millions de Syriens ont fui leur pays, souvent dans les conditions les plus difficiles.
Parmi ces réfugiés, certains sont de jeunes rappeurs, artistes et DJ. Ils ont échappé à la guerre et tentent de se reconstruire ailleurs. Leurs parcours divergent, leurs visions du monde aussi. Ils ont entre 20 et 30 ans et font des beats plutôt cool. Nous avons été à leur rencontre.
Refugees of Rap est un groupe de rap qui a vu le jour à Damas grâce à quatre jeunes d’origine syrienne, palestinienne et algérienne. Depuis 2013, les deux frères Yasser, et Mohamed Jamous vivent en France, à Paris, où ils continuent leur musique pacifique et politique.
Installés dans la banlieue de Damas dans le camp de Yarmouk, les deux frères d’origine palestinienne ont découvert le rap dès leur plus jeune âge.
“Petit à petit, on a commencé pour le plaisir… ça nous donnait de l’énergie, on pouvait dire ce qu’on voulait. À l’époque, c’était difficile de diffuser la musique, il n’y avait pas encore les réseaux sociaux. Mais on filait les morceaux à nos amis par Bluetooth et les gens ont commencé à partager. Du coup, on a commencé à travailler plus professionnellement.”
En 2011, la révolution éclate :
“On devait toujours utiliser des métaphores pour écrire parce que c’était dangereux de critiquer le régime. On a cru que la révolution allait casser le mur de silence. On a cru qu’on allait pouvoir dire ce qu’on voulait. Mais petit à petit, la révolution est devenue une guerre. Nous, on n’était pas fans de soutenir l’islam. Mélanger la révolution avec l’idéologie, c’est devenu un problème. Aujourd’hui par exemple, c’est l’état islamique qui a pris le pouvoir dans le camp de Yarmouk. Est-ce possible pour nous d’être là ? Bien sûr que non. Si quelqu’un veut nous censurer et veut contrôler ce qu’on dit, nous, on est contre.”
Les deux frères n’avaient d’autre choix que de quitter le pays. En 2013, ils arrivent en France.
“On a attendu sept mois puis on a eu le statut de réfugiés et la carte de séjour. Nous, en tant que Palestiniens, on n’a pas d’identités, on est nés en tant que réfugiés. En Syrie, on était Syriens, ici, on est Français. On est arrivés très motivés par notre projet d’album. On avait déjà fait pas mal d’enregistrements en Syrie. On a directement continué le travail sur l’album. On avait beaucoup de contacts en France qui nous ont permis de trouver des dates et donc de gagner notre vie.”
Ils travaillent actuellement sur un nouvel album. “Les paroles qu’on pense mettre dans cet album sont liées à notre vie, à nos histoires personnelles. Après avoir parlé de la révolution, aujourd’hui, on veut faire quelque chose sur l’exil, sur notre vie de réfugiés palestiniens.”
Par rapport à ce qu’il se passe au Moyen-Orient, les deux frères gardent espoir.
“C’est le seul moyen de rester en vie. Est-ce qu’on peut changer les choses, nous ? Je ne sais pas. On espère que le son de la musique soit plus fort que le son des armes mais en vrai c’est difficile… Ce qu’on peut faire, c’est continuer notre projet et y croire. On a participé à un programme qui s’appelle No man’s land. L’idée était de rassembler 150 musiciens dans un film musical tourné sur les traces des batailles de la Première Guerre mondiale. On essaye toujours de dire que c’est possible d’être ensemble.”
À lire -> Les beats de l’exil, vol. 1 : Mouneer Bu Kolthoum, le roi du hip-hop syrien