Le géant du divertissement Disney comptait début janvier près de 130 millions d’abonnés à son service de vidéo en ligne Disney+, un chiffre bien supérieur aux attentes. Disney+ a gagné 11,7 millions d’abonnés en un trimestre, pour atteindre 129,8 millions, selon un communiqué du groupe mercredi, soit nettement plus que les 124,6 anticipés par le consensus des analystes établi par FactSet.
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Le groupe est aussi parvenu à faire progresser de 9 % le revenu moyen par abonné à Disney+. Le chiffre d’affaires tiré des services vidéo en ligne qui comprennent, outre Disney+, Hulu et ESPN+, a crû de 34 % sur un an. L’activité demeure cependant déficitaire et a vu ses pertes opérationnelles se creuser, à 600 millions de dollars sur le trimestre.
Disney joue gros sur le segment de la vidéo en ligne, qui doit offrir un nouveau moteur de croissance, car la télévision traditionnelle s’essouffle. S’ils demeurent sensiblement supérieurs à ceux du streaming, les revenus tirés de la télévision classique ont stagné sur un an.
Toujours côté contenu, Disney a bénéficié des succès de plusieurs films, en premier lieu Spider-Man : No Way Home, coproduit avec Sony, qui a rapporté 1,77 milliard de dollars au box-office depuis sa sortie mi-décembre. Durant le premier trimestre de son exercice décalé (octobre à septembre), l’entreprise de Burbank (Californie) a aussi profité de la reprise de ses parcs d’attraction, dont beaucoup avaient été fermés pendant tout ou partie de la même période de 2020.
Le chiffre d’affaires de la branche a ainsi doublé, avec la hausse considérable du nombre d’entrées mais aussi la progression du montant moyen dépensé par visiteur. Toutes activités confondues, les revenus ont augmenté de 34 % sur un an, à 21,8 milliards de dollars au premier trimestre de leur exercice comptable. Le bénéfice, lui, est ressorti à 1,1 milliard de dollars.
Le bénéfice par action, scruté par les analystes, s’est inscrit à 1,06 dollar, soit bien mieux que les 73 cents attendus. Le marché semblait accueillir favorablement cette publication. Dans les échanges électroniques postérieurs à la clôture de Wall Street, l’action Disney gagnait 7,29 %.
Une concurrence de plus en plus rude
Globalement, les résultats de l’empire du divertissement “en disent beaucoup sur les marques fortes de Disney et sa capacité à s’élever au-dessus de la concurrence sur un marché des médias numériques de plus en plus encombré”, a commenté Paul Verna, analyste pour le cabinet Insider Intelligence.
Le chiffre de Disney tranche avec celui de Netflix. Le vétéran a quasiment le double d’abonnés, mais n’a gagné que 8,2 millions de comptes payants sur la période, pour finir l’année à 221 millions.
“Disney est parti pour donner du fil à retordre à Netflix”, prévient Tuna Amobi, analyste au sein du cabinet CFRA. “Ils sont sur une trajectoire plus rapide et ce n’est pas surprenant. […] Disney possède une énorme réserve de contenus, des noms reconnus et des franchises mondiales”.
Lancé en novembre 2019, il y a à peine plus de deux ans, Disney+ joue tout sur la croissance et ne vise l’équilibre qu’en 2024. Disney prévoit de consacrer une enveloppe de 22 milliards de dollars à ses contenus (hors sport) en 2022, avec des séries en pagaille et plus d’un nouveau film par semaine dans les tuyaux. Et même si le service gagne encore beaucoup d’abonnés aux États-Unis, à la différence de Netflix qui a déjà quasiment saturé le marché, la bataille se joue aujourd’hui à l’international, où le nombre de comptes payants a crû de 40 % en un an.
À l’instar d’Amazon Prime Video, Disney suit le modèle de Netflix et a mis en chantier pas moins de 340 programmes originaux produits hors des États-Unis, qui devraient être disponibles d’ici un an et demi à deux ans, a indiqué mercredi le PDG Bob Chapek.
“Nous venons juste de créer une nouvelle entité pour orienter le développement de ce contenu, pour maximiser les chances d’avoir un succès mondial”, a expliqué le dirigeant. Déjà détenteur d’un catalogue sans équivalent, avec Marvel, Pixar ou Star Wars, Disney rêve d’un hit étranger à la Squid Game.
Le géant de Burbank (Californie) n’est aujourd’hui présent que dans environ 60 pays, contre plus de 190 pour Netflix, mais ambitionne d’en ajouter 100 de plus d’ici 2023. “C’est là que vous verrez les chiffres d’abonnement à niveau” par rapport à Netflix, anticipe Tuna Amobi.
L’Inde, symbole de cette lutte acharnée pour conquérir de nouveaux territoires, où Netflix, Disney et Amazon jouent des coudes pour tenter de capter une part de ce marché, ne comptait encore l’an dernier que 70 à 80 millions d’abonnés payants à un service de vidéo en ligne, dans un pays de 1,4 milliard d’habitants.
Netflix n’a pas hésité à y baisser ses prix, fin décembre, pour rester compétitif, à contre-courant de sa politique tarifaire actuelle, tandis que Disney s’appuie sur sa filiale Hotstar, leader du marché indien mais dont les revenus par abonné sont inférieurs de plus de 80 % aux autres pays d’implantation de Disney+.
Même s’ils comptent aujourd’hui 27 millions d’abonnés hors des États-Unis (73,8 au total), HBO et son service HBO Max ne semblent pas disposer de la même puissance de feu. Leur mariage programmé avec Discovery, sa plateforme Discovery+ et ses 20 millions de comptes, qui sera finalisé au printemps, devrait transformer le groupe.
Quant à Paramount+ (47 millions d’abonnés) ou Peacock (24,5 millions d’utilisateurs, tous aux États-Unis), voire même Apple TV+ (20 millions), ils ne sont, pour l’heure, que des seconds couteaux. “Si vous n’avez pas les ressources pour financer les investissements en contenu, ça va être très difficile de concurrencer les Disney+, Netflix et Amazon”, estime Tuna Amobi.
Pour autant, “l’idée est plus pour chaque plateforme de prendre une part correcte d’un gâteau qui grossit”, explique l’analyste. Le cabinet Digital TV Research estime que les services de vidéo en ligne auront 1,7 milliard d’abonnés dans le monde en 2026, dont 910 millions pour les cinq principales plateformes américaines.
“Il y a plus de concurrence qu’il y en a jamais eu”, a admis le codirecteur général de Netflix, Reed Hastings, au moment de la présentation des résultats du groupe, mi-janvier. “Mais nous avons Hulu et Amazon (comme concurrents) depuis 14 ans.” Pour lui, à mesure que la télévision traditionnelle disparaît, “d’ici 10 à 20 ans”, “le streaming va devenir tout le divertissement”.
Konbini avec AFP.